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05/10/2021 | FRANCE | N°20PA01948

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 05 octobre 2021, 20PA01948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hair République a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015.

Par un jugement n° 1816063/1-2 du 7 juillet 2020 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2020 et le 2 novembre 2020, la société...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hair République a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015.

Par un jugement n° 1816063/1-2 du 7 juillet 2020 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2020 et le 2 novembre 2020, la société Hair République, représentée par Me Canis, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1816063/1-2 du 7 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée des entreprises ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les rehaussements mis à sa charge ont été établis à l'issue d'une procédure irrégulière, le service ayant procédé à des traitements informatiques sans respecter la procédure de L. 47 A II du livre des procédures fiscales et sans lui restituer les traitements opérés dans les conditions prévues par l'article L. 16 B VI de ce même livre ;

- la proposition de rectification est irrégulière dans son ensemble, dès lors qu'elle est fondée sur des documents dont la saisie a été annulée par la cour d'appel de Versailles le 28 septembre 2017 ;

- le service n'a jamais rapporté la preuve de l'utilisation d'un logiciel frauduleux ;

- le service n'a pas rapporté la preuve du caractère non sincère et non probant de sa comptabilité relative à la période vérifiée ;

- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires mise en œuvre par l'administration est radicalement viciée et sommaire ;

- l'administration n'était dès lors pas fondée à lui infliger des pénalités pour manœuvres frauduleuses.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Canis, avocat de la société Hair République.

Considérant ce qui suit :

1. La société Hair République, qui exploite à Paris un salon de coiffure, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, étendue jusqu'au 30 septembre 2015 pour la taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration a écarté sa comptabilité et a procédé à la reconstitution de ses recettes. Par deux propositions de rectification du 16 décembre 2015 et du 21 juillet 2016, elle lui a notamment notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de chacune des années vérifiées. La société Hair République fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rehaussements dont elle a ainsi fait l'objet.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés saisie dans les conditions prévues au présent article, l'administration communique au contribuable, au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76, sous forme dématérialisée ou non au choix de ce dernier, la nature et le résultat des traitements informatiques réalisés sur cette saisie qui concourent à des rehaussements, sans que ces traitements ne constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité. (...) " et aux termes de l'article L. 47 A du même livre : " II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. (...) c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. (...) ".

3. La requérante reprend en appel les moyens tirés, d'une part, de ce que le service aurait réalisé des traitements informatiques à partir des données issues de ses fichiers d'écritures comptables sans avoir respecté la procédure prévue par les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, faute de lui avoir demandé de faire un choix entre les trois options de traitement prévues par cet article et, d'autre part, de ce que le service ne lui a pas demandé de choisir le mode de communication de la nature et du résultat des traitements informatiques réalisés sur les documents saisis, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Elle n'apporte toutefois aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Il y a lieu, par suite, de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.

4. Enfin, s'il est constant que par une ordonnance du 28 septembre 2017 la cour d'appel de Versailles a annulé la procédure de saisie autorisée par le juge des libertés et de la détention de Versailles à l'encontre de la société Marlix, éditrice du logiciel utilisé par la société requérante, il résulte de l'instruction que les rehaussements en litige ont été établis sur la seule base des fichiers saisis dans les locaux de la requérante et chez M. A..., son gérant, dans le cadre de procédures distinctes autorisées par les juges de la détention et des libertés de Créteil et de Paris, lesquelles n'ont pas fait l'objet d'une annulation. Il résulte également de l'instruction et des propositions de rectifications que les documents saisis dans les locaux de la société Marlix n'ont été consultés que pour confirmer, sur un mois de l'année 2013, le constat de suppression des recettes établi par le traitement des données valablement saisies, et que les redressements en litige auraient été arrêtés à l'identique sans cette confirmation. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que ces redressements ne reposaient pas sur des documents obtenus dans le cadre d'une procédure irrégulière.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ". Il résulte de ces dispositions qu'à défaut de saisine de la commission départementale des impôts et lorsque le contribuable n'a pas accepté les rehaussements qui lui avaient été notifiés dans le cadre de la procédure contradictoire, il revient à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé des suppléments d'impôt en litige.

6. Pour écarter comme dépourvue de caractère probant la comptabilité de la requérante, régulière en la forme, le service a relevé que celle-ci utilisait le logiciel Marlix, dont il avait été informé par un aviseur qu'il disposait d'un module " Image.exe ", utilisable à partir d'un support externe, permettant l'omission de recettes. L'existence de ce module ainsi que le fonctionnement du système d'omission de recettes qu'il permet ont été confirmés par la saisie, auprès d'un tiers client de la société Marlix, d'un CD-Rom sur lequel ce module était enregistré. Le service a ensuite constaté, à partir de l'analyse des données présentes dans l'ordinateur saisi au domicile de M. A..., sur lequel était installée la partie " Bureau " du logiciel Marlix, que ledit module " Image.exe " avait été exécuté de manière régulière pendant la période vérifiée, ces exécutions étant révélées par la lecture des données contenues dans la fonction " Prefetch " du système d'exploitation de cet ordinateur. Il a ensuite constaté dans les fichiers présents sur cet ordinateur saisi que, pour les mois d'août et septembre 2015, des fichiers " fiche.fic " non encore retraités par le module " Image.exe " présentaient un montant des recettes " Espèces " comptabilisées très nettement supérieur à celui déclaré pour l'ensemble de la période vérifiée. Il a également constaté à partir de l'analyse de ces mêmes données que le fichier " Personne ", recensant le chiffre d'affaires mensuel total et détaillé, client par client, de chaque employé du salon, et qui n'est pas modifié par le module " Image.exe ", présentait systématiquement un chiffre d'affaires supérieur, dans une proportion d'environ 4 000 euros en moyenne, à celui figurant dans les fichiers " fiche.fic " enregistrés pour la comptabilisation des recettes déclarées. Enfin le service a constaté la présence sur l'ordinateur de M. A... d'un fichier " Global.fic " qui enregistre les paramètres de suppression appliqués, lequel fichier était horodaté à la même minute que les fichiers " fiche.fic " et que ce fichier " Global.fic " mentionnait " enlever 12,38 %, 70 % CA DAMmes et 30 % CA MESsieurs ".

7. La requérante ne conteste pas efficacement la fiabilité des informations issues de la fonction " Prefetch " de l'ordinateur de son dirigeant en se bornant à relever qu'elles ont été lues au moyen d'un logiciel libre et non agréé. Il ne résulte pas plus de l'instruction que le module " Image.exe " constituerait un virus ou un anti-virus comme le suppose la requérante, ni que ce module ne pourrait avoir été exécuté qu'à partir d'une clé USB et non d'un CD-Rom comme cela ressort de la lecture des données " Prefetch ". Enfin et surtout, la requérante ne conteste pas les différences significatives des chiffres d'affaires enregistrés dans les fichiers " Personne " et " Fiche.fic " et, compte tenu de leur caractère récurrent et portant systématiquement sur les recettes en espèce, ces anomalies constatées ne peuvent être expliquées, comme elle le soutient, par un dysfonctionnement informatique, une mauvaise manipulation du logiciel ou des saisies erronées par le personnel. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant qu'un logiciel frauduleux a été utilisé pour établir sa comptabilité, dès lors que les fichiers " résumé de caisse ", qui sont générés par la partie " Bureau " du logiciel Marlix après le transfert des données de gestion de sa partie " Caisse ", sont transmis au comptable pour la comptabilisation mensuelle des produits, des encaissements et de la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, et alors même qu'elle aurait été régulière en la forme, la comptabilité de la société, qui ne retrace qu'une partie des opérations réalisées par cette dernière, est dépourvue de caractère probant et a pu être écartée comme telle par le service.

En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

8. Pour reconstituer les recettes de la société requérante pour l'année 2012, le service a utilisé le taux moyen de vente en espèces figurant dans les fichiers non rectifiés concernant les mois d'août et septembre 2015, soit un taux de 14,06 %. Pour reconstituer les recettes pour les années 2013, 2014 et 2015, il a utilisé le chiffre d'affaires mentionné dans les fichiers " Personne ", qui retrace le chiffre d'affaires par employé et n'est pas modifié par le module " Image.exe ", à l'exception du mois d'août 2014 pour lequel ce fichier n'ayant pu être exploité, la fraude a été estimée à la moyenne de celle relevée pour les 7 mois précédents de l'exercice 2014.

9. En premier lieu, la requérante ne peut utilement relever que le fichier " Personne ", qui figure dans la partie " Caisse " du logiciel Marlix, ne constitue pas une pièce comptable, dès lors qu'il est constant que les employés qui y sont mentionnés sont bien exactement ceux de la société sur la période contrôlée, et que les données de ce fichier sont exactes concernant les chiffres d'affaires mensuels réalisés par chacun de ces employés sur cette même période.

10. En second lieu, la requérante soutient que la méthode de reconstitution mise en œuvre serait radicalement viciée dès lors qu'en divisant le chiffre d'affaires mensuel que le service a estimé éludé par le nombre d'anomalies qu'il a relevé en comparant les fichiers " Fiche.fic " et " Clients ", le montant de facture moyenne par client qui en résulte s'échelonne de plus de 500 à plus de 1 000 euros, ce qui est totalement irréaliste au regard de ses conditions d'exploitation. Il résulte toutefois de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que le nombre d'anomalies ainsi relevé par le service ne constitue aucunement un chiffre exact, mais simplement un indice d'une minoration systématique de recettes, dès lors que le fichier " Clients ", qui ne recense que le dernier passage de chaque client du salon, ne permet pas de retracer le nombre total exact de clients passés au salon pour chaque mois, et qu'un certain nombre des ventes enregistrées ne mentionnent aucun nom de client.

11. Dans ces conditions, et alors que la société requérante ne propose aucune autre méthode d'évaluation plus précise, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la méthode de reconstitution des recettes mise en œuvre par l'administration n'est ni excessivement sommaire ni radicalement viciée.

Sur les pénalités :

12. La requérante reprend en appel le moyen tiré de ce que la mise en œuvre de la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts est injustifiée, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Hair République n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Hair République est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hair République et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique est).

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

C. JARDINLa greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01948
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : CABINET SCP CANIS LE VAILLANT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-05;20pa01948 ?
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