Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Venus Limousines a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui a été réclamé pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014.
Par un jugement n° 1802173 du 25 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Venus Limousines.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 23 juillet, 23 décembre 2020 et 17 septembre 2021, la SARL Venus Limousines, représentée par Me Garitey, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802173 du 25 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société requérante soutient que :
- la procédure de vérification de comptabilité est irrégulière, les opérations de vérification ayant précédé l'envoi de l'avis de vérification ;
- le recours à la taxation d'office n'est pas justifié ;
- l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé des rappels en litige, dès lors que la facturation des prestations n'est pas fondée exclusivement sur la durée du transport mais tient compte du kilométrage effectué et que les contrats incluent au moins 10 kilomètres de déplacement pour toute heure facturée ;
- les dépenses engagées pour le compte de ses clients et refacturées ne doivent pas donner lieu à l'application de la TVA.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 octobre 2020 et le 9 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon ;
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bourgi, avocat, substituant Me Garitey, pour la SARL Venus Limousines.
Une note en délibéré, enregistrée le 18 octobre 2021, a été produite pour la SARL Venus Limousines par Me Bourgi.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Venus Limousines, qui assure la location de véhicules de grande remise, a fait l'objet d'un contrôle de comptabilité aboutissant à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014, pour un montant de 124 218 euros, pénalités comprises. Par jugement du 25 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de décharge de ces rappels. La SARL Venus Limousines demande à la Cour l'annulation de ce jugement et la décharge des rappels et pénalités mentionnés ci-dessus.
Sur la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...). ".
3. La SARL Venus Limousines a été informée le 19 mai 2015 qu'elle était soumise à un contrôle contradictoire de sa comptabilité, l'administration s'étant rendue sur place le 5 juin suivant, pour une visite formelle, puis le 29 juin suivant. Si, à l'issue de cette seconde visite, le vérificateur a adressé au représentant de la société deux fichiers Excel reprenant l'ensemble des opérations comptables, portant sur plusieurs centaines de factures, la circonstance que la société a, au préalable, fait l'objet d'un contrôle de facturation à la taxe sur la valeur ajoutée le 15 septembre 2014, au cours duquel elle a remis un certain nombre de copies de factures ne permet pas, à elle seule, d'établir que les opérations de vérification auraient débuté avant l'envoi de l'avis de vérification en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Si ce contrôle a inclus des vérifications d'enregistrement comptables des factures dont la régularité était examinée, conformément d'ailleurs aux dispositions des articles L. 80 F à L. 80 H du livre des procédures fiscales, il ne résulte pas de l'instruction que ce contrôle, qui a été mené par un service différent, au titre de périodes portant au total sur quelques mois seulement, et n'a porté que sur seules 13 des factures dont copie a été remise au service en septembre 2014, ait donné lieu à un rapprochement critique des écritures comptables mentionnées et des déclarations souscrites par la société requérante. Par suite, la SARL Venus Limousines n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie attachée à l'engagement d'une vérification de comptabilité.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 287 du code général des impôts : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. (...). 3. Les redevables placés sous le régime simplifié d'imposition prévu à l'article 302 septies A, à l'exception de ceux mentionnés au 3 bis, déposent au titre de chaque exercice une déclaration qui détermine la taxe due au titre de la période et le montant des acomptes semestriels pour la période ultérieure. (...). ". Aux termes de l'article 302 septies A du même code : " I. Il est institué par décret en Conseil d'Etat un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes dont le chiffre d'affaires, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 777 000 €, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 234 000 €, s'il s'agit d'autres entreprises. Ces limites s'apprécient en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées. (...). III. La régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre d'un exercice doit intervenir dans les trois mois qui suivent la clôture de cet exercice. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application pratique du présent paragraphe ; il procède aux adaptations nécessaires de la législation en vigueur, notamment pour les entreprises qui n'ont clôturé aucun exercice au cours d'une année civile. ". Enfin aux termes de l'article L. 66-3° du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; (...). ". Il résulte de ces dispositions que les redevables de la TVA placés sous le régime simplifié d'imposition sont tenus de souscrire au titre de chaque année ou exercice une déclaration qui détermine la taxe due au titre de la période et le montant des acomptes semestriels pour la période ultérieure. Les entreprises qui clôturent leur exercice au terme d'un mois autre que décembre doivent obligatoirement souscrire leur déclaration dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice. A défaut, ils peuvent faire l'objet d'une taxation d'office pour la période correspondante.
5. Il résulte de l'instruction que la SARL Venus Limousines, qui relevait du régime simplifié d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée, avait clos ses exercices comptables des années 2011 et 2012 le 30 septembre de chacune de ces années. En application des dispositions précitées, elle était ainsi tenue de souscrire ses déclarations annuelles, respectivement, avant le 31 décembre 2011 et le 31 décembre 2012. Or, la société requérante a seulement souscrit une déclaration récapitulative relative à l'année 2011 le 3 mai 2012, et une déclaration récapitulative relative à l'année 2012 le 2 mai 2013, soit en dehors du délai prescrit à l'article 302 septies A du code général des impôts. C'est donc à bon droit qu'elle a fait l'objet d'une taxation d'office au titre des périodes d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée en litige.
6. En dernier lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités. ". Sont opposables à l'administration, dans les conditions prévues par le second alinéa de ce texte, les instructions ou circulaires publiées relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt, ainsi que celles relatives au bien-fondé ou au recouvrement des pénalités fiscales, mais non celles relatives à la procédure d'établissement de l'impôt, ni celles relatives à la procédure d'établissement des pénalités fiscales.
7. La SARL Venus Limousines invoque, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les dispositions de la doctrine BOI-CF-IOR-50-20120912, selon lesquelles " Afin de limiter l'emploi des procédures d'imposition d'office aux seuls cas où les contribuables se sont soustraits volontairement et en toute connaissance de cause à l'impôt, le législateur a pris plusieurs mesures (...) ". Toutefois, il ressort des dispositions précitées que ces commentaires, qui ont trait à la procédure d'imposition, ne peuvent être invoqués au titre de la garantie prévue au second alinéa de l'article L. 80 A précité du livre des procédures fiscales. La SARL Venus Limousines n'est donc pas fondée à se prévaloir de l'interprétation de la loi fiscale mentionnée.
Sur le bien-fondé des impositions :
8. D'une part, aux termes de l'article 279 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : / (...) b quater les transports de voyageurs (...) ". Le taux réduit de 5,5 % s'applique aux mises à disposition, avec chauffeur, de véhicules conçus pour le transport de personnes lorsque ces opérations procèdent de l'exécution de contrats qui peuvent être qualifiés de contrats de transport, compte tenu notamment de leurs stipulations relatives à l'assurance et à la responsabilité du propriétaire ainsi qu'aux conditions concrètes d'exploitation de l'activité, en particulier des stipulations relatives à la tarification et à la maîtrise du déplacement par le propriétaire du véhicule. Ne relèvent pas d'une telle qualification, faute d'accord préalable sur les trajets à effectuer, les mises à disposition, avec chauffeur, de véhicules conçus pour le transport de personnes facturées à l'heure, pour lesquelles le tarif est totalement indépendant de la distance parcourue, voire de l'existence ou non d'un déplacement, comme les prestations assorties d'un kilométrage illimité ou celles dont les tarifs sont calculés exclusivement en fonction de la tranche horaire et de la durée de la prestation.
9. Il incombe au juge, pour l'application des dispositions précitées, de déterminer, au vu de l'instruction, si la société requérante est fondée à bénéficier du régime de faveur résultant du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur les opérations de transport de voyageurs. Il appartient à chaque partie de produire, à l'appui de ses allégations, tous éléments de preuve qu'elle est en mesure d'apporter.
10. Il résulte de l'instruction que, lors des opérations de contrôle de la comptabilité de la SARL Venus Limousines, l'administration a admis l'application du taux réduit de TVA à des facturations faisant apparaître le transport de personnes d'un lieu déterminé à un autre, tel un transport entre une gare ou un aéroport et un hôtel ou un domicile, et a imposé au taux normal les facturations d'une location avec chauffeur selon une durée déterminée, qu'elle a regardées comme n'étant pas assimilables à des opérations de transport de personne au sens donné par les dispositions précitées de l'article 279 du code général des impôts, alors même que les factures en cause se réfèrent à une zone géographique ou à une destination. Si la société requérante soutient que tous les factures et contrats en cause mentionnent la distance ou le kilométrage parcouru, et que la durée indiquée correspond à un kilométrage prédéterminé, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas de la brochure de prix versée au dossier, que la tarification appliquée soit proportionnée au kilométrage parcouru en vue d'atteindre une destination. A cet égard, les tarifs figurant dans ladite brochure varient selon la catégorie de véhicules et ne sont pas corrélés à une distance entre un point de départ et une destination, les kilométrages mentionnés pour certaines prestations ne présentant aucun rapport avec la durée indiquée.
11. D'autre part, aux termes de l'article 267 du code général des impôts : " I. Sont à comprendre dans la base d'imposition : (...) 2° Les frais accessoires aux livraisons de biens ou prestations de services tels que commissions, intérêts, frais d'emballage, de transport et d'assurance demandés aux clients. II. Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : (...) 2° Les sommes remboursées aux intermédiaires, autres que les agences de voyages et organisateurs de circuits touristiques, qui effectuent des dépenses au nom et pour le compte de leurs commettants dans la mesure où ces intermédiaires rendent compte à leurs commettants, portent ces dépenses dans leur comptabilité dans des comptes de passage et justifient auprès de l'administration des impôts de la nature ou du montant exact de ces débours (...) ". Aux termes de l'article 283 du même code : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. ".
12. La SARL Venus Limousines a facturé à certains clients les frais de repas du chauffeur, sans appliquer la taxe sur la valeur ajoutée, en estimant que les frais avaient été engagés au nom et pour le compte de ces derniers. Or, il résulte de l'instruction que les chauffeurs sont salariés de la société requérante, ou liés contractuellement à elle, et que les frais de repas en cause ont été engagés au nom et pour le compte de cette société, et non au nom et pour le compte de clients dont la société requérante serait le mandataire. En outre, les frais en cause n'ont pas donné lieu à l'établissement de comptes de passage dans les conditions prescrites au 2° du II de l'article 267 du code général des impôts. La SARL Venus Limousines ne peut ainsi utilement se prévaloir des dispositions précitées du II de l'article 267 du code général des impôts. Dès lors, elle n'est pas non plus fondée à soutenir que la taxe figurant sur certaines de ces factures ne serait pas due en application des dispositions précitées de l'article 283 du code général des impôts.
13. Il résulte de ce qui précède que la SARL Venus Limousines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Venus Limousines est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Venus Limousines et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. Simon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 5 novembre 2021.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01849