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18/11/2021 | FRANCE | N°20PA01302

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 novembre 2021, 20PA01302


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 12 janvier 2018 par laquelle le maire de Crécy-la-Chapelle (Seine-et-Marne) a refusé d'autoriser le raccordement de leur terrain aux réseaux publics.

Par un jugement n° 1801225 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 9 décembre 2020, M.

A... B... et Mme C... B..., représentés par Me Coll, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 12 janvier 2018 par laquelle le maire de Crécy-la-Chapelle (Seine-et-Marne) a refusé d'autoriser le raccordement de leur terrain aux réseaux publics.

Par un jugement n° 1801225 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 9 décembre 2020, M. A... B... et Mme C... B..., représentés par Me Coll, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 12 janvier 2018 par laquelle le maire de Crécy-la-Chapelle a refusé d'autoriser le raccordement de leur terrain aux réseaux publics ;

3°) d'enjoindre au maire de Crécy-la-Chapelle de leur accorder le raccordement sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Crécy-la-Chapelle une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, aucune disposition ne faisant obstacle à ce que l'occupant d'un terrain constructible ou non demande son raccordement aux réseaux, des raccordements provisoires pouvant être accordés et le chalet ayant été régulièrement édifié et étant conforme à l'ancien plan d'occupation des sols ; en outre ils ne demandent pas le raccordement de leur chalet, mais de leur terrain ;

- les terrains, voisins du leur, ont bénéficiés d'un raccordement ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 juillet 2020 et 4 février 2021, la commune de Crécy-la-Chapelle, représentée par Me Gosseye, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme B... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renaudin,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gosseye, avocat de la commune de Crécy-la-Chapelle.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont, par acte notarié du 27 juin 2006, acquis un chalet à usage d'habitation situé sur un terrain du chemin des Rougets à Crécy-la-Chapelle (Seine-et-Marne). Ils ont demandé en 2015 au maire de cette commune d'autoriser le raccordement de ce terrain à l'ensemble des réseaux publics. Par une décision du 30 septembre 2015, le maire leur a opposé un refus. Ayant contesté cette décision devant le tribunal administratif de Melun, par un jugement du 18 décembre 2017, ce dernier a fait droit à leur demande, annulant la décision et enjoignant au maire de réexaminer la demande de raccordement. En application de cette injonction, le maire de la commune a pris, le 12 janvier 2018, une décision refusant le raccordement sollicité. Les requérants ont contesté cette décision devant le tribunal administratif de Melun, lequel par jugement du 30 mars 2020, dont ils font appel, a rejeté leur demande.

Sur la légalité de la décision litigieuse :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. La décision contestée du 12 janvier 2018 du maire de la commune cite expressément les dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme et indique qu'une construction existe sur le terrain, qui selon ses informations ne bénéficie d'aucune autorisation d'urbanisme, le raccordement s'avérant impossible par application desdites dispositions. Elle mentionne encore que, faute de justification d'une implantation régulière de la construction acquise en 2006, celle-ci ne peut faire l'objet d'un raccordement définitif aux réseaux. Cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est donc suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit donc être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1 ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions. ". Aux termes de l'article L. 421-1 du même code : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire. ". Il résulte de ces dispositions combinées que le maire peut s'opposer, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale de l'urbanisme destinée à assurer le respect des règles d'utilisation des sols, à un raccordement définitif aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone des bâtiments, dont la construction ou la transformation n'a pas été régulièrement autorisée selon la législation en vigueur à la date de leur édification ou de leur transformation, ni régularisée depuis lors.

5. Il ressort des pièces du dossier que, sur le terrain pour lequel M. et Mme B... ont sollicité le raccordement aux réseaux publics, est édifié un chalet constitué de trois pièces principales, qu'ils ont acquis comme tel en 2006. Les requérants se bornent à exposer que ce chalet a été régulièrement édifié, sans toutefois apporter aucune pièce susceptible d'étayer leurs allégations et sans produire aucun permis de construire ou demande de régularisation en ce sens de leur part, ni présenter d'éléments sur la nature et la date d'édification de ce chalet. Les seules circonstances, d'une part, qu'en réponse à une demande de renseignements d'urbanisme sur le terrain en cause, faite par l'ancien propriétaire, le 31 mars 2006, la commune n'a pas fait état du caractère irrégulier de la construction, alors que le demandeur lui-même n'avait pas indiqué, dans le formulaire, si le terrain était bâti ou non, et, d'autre part, que les requérants s'acquittent de la taxe foncière pour cette propriété, ne sauraient démontrer par elles-mêmes que cette construction a fait l'objet d'une autorisation. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les requérants ont présenté une demande de raccordement à titre seulement provisoire. Dès lors, le maire de Crécy-la-Chapelle a pu légalement s'opposer au raccordement définitif aux réseaux de la construction au motif que cette dernière n'avait pas été autorisée.

6. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. La décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, un raccordement d'une construction à usage d'habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d'une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d'urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l'environnement, il appartient, dans chaque cas, à l'administration de s'assurer et au juge de vérifier que l'ingérence qui découle d'un refus de raccordement est, compte tenu de l'ensemble des données de l'espèce, proportionnée au but légitime poursuivi.

8. Il est constant que, lorsqu'ils s'en sont portés acquéreurs, la propriété de M. et Mme B... était, sous l'empire de l'ancien plan d'occupation des sols, classée en zone naturelle ND, soit dans un secteur qui n'est pas destiné à accueillir des constructions ou installations à usage d'habitation, et au contraire déterminé dans ce plan comme zone naturelle non équipée à protéger, dans laquelle seules les extensions de constructions existantes étaient admises. Ils en ont été informés lors de la vente de ce chalet par la réponse à la demande de renseignements d'urbanisme, faite par le propriétaire précédent, dans laquelle la mairie, le 7 avril 2006 a indiqué l'existence de ce zonage et l'absence de desserte du terrain par les réseaux publics. Les requérants étaient donc nécessairement informés du caractère irrégulier de leur chalet depuis son acquisition. Lorsqu'ils ont fait leur demande de raccordement, en 2015, le terrain était classé en zone Nb du nouveau plan local d'urbanisme adopté en février 2013, qui reprend les règles d'inconstructibilité de la zone N à l'exception des constructions nécessaires à l'exploitation agricole, au service public ou à l'intérêt collectif, avec la seule possibilité d'extensions limitées, auxquelles le chalet appartenant au requérant ne peut être assimilé. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et n'est pas contesté que les requérants disposent d'une autre adresse dans la même commune, où ils ont établi leur résidence. La demande de raccordement de leur propriété aux réseaux publics ne repose donc sur aucun motif dont l'importance excèderait celle du respect des règles d'urbanisme. Dans ces circonstances, la décision de refus de raccordement ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, au regard du but légitime que constitue le respect des règles d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En troisième lieu, la circonstance que des maisons voisines soient raccordées aux réseaux publics, à la supposer établie, est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse, qui repose, pour la construction en cause, sur la méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. et Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Crécy-la-Chapelle de leur accorder le raccordement sollicité aux réseaux publics, sous astreinte, ne peuvent qu'être également rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Crécy-la-Chapelle, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. et Mme B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Crécy-la-Chapelle sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme B... verseront à la commune de Crécy-la-Chapelle, une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... B... et à la commune de Crécy-la-Chapelle.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Renaudin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021.

La rapporteure,

M. RENAUDIN Le président,

S. DIÉMERT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01302 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01302
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Autorisation des installations et travaux divers.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : ADDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-18;20pa01302 ?
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