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15/10/2021 | FRANCE | N°19PA02579

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 15 octobre 2021, 19PA02579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par décision du 12 octobre 2016, la directrice de l'école nationale des chartes a suspendu l'indemnité de directeur d'études cumulant versée à M. B... A.... Le 13 décembre 2016, la même autorité a rejeté le recours gracieux dirigé contre cette décision, recours gracieux réitéré le 2 février 2017.

Le 12 juillet 2017, la directrice de l'école nationale des chartes a informé M. A... qu'il ne pourrait donner de cours au titre de l'année universitaire 2017-2018, compte tenu de son admission à

la retraite au 19 décembre 2017.

Par arrêté du 18 septembre 2017, le ministre de l'ense...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par décision du 12 octobre 2016, la directrice de l'école nationale des chartes a suspendu l'indemnité de directeur d'études cumulant versée à M. B... A.... Le 13 décembre 2016, la même autorité a rejeté le recours gracieux dirigé contre cette décision, recours gracieux réitéré le 2 février 2017.

Le 12 juillet 2017, la directrice de l'école nationale des chartes a informé M. A... qu'il ne pourrait donner de cours au titre de l'année universitaire 2017-2018, compte tenu de son admission à la retraite au 19 décembre 2017.

Par arrêté du 18 septembre 2017, le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a mis fin aux fonctions de directeur d'études cumulant de M. A... à l'école nationale des chartes à compter du 19 décembre 2017.

Par trois requêtes, M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation des décisions des 12 octobre et 13 décembre 2016, 12 juillet et 18 septembre 2017.

Par un jugement n° 1702292, 1711726 et 1718266 du 12 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 2 août 2019, 17 janvier et 28 février 2020, M. A..., représenté par Me Ravassard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1702292, 1711726, 1718266 du 12 juin 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision de la directrice de l'école nationale des chartes du 12 octobre 2016, la décision du 13 décembre 2016 rejetant son premier recours gracieux et la décision implicite née du silence gardé sur son recours gracieux du 2 février 2017 ;

3°) d'annuler les décisions des 27 mai et 12 juillet 2017, par lesquelles la directrice de l'école nationale des chartes a constaté que M. A... faisait valoir ses droits à la retraite le 19 décembre 2017, le titre de recette émis à son encontre le 12 mai 2017 et la décision du 28 septembre 2018, par laquelle le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a mis fin à ses fonctions de directeur de recherche cumulant à compter du 19 décembre 2017 ;

4°) de mettre à la charge de l'école nationale des chartes le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions dirigées contre l'ordre de recette du 12 mai 2017 et la décision du 27 mai 2017 ;

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement en ce qui concerne les décisions attaquées ;

- il n'a pas examiné le moyen d'ordre public dont il avait informé les parties ;

- l'ensemble des décisions prises est entaché de détournement de pouvoir ;

- le mémoire présenté par l'école nationale des chartes n'est pas recevable en l'absence de ministère d'avocat.

En ce qui concerne la décision du 12 octobres 2016 :

- la directrice de l'école nationale des chartes n'était pas compétente ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision porte atteinte aux prérogatives d'enseignant chercheur de M. A....

En ce qui concerne le maintien des fonctions de M. A... au titre de l'année 2017-2018 et l'arrêté ministériel mettant fin à ses fonctions :

- la décision du 27 mai 2017 est entachée d'incompétence et d'insuffisance de motivation ;

- la décision de maintien en surnombre était acquise à M. A... avant le changement de direction ;

- le maintien en surnombre au titre de l'article 952-10 du code de l'éducation est accordé de plein droit sur demande.

Par mémoire, enregistré le 19 décembre 2019, le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de l'innovation oppose une fin de non-recevoir aux conclusions tendant à l'annulation de l'ordre de recettes du 12 mai 2017, et conclut au rejet au fond du surplus de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par mémoire, enregistré le 5 février 2020, l'école des chartes, représentée par Me Vojique, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 83-809 du 7 septembre 1983 ;

- le décret n° 84-431 du 8 juin 1984 ;

- le décret n° 87-832 du 8 octobre 1987 ;

- le décret n° 89-710 du 28 septembre 1989 ;

- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 ;

- le décret n° 2014-133 du 17 février 2014 ;

- le décret n° 2017-105 du 27 février 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Simon,

-les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

-et les observations de Me Vojique, représentant l'école nationale des chartes.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., directeur d'études à l'école pratique des hautes études (EPHE) a été nommé directeur cumulant à l'école des chartes (ENC) en 2000 et a exercé les fonctions de directeur de cet établissement de 2011 à 2016. Par arrêté du 15 novembre 2015, le ministre de l'éducation nationale et de la recherche l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 19 décembre 2017. Le président de l'EPHE a prononcé son maintien en activité en surnombre au sein de l'établissement jusqu'au 31 août 2020. A la suite de sa mise en congés pour recherche et conversion thématique par le président de l'EPHE, la directrice de l'ENC a suspendu, le 12 octobre 2016, l'indemnité de directeur d'études cumulant pour la durée de M. A.... Le 13 décembre 2016, la même autorité rejette le recours gracieux formé contre cette dernière décision. M. A... forme un deuxième recours gracieux contre la même décision le 3 février 2017. Le 12 mai 2017, un titre de recettes est émis à son encontre au titre des indemnités de directeur de recherche cumulant versées à tort. M. A... ayant informé le 19 mai 2017 la directrice de l'ENC de son souhait de reprendre des cours au titre des années 2017-2018 et 2018-2019, celle-ci rejette sa demande le 12 juillet 2017. Par arrêté du 18 septembre 2017, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de l'innovation a mis fin aux fonctions de directeur cumulant de M. A.... Ce dernier saisit le tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation des décisions des 12 octobre et 13 décembre 2016, ainsi que de la décision implicite née du silence gardé par la directrice de l'ENC sur son recours gracieux formé le 3 février 2017, de la décision du 12 juillet 2017 de la même autorité, ainsi que de la décision ministérielle du 18 septembre 2017. Le tribunal administratif de Paris a rejeté les recours de M. A... par jugement du 12 juin 2019. M. A... relève appel et demande l'annulation des décisions litigieuses, ainsi que de l'ordre de recettes du 12 mai 2017.

Sur la fin de non-recevoir du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de l'innovation :

2. M. A... ne peut demander, pour la première fois en appel, l'annulation de l'ordre de recettes du 12 mai 2017. La fin de non-revoir du ministre doit donc être accueillie.

Sur la régularité du jugement :

3. Contrairement à ce que soutient M. A..., il n'a pas saisi le tribunal d'une demande d'annulation de l'ordre de recettes du 12 mai 2017, et le tribunal n'avait ainsi pas à répondre aux conclusions dirigées contre celui-ci.

4. Le mémoire en défense enregistré le 27 mai 2017, par lequel la directrice de l'ENC répond à la demande de M. A... devant le tribunal et analyse la situation administrative de l'intéressé ne constitue pas une décision administrative susceptible de recours. Le tribunal administratif de Paris n'a donc pas entaché son jugement d'irrégularité en ne citant pas cette prétendue décision.

5. La circonstance que le tribunal a informé les parties qu'il était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public et les a invitées à produire des observations, en vertu des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, ne lui interdit pas de ne pas se fonder sur ce moyen, et de statuer sur les demandes au vu des échanges contradictoires entre les parties. En l'absence de reprise de ce moyen par les parties, le tribunal qui a finalement renoncé à se fonder sur ce moyen n'était, par suite, pas tenu de se prononcer expressément sur son bien-fondé, ni le rapporteur public obligé d'évoquer ce moyen.

Sur le fond :

6. Le mémoire présenté pour la directrice de l'ENC, enregistré au greffe de la Cour le 5 février 2020, et suivi d'une réouverture de l'instruction, a été présenté par ministère d'avocat. Ses écritures doivent donc être prises en compte par le juge pour les décisions auxquelles elle vient défendre, tout comme le mémoire en défense présenté par le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. En l'absence d'irrégularité de procédure, le moyen tiré de l'acquiescement aux faits allégué par M. A... ne peut donc qu'être écarté.

7. Par la décision du 12 octobre 2016, la directrice de l'école des chartes a suspendu le bénéfice de la prime de directeur d'études cumulant servie à M. A..., au motif qu'il n'exerçait plus de mission de directeur cumulant en l'absence d'enseignement. Le tribunal pouvait ainsi, dans son jugement dont il convient, sur ce point, de s'approprier les motifs, écarter le moyen tenant à l'incompétence de l'auteur de la décision du 12 octobre 2017 et des décisions de rejet des recours gracieux dirigés contre celle-ci.

8. Aux termes de l'article 1er décret du 7 septembre 1983 relatif à l'indemnité allouée a certains personnels des enseignements supérieurs : " Une indemnité forfaitaire non soumise à retenues pour pension civile de retraite peut être attribuée aux personnels ci-après désignés qui exercent leurs fonctions à titre accessoire dans l'établissements d'enseignement supérieur suivants : École pratique des hautes études, école des hautes études en sciences sociales, école nationale des chartes. Directeurs cumulants (...). ". Aux termes de l'article 2-1 du même décret : " L'indemnité prévue par le présent décret est exclusive de la prime d'encadrement doctoral et de recherche instituée par le décret du 12 janvier 1990 susvisé. ". Et aux termes de l'article 2 du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers de établissements industriels de l'Etat, alors en vigueur : " Les activités exercées à titre accessoire susceptibles d'être autorisées sont les suivantes: (...) 2° Enseignements ou formations(...). ".

9. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; ".

10. L'attribution de la prime de directeur de recherche cumulant n'étant pas au nombre des décisions refusant un avantage qui constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions pour l'obtenir, les décisions de refus d'attribution de cette prime ne sont pas soumises à l'obligation de motivation.

11. Aux termes de l'article 19 du décret du 6 juin 1984 : " Les enseignants chercheurs titulaires en position d'activité régis par le présent décret peuvent bénéficier d'un congé pour recherche ou conversions thématiques (...) les bénéficiaires de ce congé demeurent en position d'activité. Ils conservent la rémunération correspondant à leur grade. Par dérogation aux dispositions du décret 2007-658 du 2 mai 2007 (...) ils ne peuvent cumuler cette rémunération avec une rémunération publique ou privée. ".

12. Par décision du 3 octobre 2016, M. A... a été mis en congés de recherche ou conversion thématique. En vertu des dispositions précitées du décret du 6 juin 1984, il ne pouvait cumuler sa rémunération principale avec la prime de directeur de recherche cumulant. La directrice de l'ENC était ainsi fondée à suspendre le bénéfice de ladite prime lorsque l'intéressé l'a informée le 21 septembre 2016 de son congé, et de l'absence de tout cours durant l'année universitaire 2016-2017. Les moyens tirés de l'illégalité de cette décision et de l'atteinte aux prérogatives que M. A... tient de son corps, ne peuvent donc qu'être écartés.

13. Si M. A... soutient que son congé a été annulé à sa demande par le directeur de l'EPHE, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a exercé aucune fonction d'enseignement au cours de l'année 2016-2017 et n'exerçait ainsi pas son activité accessoire d'enseignement de directeur d'études à l'ENC. Dans ces conditions, la directrice de cette école était fondée à refuser de rétablir la prime instituée par le décret du 7 septembre 1983, alors même que l'intéressé continuait à encadrer des travaux de recherche.

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que les moyens dirigés contre la prétendue décision incluse dans le mémoire en défense du 27 mai 2017 sont inopérants.

15. Pour contester la décision de la directrice de l'ENC en date du 12 juillet 2017 de ne pas l'autoriser à reprendre ses cours à la rentrée 2017, compte tenu de sa mise à la retraite par limite d'âge le 19 décembre 2017 décidée par l'autorité ministérielle le 18 novembre 2015, ainsi que la décision du ministre mettant fin à ses fonctions de directeur cumulant du 18 septembre 2017, M. A... soutient qu'en qualité de directeur de l'ENC jusqu'en 2016, il s'était lui-même autorisé à prolonger son activité en surnombre. Cette prétendue décision, qui n'est pas matérialisée, ne ressort en tout état de cause d'aucune pièce du dossier. Sa candidature au renouvellement de ses fonctions de directeur de l'établissement ou sa demande de reprise des cours au titre de l'année 2017-2018 ne peuvent davantage être regardées comme des demandes de maintien en activité en surnombre.

16. Le moyen tiré du détournement de pouvoir n'est pas établi, faute de toute précision permettant d'en apprécier la portée.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ENC qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par l'ENC dans la présente instance et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera la somme de 1 500 euros à l'ENC au titre des frais exposés par cet établissement et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la directrice de l'école nationale des chartes et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de l'innovation.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 octobre 2021.

Le rapporteur,

C. SIMONLe président,

J.-E. SOYEZLa greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02579 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02579
Date de la décision : 15/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement supérieur et grandes écoles - Universités - Gestion des universités - Gestion du personnel - Statuts et prérogatives des enseignants.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL AVOCATS ASSOCIES RAVASSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-15;19pa02579 ?
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