Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de la contribution sur les hauts revenus et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013.
Par un jugement no 1820434/2-2 du 16 mars 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2020 et 20 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me Hiss, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement no 1820434/2-2 du 16 mars 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;
3°) de lui accorder le remboursement des frais engagés en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la circonstance que l'usufruit en cause présente un caractère viager fait obstacle à l'application du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts ;
- l'imposition résultant de la rectification, s'élevant à 89 %, présente un caractère confiscatoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finance rectificative pour 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte du 23 juillet 2013, M. A... B... a consenti à sa fille, Mme C... B..., une donation-partage portant sur l'usufruit viager de 36 parts sociales de la SNC B... et Cie. Le 2 décembre 2013, Mme B... a apporté à la société Origan, créée pour les besoins de l'apport, l'usufruit des 36 parts sociales, pour une durée de 30 ans, détenues dans le capital de la SNC B... et Cie et dont la valeur totale a été estimée à 1 248 000 euros. En rémunération de cet apport, Mme B... a reçu la pleine propriété de 12 480 actions de 100 euros chacune. A l'issue d'un contrôle sur pièces, mené selon la procédure contradictoire, Mme B... a été assujettie, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, à une cotisation supplémentaire sur le revenu au titre de l'année 2013, ainsi qu'à une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, à raison de la somme reçue en contrepartie de la cession de l'usufruit à la société Origan en application des dispositions du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts. Mme B... fait appel du jugement du 16 mars 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
2. En premier lieu, aux termes du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts : " Pour l'application du 3 et par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l'imposition des plus-values, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire ou, si elle est supérieure, la valeur vénale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, personne physique ou société ou groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d'être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l'usufruit temporaire cédé / (...) ". Aux termes de l'article 617 du code civil : " L'usufruit s'éteint : Par la mort de l'usufruitier / Par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé (...) ". Aux termes de l'article 619 du même code : " L'usufruit qui n'est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans ".
3. Les dispositions de l'article 619 du code civil sont d'ordre public, ce qui a pour conséquence qu'une personne physique bénéficiant d'un usufruit viager ne peut pas le céder à une personne morale pour une durée supérieure à trente ans alors même qu'elle aurait eu l'intention de ne pas fixer un terme à l'usufruit cédé. Ainsi, dans l'hypothèse où une personne physique entend céder à titre onéreux un usufruit viager à une personne morale, cette cession, lorsqu'elle est consentie pour une durée de trente ans, ne doit pas être regardée comme portant sur un usufruit temporaire, pour l'application des dispositions précitées du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts, qui, s'agissant d'un dispositif anti-abus ayant pour finalité de rendre moins attractif les montages utilisant un usufruit temporaire, comme le révèlent les travaux préparatoires de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 dont elles sont issues, ne doit pas être interprété de manière extensive.
4. Mme B... a été imposée sur la somme reçue en échange de l'apport de l'usufruit des parts de la SNC B... et Cie à la société Origan pour une durée de trente ans, regardé comme la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire. Il suit de ce qui a été dit au point 3 que le produit de la cession à l'origine du litige ne pouvait légalement être imposée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux sur le fondement du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui ne sont pas chiffrées, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : Le jugement no 1820434/2-2 du 16 mars 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Mme B... est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de la contribution sur les hauts revenus et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.
L'assesseure la plus ancienne,
P. HAMON Le président-rapporteur,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01257