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15/11/2021 | FRANCE | N°21PA00760

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 novembre 2021, 21PA00760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a retiré l'attestation constatant le dépôt de sa demande d'asile et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2004764 du 14 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 9 juin 2020 du préfet

du Val-de-Marne, a enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a retiré l'attestation constatant le dépôt de sa demande d'asile et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2004764 du 14 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 9 juin 2020 du préfet du Val-de-Marne, a enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, en lui remettant, dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au titre des frais liés à l'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2021, le préfet du Val-de-Marne, représenté par Me Termeau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2004764 du 14 janvier 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun.

Il soutient que la demande d'asile de M. B..., qui est ressortissant d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr, a fait l'objet d'un examen en procédure accélérée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en application de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, dès lors, le droit de M. B... de se maintenir sur le territoire français a pris fin dès la notification, le 13 mars 2020, de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2021, M. B..., représenté par Me Tigoki, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen soulevé par le préfet du Val-de-Marne n'est pas fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 31 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais, né le 24 décembre 1981, entré en France le 9 décembre 2019 selon ses déclarations, a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 février 2020. Par un arrêté du 9 juin 2020, le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation, sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a retiré l'attestation constatant le dépôt de sa demande d'asile et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par un jugement du 14 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a, à la demande de M. B..., annulé cet arrêté. Le préfet du Val-de-Marne relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Melun :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 611-1 de ce code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".

3. L'article L. 743-2 du même code, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté, dispose que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. -L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 722-1 du même code, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le conseil d'administration fixe les orientations générales concernant l'activité de l'office et délibère sur les modalités de mise en œuvre des dispositions relatives à l'octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne. Le conseil d'administration fixe la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs, dans les conditions prévues à l'article 37 et à l'annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Il examine régulièrement la situation dans les pays considérés comme des pays d'origine sûrs. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'OFPRA statue en procédure accélérée sur la demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays mentionné sur la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs établie par le conseil d'administration de l'Office et que le demandeur d'asile bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office rejetant sa demande, même s'il a formé un recours contre cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile.

5. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que pour retirer l'attestation constatant le dépôt de la demande d'asile de M. B... et pour prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur la décision de l'OFPRA du 28 février 2020, notifiée le 13 mars 2020, rejetant la demande d'asile de M. B..., ressortissant sénégalais, et sur la circonstance que l'intéressé s'était " abstenu de contester cette décision de rejet devant la Cour nationale du droit d'asile, dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Il ressort des pièces du dossier, notamment du relevé d'information de la base de données " Telemofpra " relative à l'état de la procédure de la demande d'asile de M. B... que sa demande a fait l'objet d'un examen en procédure accélérée dès lors que de nationalité sénégalaise, l'intéressé est ressortissant d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens des dispositions du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le droit de M. B... de se maintenir sur le territoire français prenait fin à la date de notification de la décision de l'OFPRA du 28 février 2020 rejetant sa demande d'asile, soit le 13 mars 2020, en application des dispositions de l'article L. 723-2 et du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 3 du présent arrêt. Il s'ensuit qu'à supposer même qu'en raison du confinement instauré à partir du 16 mars 2020, M. B... n'a pu déposer une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle de la Cour nationale du droit d'asile que le 11 juin 2020 en vue d'exercer un recours contre la décision de l'OFPRA, le préfet du Val-de-Marne pouvait pour le seul motif tiré du rejet de la demande d'asile de M. B... par une décision de l'OFPRA du 28 février 2020, notifiée le 13 mars 2020, décider de retirer l'attestation constatant le dépôt de sa demande d'asile et prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté pour erreur de droit au motif que M. B... avait le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Melun et la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal :

7. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le 6° du I de l'article

L. 511-1. Il mentionne que M. B..., né le 24 décembre 1981 à Abakel, de nationalité sénégalaise, a déposé une demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Il indique que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande d'asile par une décision du 28 février 2020, notifiée le 13 mars 2020, que l'intéressé s'est abstenu de contester cette décision de rejet devant la Cour nationale du droit d'asile dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il indique également que l'intéressé ne peut prétendre ni au renouvellement du récépissé prévu par l'article R. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à la délivrance d'une carte de résident au titre du 8° de l'article L. 314-11 de ce code ou d'une carte de séjour temporaire au titre de l'article L. 313-13 du même code. Par ailleurs, l'arrêté contesté porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il ne méconnaît pas les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, et alors que dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu de mentionner les démarches entreprises par M. B... afin de contester la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui, en tout état de cause, sont intervenues postérieurement à l'arrêté contesté, cet arrêté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne a procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de prendre l'arrêté en litige.

9. En troisième lieu, la circonstance que le préfet a considéré que M. B... s'était abstenu de saisir la Cour nationale du droit d'asile alors qu'il avait déposé une demande d'aide juridictionnelle le 11 juin 2020, soit postérieurement à l'arrêté contesté, est en tout état de cause, comme il a déjà été dit au point 4 du présent arrêt, sans incidence sur la légalité de cet arrêté. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté.

10. En quatrième lieu, M. B... n'assortit pas le moyen tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle des précisions suffisantes permettant d'en apprécier son bien-fondé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 9 juin 2020 obligeant M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, retirant son attestation constatant le dépôt de sa demande d'asile et fixant le pays de destination. En conséquence, le jugement doit être annulé et la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Melun rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, en tout état de cause, à ce que le versement de la somme demandée par M. B... soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 janvier 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2021.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

R. LE GOFFLa greffière,

E. VERGNOLLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA00760 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00760
Date de la décision : 15/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ABSIL CARMINATI TRAN TERMEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-15;21pa00760 ?
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