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13/10/2021 | FRANCE | N°20PA02306

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 13 octobre 2021, 20PA02306


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme d'un million deux cent mille euros en réparation des préjudices subis à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Riguicci, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1804404/2-1 du 16 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 août 2020 et 6 février 202

1,

M. B..., représenté par Me Olivier Roumélian, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme d'un million deux cent mille euros en réparation des préjudices subis à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Riguicci, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1804404/2-1 du 16 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 août 2020 et 6 février 2021,

M. B..., représenté par Me Olivier Roumélian, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 juin 2020 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme d'un million trois cent cinquante mille euros en réparation des préjudices subis à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Riguicci, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la comptabilité de la société Riguicci était régulière ;

- la proposition de rectification du 28 octobre 2010 est insuffisamment motivée s'agissant du rejet de la comptabilité de la société ;

- les premiers juges ont reconnu que la proposition de rectification du 28 octobre 2010 était insuffisamment motivée ;

- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires n'a pas tenu compte des prix effectivement pratiqués et a conduit à des résultats disproportionnés sans lien avec ses conditions d'exploitation et à une valorisation extravagante de la société Riguicci ;

- il justifie de préjudices matériels et moral en lien avec ces fautes, la société ne pouvant subsister avec le rehaussement qui lui a été notifié ;

- la requête est recevable ;

- le ministre n'est pas recevable à soulever une exception d'irrecevabilité qui n'a pas été discutée par le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Roumélian, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Riguicci, dont M. B... était le gérant et le principal associé, qui exploitait alors trois boutiques de vêtements pour hommes et femmes, a fait l'objet en 2010 d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2007 et 2008. Après avoir écarté la comptabilité comme non probante, le service a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les compléments d'impôt sur les sociétés en résultant ont été mis en recouvrement le 9 juillet 2012 pour un total de 3 067 452 euros. Toutefois, ces sommes ont été admises en non-valeur à la suite du jugement du 4 avril 2013 par lequel le tribunal de commerce a prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société pour insuffisance d'actif. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales d'un montant de 4 757 292 euros ont également été mises en recouvrement le 31 octobre 2012 à la suite de l'imposition entre les mains de M. B... de revenus réputés distribués. Par une décision du 3 mars 2016, statuant sur la réclamation préalable de M. B... tendant à la décharge de ses impositions personnelles à l'impôt sur le revenu, l'administration a prononcé le dégrèvement total de ces impositions. M. B... a présenté plusieurs demandes indemnitaires préalables, en dernier lieu le 22 décembre 2017, mettant en cause la responsabilité de l'Etat pour faute. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme globale d'un million deux cent mille euros, portée en appel à un million trois cent cinquante mille euros, assortie des intérêts de retard, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des agissements fautifs de l'Etat lors de l'établissement des impositions en cause.

2. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie. Le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition. Enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.

3. Contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale ait commis une faute dans la procédure de contrôle et de rehaussement de la société Riguicci. Notamment, la proposition de rectification du 28 octobre 2010 expose de façon détaillée les irrégularités constatées par le vérificateur et qui ont été retenues pour écarter comme non probante la comptabilité de la société Riguicci. Elle relève qu'en l'absence de désignation précise des articles vendus portés sur le cahier de recettes (référence et collection), il n'est pas possible de rapprocher les ventes des achats effectués par la société et de contrôler ainsi les recettes déclarées. Elle ajoute que, malgré une activité de vente au détail, les prix unitaires ne sont pas systématiquement indiqués et donne pour exemple une journée type de vente. Elle souligne qu'un écart très important a par ailleurs été constaté entre les prix de vente relevés en magasin le 24 février 2010 et les prix déclarés alors qu'aucune ristourne n'apparait sur les justificatifs et qu'en conséquence, le rapprochement entre les ventes et les achats de marchandises ne peut être effectué ni par désignation de l'article, ni par le prix déclaré. Elle constate que les prix déclarés sont très inférieurs à ceux affichés en magasin sans que la réalité de la politique de ristourne soit établie. La proposition de rectification relève ensuite l'absence de détail des inventaires de stock au 1er janvier 2007 et les approximations sur des éléments figurant aux inventaires des stocks réalisés les 31 décembre 2007 et 2008 en mentionnant, en particulier, la désignation imprécise des articles en stock et les discordances sur le prix unitaire des articles concernés. Enfin, elle fait état de l'impossibilité de contrôler les caisses des boutiques, la société n'ayant pas présenté de fiche de caisse, de brouillard de caisse ou toute autre pièce extra comptable. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. B..., la proposition de rectification est, en tout état de cause, suffisamment motivée à cet égard. Les éléments retenus par le service étant, en outre, de nature à remettre en cause le caractère probant de la comptabilité, le requérant n'établit pas qu'une faute a été commise sur ce point par l'administration fiscale.

4. Il résulte également de l'instruction que pour reconstituer les recettes omises, le vérificateur a fait application d'un coefficient multiplicateur moyen appliqué aux achats annuels revendus. Le coefficient multiplicateur a été déterminé en divisant les prix de vente des articles, par catégorie et par marque, par les prix d'achat de ces articles figurant sur les factures des années 2007 et 2008 et le coefficient moyen a été calculé en pondérant les coefficients par le montant des achats revendus des années concernées. Les prix de vente ont été établis à partir d'un relevé de prix effectué lors du contrôle, le 24 février 2010, en présence de M. B.... Seule une partie des achats comptabilisés a été retenue comme échantillon représentatif, représentant 53 % des achats annuels et ils ont été corrigés par les stocks de l'exercice. Un coefficient moyen a ainsi été déterminé à hauteur de 3,86 pour 2007 et 3,84 pour 2008. La commission départementale des impôts saisie du litige a confirmé, le 15 septembre 2011, le

bien-fondé de la reconstitution ainsi réalisée. Toutefois, à la suite de la saisine de l'interlocuteur départemental, le chiffre d'affaires reconstitué au titre de ces années a été réduit afin de tenir compte des périodes de soldes, le courrier du 13 mars 2012 de l'interlocuteur départemental précisant que " hormis les attestations clients établies en 2011 qui ne sont pas probantes vous n'apportez aucun justificatif prouvant que des remises sont consenties de manière quasi permanente. Cependant par souci de réalisme économique, il sera tenu compte d'une période de soldes de 12 semaines par an et un taux de remise moyen de 50 % durant ces périodes ". Les impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée ont été mises en recouvrement sur ces bases pour un montant total en droits et pénalités de 3 067 452 euros. En se bornant à faire valoir, sans apporter aucun document concret à l'appui de son argumentation, que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires n'a pas tenu compte des prix effectivement pratiqués et a conduit à des résultats disproportionnés sans lien avec les conditions d'exploitation et à une valorisation extravagante de la société Riguicci, M. B... n'établit pas la faute commise dans la mise en œuvre de la méthode de reconstitution.

5. La circonstance que la proposition de rectification adressée à M. B... le

28 octobre 2010 et relative aux impositions mises à sa charge dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et procédant des rehaussements adressés à la société Riguicci ait été insuffisamment motivée et qu'en conséquence l'administration fiscale, statuant sur la réclamation préalable du 8 novembre 2012, a procédé au dégrèvement total des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à la charge du requérant, ne révèle, contrairement à ce qui est soutenu, aucune faute commise dans la procédure de contrôle et d'établissement des compléments d'impôt assignés à la société Riguicci, contribuable distinct, procédure dont procèderait le préjudice invoqué par M. B....

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris, qui a suffisamment motivé son jugement dès lors qu'ayant constaté l'absence de faute de nature à engager la responsabilité de l'administration, il pouvait se dispenser d'examiner l'existence d'un lien entre la faute alléguée et le préjudice invoqué, a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Platillero, président,

M. Magnard, premier conseiller,

Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 octobre 2021.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président-assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

F. PLATILLERO

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 20PA02306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02306
Date de la décision : 13/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET ARTESIA (AARPI)

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-13;20pa02306 ?
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