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09/11/2021 | FRANCE | N°21PA00532

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 09 novembre 2021, 21PA00532


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2006820 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance n°

20VE02946 du 28 janvier 2021, le président de la 6e chambre de la cour administrative d'appel d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2006820 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance n° 20VE02946 du 28 janvier 2021, le président de la 6e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la cour administrative d'appel de Paris le dossier de la requête présentée par M. A..., enregistrée le 16 novembre 2020.

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Bulajic, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 16 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 15 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux a été pris au terme d'une procédure irrégulière ; son droit d'être préalablement entendu, prévu par l'article 41§2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ; il n'a jamais été informé de la possibilité de présenter des observations écrites ;

- l'arrêté litigieux, stéréotypé, n'est pas suffisamment motivé ;

- le préfet aurait dû l'admettre exceptionnellement au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il peut prétendre à une telle mesure de régularisation ;

- le préfet a porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est disproportionnée au regard des garanties de représentation dont il justifie ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant indien né le 22 mars 1986, est entré en France en 2013 selon ses déclarations. Par un arrêté du 15 juillet 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour en France pendant une durée de deux ans. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 16 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'arrêté du 15 juillet 2020 vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé d'obliger M. A... à quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour. Il précise que l'intéressé a déclaré se maintenir irrégulièrement sur le territoire français depuis 2013, qu'il n'a effectué aucune démarche en vue de régulariser son séjour et qu'il exerce illégalement une activité non déclarée. Enfin, il fait état de l'interpellation du requérant pour des faits de dégradation de biens en réunion. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'était pas tenu de reprendre chacun des éléments relatifs à la situation de M. A..., a ainsi indiqué avec une précision suffisante les éléments de droit et les considérations de fait sur lesquels il s'est fondé. Le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux doit par suite être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Et aux termes de l'article 51 de cette charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. C..., il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

4. Si M. A... soutient qu'il n'a pas été entendu préalablement à l'édiction des mesures contestées, ni informé de la possibilité de produire des observations écrites, il ressort des pièces du dossier, notamment de ses propres écritures, qu'il a été interrogé par un officier de police judiciaire et qu'il a pu s'exprimer sur les conditions de son entrée et de son séjour en France, sur sa situation administrative, ses ressources et le pays vers lequel il souhaitait être reconduit. Ainsi, il a pu faire connaître les observations pertinentes relatives à sa situation personnelle et il ne soutient pas qu'il aurait pu faire valoir d'autres éléments de nature à influer sur la décision prise à son encontre. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu et à présenter des observations écrites et orales auraient été méconnu par le préfet de la Seine-Saint-Denis.

5. En troisième lieu, M. A... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû l'admettre exceptionnellement au séjour en application de l'article L. 313-14 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, ces dispositions ne prévoient C... pas la délivrance de plein droit d''un titre de séjour, et il est constant que l'intéressé n'a jamais sollicité la régularisation de sa situation à ce titre. Le moyen doit donc être écarté comme inopérant.

6. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. M. A... soutient qu'il réside en France depuis 2013, qu'il travaille dans le secteur du bâtiment et est déclaré par son employeur depuis le 1er octobre 2019, qu'il est marié et père de deux enfants. C..., son épouse est une compatriote indienne dépourvue de titre de séjour en France, et leurs deux enfants sont nés respectivement en 2018 et en 2019. Dans ces conditions, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Inde. Par ailleurs, le requérant ne démontre pas, par les pièces qu'il produit, l'ancienneté de sa résidence en France, ni celle de son activité professionnelle et il ne conteste pas être connu des services de police pour des faits de dégradation de biens en réunion. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas, en prenant l'arrêté litigieux, méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles, eu égard notamment au jeune âge des enfants, de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant. Il n'a pas davantage, pour les mêmes motifs, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) C..., l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. ".

9. M. A... soutient, comme en première instance, que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des garanties de représentation dont il dispose. Il n'apporte C... à l'appui de ce moyen aucun élément nouveau. Il y a lieu par suite de l'écarter par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge.

10. En dernier lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels elle est fondée, à savoir notamment la menace pour l'ordre public que représente M. A.... Elle est par suite suffisamment motivée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2021.

La rapporteure,

G. B...Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIERLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21PA00532

4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00532
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BULAJIC

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-09;21pa00532 ?
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