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18/11/2021 | FRANCE | N°21PA00936

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 novembre 2021, 21PA00936


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2018933/5-2 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté du 8 septembre 2020 du préfet de police, et a enjoint à ce dernier de délivrer à M. B... un t

itre de séjour dans un délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2018933/5-2 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté du 8 septembre 2020 du préfet de police, et a enjoint à ce dernier de délivrer à M. B... un titre de séjour dans un délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 février 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....

Il soutient que :

- sa décision n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie familiale de M. B... en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il reprend ses écritures de première instance quant au caractère non fondé des autres moyens soulevés par le requérant dans cette instance, celui-ci ne remplissant pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 314-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers pour obtenir un titre de séjour sur ce fondement, les dispositions de l'article L. 313-11 7° du même code n'ayant pas été méconnues, et l'intéressé ne démontrant pas, pour critiquer la décision fixant le pays de renvoi, qu'il y serait plus exposé au Covid ou qu'il ne pourrait y être soigné.

Par des mémoires en défense enregistrés le 26 juillet 2021 et le 18 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Sidobre, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, et à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (article L. 423-23 nouveau du même code), l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai, et à titre subsidiaire, à ce que la cour ordonne le sursis à statuer dans l'attente d'une instance au fond devant le tribunal judiciaire en application de l'article 16-11 du code civil, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renaudin,

- et les observations de Me Sidobre, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant comorien né le 15 septembre 1994, est entré en C... le 9 septembre 2017, sous couvert d'un visa de long séjour, pour y poursuivre des études. En septembre 2020, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 314-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en sa qualité de fils de père français. Par un arrêté du 8 septembre 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Paris. Par jugement du 28 janvier 2021, dont le préfet de police relève appel, ce tribunal a annulé l'arrêté du 8 septembre 2020 et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un titre de séjour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. (...) ".

3. Pour annuler l'arrêté du 8 septembre 2020, les premiers juges ont retenu que le préfet de police avait porté à la vie familiale de M. B... une atteinte disproportionnée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de ce que ce dernier était démuni d'attaches familiales à l'étranger et que son père et sa mère, ainsi que ses demi-frère et demi-sœurs vivent en C.... Toutefois, si M. B... démontre, par la production de son état-civil rectifié, que sa mère est bien la personne chez qui il vit en C... et qu'elle est titulaire d'une carte de séjour, il ressort des pièces du dossier que celle-ci a donné naissance à deux enfants en C... respectivement en 2013, et en 2015, et que par conséquent M. B... a vécu sans ses parents aux Comores jusqu'en 2017, soit jusqu'à l'âge de 23 ans, sans qu'il soit démontré par les pièces du dossier qu'il était alors dépourvu d'attaches familiales ou sociales dans ce pays. A la date du refus de titre de séjour litigieux, M. B..., résidait seulement depuis trois ans sur le territoire français et était âgé de 26 ans, célibataire et dépourvu de charges de famille. Les relations avec ses parents et ses demi-frères et sœurs, alors qu'il a vécu aux Comores sans eux jusqu'à l'âge de 23 ans, ni la circonstance qu'il ait suivi une scolarité en C... d'un an à l'université de Dunkerque en 2017/2018, et qu'il ait travaillé au cours de l'année 2021 en mission d'intérim dans une société, soit postérieurement à la décision contestée, ne suffisent à établir qu'il aurait déplacé en C... le centre de ses intérêts privés. Dans ces conditions, le préfet de police, en refusant la délivrance du titre de séjour demandé, n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Le préfet de police est par conséquent fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision du 8 septembre 2020 pour ce motif.

5. Il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris et devant elle.

Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision attaquée :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. La décision portant refus de titre de séjour contient dans ses visas et ses motifs les considérations de droit et les circonstances de fait sur lesquelles elle se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. B... au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables, notamment au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si ce dernier fait valoir que la décision mentionne de manière erronée que sa mère vit aux Comores, le préfet s'est fondé sur les déclarations en ce sens de M. B... lors de sa demande de titre de séjour, seuls éléments alors indiqués. La mention que M. B... ne justifie pas être dépourvu de ressources personnelles, n'est pas plus erronée. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée, ou entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. Il n'est pas fondé non plus à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur de fait.

7. Aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de sa demande de titre de séjour, l'intéressé était en situation irrégulière sur le territoire français, son visa délivré le 1er septembre 2017 étant arrivé à expiration le 1er mai 2018. Par suite, il ne remplissait pas les conditions de régularité du séjour prévues par les dispositions de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il n'établit pas qu'il était, à la date de l'arrêté attaqué, dans l'incapacité de subvenir à ses besoins, ni qu'il était à la charge effective de son père de nationalité française, en se bornant à produire des attestations de versements et d'une prise en charge financière à son égard pour ses études en 2016 alors qu'il résidait au Sénégal, qui sont antérieures à son installation en C.... Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que préfet en lui refusant un titre de séjour a méconnu les dispositions précitées du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

9. Aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en C..., appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces circonstances susrappelées, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte d'obligation de quitter le territoire et tiré de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté.

12. La décision portant refus de titre de séjour que comporte l'arrêté contesté, qui contient les considérations de droit et les circonstances de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée. En application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de cet article L. 511-1, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de titre de séjour. Au demeurant, l'arrêté contesté mentionne qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... à sa vie privée et familiale, et que dans ces conditions rien ne s'oppose à ce qu'il soit obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

13. En l'espèce, eu égard à ce qui a été indiqué aux points 3 et 10, M. B... n'est pas fondé à soutenir que devant bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement et que les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auraient été méconnues, ni que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'après avoir visé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celui-ci mentionne que M. B... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La décision contient ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et est donc suffisamment motivée.

15. Si M. B... soutient qu'il n'a pas été mis en mesure d'exposer sa situation personnelle au titre des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auxquels il pourrait être exposé en cas de retour dans son pays d'origine, toutefois, ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour, il ne pouvait, du fait même de l'accomplissement de cette démarche tendant à son maintien en C..., ignorer qu'en cas de refus, il ne pourrait légalement se maintenir sur le territoire français et serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, a donc été mis à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, de présenter, si il l'estimait utile, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en C..., mais aussi son possible éloignement du territoire français. Le droit de l'intéressé à être entendu a ainsi été satisfait.

16. Enfin, M. B... n'établit pas qu'il serait exposé à un risque accru de contamination par le Covid-19 aux Comores.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit nécessaire de faire droit à la demande de sursis à statuer de M. B..., ce dernier n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2020 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination, ses conclusions présentées en première instance, comme celles présentées en appel, aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant par voie de conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Renaudin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

S. DIÉMERT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA00936

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00936
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SIDOBRE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-18;21pa00936 ?
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