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19/11/2021 | FRANCE | N°20PA04160

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 19 novembre 2021, 20PA04160


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de retour.

Par un jugement n° 2015147 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enre

gistrées respectivement le 22 décembre 2020 et le 7 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Man...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de retour.

Par un jugement n° 2015147 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées respectivement le 22 décembre 2020 et le 7 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Manelphe de Wailly, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2015147 du 16 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police de Paris du 28 août 2020 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il a été pris en violation des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et est entaché d'erreur de droit, dès lors que le préfet s'est abstenu, en méconnaissance de l'article L. 5221-15 du code du travail, de saisir les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de sa demande d'autorisation de travail, et n'a pas examiné la qualité de sa promesse d'embauche au regard des critères fixés à l'article L. 5221-11 du code du travail ;

- l'arrêté attaqué a été pris en violation des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du ministre de l'Intérieur du 28 novembre 2012 ;

- il a été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2021, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ivoirienne, née le 4 mars 1980, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de retour. Elle relève appel du jugement n° 2015147 du 16 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la requérante soutient que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation dans l'analyse des moyens qu'elle a présentés devant le tribunal administratif, cette critique qui porte sur le bien-fondé de l'appréciation portée par les premiers juges demeure sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. En premier lieu l'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à sa situation, en particulier les articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que l'intéressée ne remplit pas les conditions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'elle ne dispose pas d'un visa de long séjour et d'un contrat de travail visé. Il indique également qu'elle ne justifie d'aucune considération humanitaire ou de motif exceptionnels. Enfin, il relève qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée à mener une vie privée et familiale normale. Ainsi, cette décision énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent et doit ainsi être regardée comme suffisamment motivée, le préfet n'étant pas tenu d'énumérer l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressée et à l'antériorité de son dossier administratif. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté.

4. En deuxième lieu, si Mme B... soutient en appel que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, il ne ressort pas des termes de l'arrêté que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de sa situation. Par suite, ce moyen doit être écarté.

5. En troisième lieu, Mme B... qui est entrée selon ses dires sur le territoire français en 2009 à l'âge de vingt-neuf ans, ne démontre pas disposer d'attache privée ou familiale sur le territoire français. Par ailleurs, par les pièces qu'elle produit, elle n'établit sa présence habituelle sur le territoire français qu'à compter de l'année 2013. En outre, Mme B..., célibataire et sans charge familiale en France, séparée de son partenaire de PACS conclu en 2013, n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident son enfant mineur et sa mère. Par suite, en dépit de ses efforts d'intégration professionnelle et de sa présence sur le territoire français depuis 2013, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant emporté une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales En l'absence d'autres éléments, l'arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ".

7. Si la requérante produit un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'" employée libre-service " conclu le 12 septembre 2016 avec la société MG Distribution, ainsi qu'une demande d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger, remplie le 23 février 2018 par le gérant de la société MG Distribution, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce contrat ait été visé conformément à l'article L. 5221-2 du code du travail. En outre, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de transmettre à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), pour instruction préalable d'une demande d'autorisation de travail, le contrat de travail joint à la demande de titre de séjour, une telle démarche incombant à l'employeur en application des dispositions combinées des articles L. 5221-2, R. 5221-1, R. 5221-3, R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail. Par suite, le préfet de police de Paris a pu, sans méconnaître les dispositions précitées, opposer à Mme B... la double circonstance que ne disposant pas d'un contrat de travail visé par les services de la main d'œuvre étrangère et qu'étant démunie de visa de long séjour, elle ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code du travail.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 435-1 de ce code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

9. Mme B... fait valoir qu'elle réside de façon continue en France depuis 2009, qu'elle justifie d'une activité professionnelle depuis 2016 et qu'elle réside chez une cousine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le caractère habituel du séjour de l'intéressé sur le territoire depuis 2009 n'est pas établi, en particulier pour la période comprise entre 2009 et 2012. En outre, la durée de sa présence en France, dont il n'est pas établi, comme il a été dit ci-dessus, qu'elle serait de dix ans à la date de l'édiction de la décision contestée, ne saurait constituer à elle seule un motif exceptionnel ou une considération humanitaire au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, Mme B... est célibataire et sans charge de famille en France et ne démontre pas qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son enfant mineur et sa mère. Enfin, ni son expérience professionnelle en qualité de vendeur ou employé de libre-service, ni le contrat de travail mentionné au point 7 du présent arrêt, dont elle a bénéficié dans l'exercice de ce métier, ne constituent des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions citées au point 8. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

10. En dernier lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'Intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas au nombre de celles qui sont opposables au sens de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration dans les conditions fixées à l'article R. 312-10 du même code et, au surplus, ne comporte que des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, qui ne peuvent être utilement invoquées devant le juge par un étranger en situation irrégulière.

Sur les autres conclusions :

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 28 août 2020 du préfet de police de Paris. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président-assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 19 novembre 2021.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 20PA04160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04160
Date de la décision : 19/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : MANELPHE DE WAILLY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-19;20pa04160 ?
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