Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Bordeaux Wine Investment Fund (BIWF) a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 ainsi que de l'amende qui lui a été assignée en application de l'article 1759 du code général des impôts au titre du même exercice.
Par un jugement n° 1717716/1-3 du 27 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a réduit la base d'impôt sur les sociétés assignée à la société Bordeaux Wine Investment Fund au titre de l'année 2012 d'une somme de 582 434,15 euros, l'a déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012, des pénalités correspondantes et de l'amende mentionnée à l'article 1759 du code général des impôts correspondant à cette réduction et a rejeté le surplus de cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 janvier 2020, la société Bordeaux Wine Investment Fund, représentée par Me Mercier, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 novembre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les 12 063 bouteilles de vin ont été acquises par la société Aquitaine Fund qui les a payées ;
- elle est intervenue comme intermédiaire ;
- les bouteilles portées en stocks correspondent à la partie de ces bouteilles pour laquelle les fournisseurs ont établi de manière erronée des factures à son nom et qui ont ainsi été considérées comme en dépôt ;
- le document du 25 juin 2012 n'est pas une vraie facture et les 12 063 bouteilles de vin n'ont pas été vendus à la société Aquitaine Fund par elle.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Bordeaux Wine Investment Fund ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
18 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Bordeaux Wine Investment Fund (BWIF), qui exerce une activité
d'achat-revente de vins primeurs de grande qualité, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2011 et 2012. Elle relève appel du jugement en tant que le Tribunal administratif de Paris n'a pas intégralement fait droit à sa demande en décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie en conséquence au titre de l'exercice clos en 2012 ainsi que de l'amende qui lui a été assignée en application de l'article 1759 du code général des impôts au titre du même exercice.
Sur le rejet de la comptabilité de la société et la charge de la preuve :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ".
3. La société Bordeaux Wine Investment Fund ne conteste plus devant la Cour le caractère non probant de sa comptabilité résultant des graves insuffisances affectant ses écritures d'inventaires, de la confusion affectant la comptabilisation des achats avec les opérations propres à une autre entité, et de la discordance entre les sommes facturées en 2012 et le montant des marchandises en stocks. L'imposition ayant été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la requérante supporte la charge de la preuve du bien-fondé du rehaussement en litige.
Sur le bien-fondé du rehaussement :
4. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que la société Bordeaux Wine Investment Fund a établi le 25 juin 2012 un document intitulé " facture ", à l'ordre de la société Aquitaine Fund, et portant sur 12 063 bouteilles de vin pour un prix total de 1 137 762 euros. Les seules circonstances que ce document mentionne les termes " expéditeur " et " destinataire ", que les termes de " vente " et de " à payer " n'y figurent pas et que les modalités d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux exportations ne seraient pas indiquées ne sauraient suffire à établir que ledit document ne serait pas constitutif d'une facture mais serait en réalité un bon de livraison, en l'absence d'éléments suffisants permettant de justifier de ce que, à la date où il a été établi, les bouteilles en cause étaient la propriété de la société Aquitaine Fund et non de la société Bordeaux Wine Investment Fund. A cet égard, la société Bordeaux Wine Investment Fund n'apporte pas la preuve dont, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, elle a la charge, en se bornant à produire des factures émanant de fournisseurs adressées à la société Aquitaine Fund, ainsi que des tableaux récapitulatifs de factures, dès lors que les pièces produites ne permettent pas d'effectuer le recoupement entre les bouteilles ainsi facturées et celles figurant sur la facture du 25 juin 2012. Les pièces produites ne permettent pas non plus d'identifier les bouteilles appartenant à la société Aquitaine Fund qui seraient détenues par la société entrepositaire, laquelle était en relation avec la société BWIF, au nom de laquelle ont été établis les documents douaniers nécessaires à l'exportation. Aucun document contractuel entre les deux sociétés ne permet non plus d'étayer l'argument selon lequel les opérations de stockage étaient assurées par la société BWIF pour le compte de la société Aquitaine Fund. Les modalités de comptabilisation des opérations en cause par l'intéressée ne sauraient en tout état de cause être valablement invoquées en l'absence de pièces justificatives établissant que les bouteilles en litige n'étaient pas sa propriété au moment où elles ont été facturées à la société Aquitaine Fund, compte tenu du caractère non probant de la comptabilité. Dans ces conditions, la circonstance que le financement de l'acquisition des vins en cause ait initialement été effectué par Aquitaine Fund n'est pas de nature à établir que l'administration aurait inexactement qualifié l'opération réalisée en 2012 de vente, pour le montant facturé de 1 137 762 euros. Le moyen tiré de ce que les bouteilles en cause n'auraient pas été vendues par la société BWIF qui ne serait intervenue que comme simple intermédiaire ne peut par suite qu'être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Bordeaux Wine Investment Fund n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Bordeaux Wine Investment Fund est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bordeaux Wine Investment Fund et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Platillero, président,
M. Magnard, premier conseiller,
Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 octobre 2021.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative,
F. PLATILLERO
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00278