Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision en date du 11 janvier 2020 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse.
Par un jugement n° 2002418 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2021, M. A..., représenté par Me Roques, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2002418 du 2 février 2021 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 janvier 2020 du préfet du Val-de-Marne rejetant sa demande de regroupement familial ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne d'accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de regroupement familial et de prendre une nouvelle décision dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision du préfet du Val-de-Marne est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- il remplit la condition de ressources prévue par l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, d'une part, les indemnités journalières de maladie qu'il a perçues pendant la période des douze mois précédant la demande de regroupement familial doivent être prises en compte dans le calcul de ses ressources et, d'autre part, ses ressources ont évolué favorablement postérieurement au dépôt de sa demande de regroupement familial ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'en raison de son statut de réfugié, il a vocation à résider durablement sur le territoire français et il ne peut pas rendre visite à son épouse vivant au Sri Lanka ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2017-1719 du 20 décembre 2017 ;
- le décret n° 2018-1173 du 19 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les observations de Me Carles, substituant Me Roques, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sri-lankais, né le 8 juin 1984 à Jaffna, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 octobre 2010 et est titulaire d'une carte de résident. Il s'est marié avec une compatriote Mme B... le 23 août 2018 en Inde. M. A... a sollicité le 5 juillet 2019 le bénéfice du regroupement familial pour son épouse. Par une décision du 11 janvier 2020, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande au motif que l'intéressé ne disposait pas des ressources financières suffisantes. M. A... relève appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 434-2 de ce code : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code, dont les dispositions sont désormais reprises aux articles L. 434-7 et L. 434-8 de ce code: " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code dont les dispositions sont désormais reprises à l'article R. 434-4 de ce code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; (...) ". Enfin aux termes de l'article R. 421-4 du même code, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : / (...) ; / 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens ; / (...) ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.
4. Il ressort des termes de la décision contestée que le préfet du Val-de-Marne a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. A... au motif qu'il ne justifiait pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de son épouse. Il ressort des bulletins de salaires versés au dossier et de l'attestation de paiement des indemnités journalières versées à M. A... en octobre et novembre 2018, qui doivent être prises en compte dans le calcul de ses ressources, que l'intéressé, titulaire d'un contrat à durée indéterminée en qualité de " caissier employé commercial " depuis le 19 février 2015, disposait pour la période comprise entre juillet 2018 et juin 2019, soit sur la période de douze mois précédant le dépôt de sa demande de regroupement familial, de ressources d'un montant moyen net mensuel de 1 281,25 euros. Ce montant est supérieur au montant de 1 188,50 euros correspondant à la moyenne mensuelle du salaire minimum net de croissance relevée au titre de cette même période de référence. Dans ces conditions, M. A... justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de son épouse. Par suite, le préfet du Val-de-Marne a commis une erreur d'appréciation en lui refusant le bénéfice du regroupement familial en application de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que ses ressources n'étaient pas stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de son épouse.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Val-de-Marne du 11 janvier 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint à la préfète du Val-de-Marne, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, d'admettre Mme B..., épouse de M. A..., au bénéfice du regroupement familial. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 février 2021 du tribunal administratif de Melun et la décision du 11 janvier 2020 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne d'admettre Mme B..., épouse de M. A..., au bénéfice du regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2021.
La rapporteure,
V. LARSONNIER Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01196 2