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23/09/2021 | FRANCE | N°20PA00868

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 23 septembre 2021, 20PA00868


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, d'une part, la restitution de la créance de crédit d'impôt égal à l'impôt français correspondant aux revenus non commerciaux de source britannique au titre de l'année 2013, d'autre part, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1823422 du 7 janvier 2020, le

Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, d'une part, la restitution de la créance de crédit d'impôt égal à l'impôt français correspondant aux revenus non commerciaux de source britannique au titre de l'année 2013, d'autre part, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1823422 du 7 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. A... à hauteur des dégrèvements prononcés au titre de l'année 2013 pour un montant total en droits et pénalités de 13 732 euros, correspondant à la prise en compte du crédit d'impôt égal à l'impôt français pour les bénéfices non commerciaux de source britannique, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, et des mémoires, enregistrés le 23 juillet 2020 et le 24 décembre 2020, M. B... A..., représenté par Me Dufour, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1823422 du 7 janvier 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant à sa charge ainsi que des pénalités correspondantes et des intérêts de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le service a remis en cause au titre de l'année 2015 la déduction des charges foncières correspondant à deux factures de 12 457,41 euros et 10 642,59 euros pour des travaux de peinture dans des salles non classées du château A... ;

- c'est à tort que le service a limité les déductions des charges foncières à 50 % du montant des charges du château et du parc au titres des années 2013, 2014 et 2015 au motif que le bien ne pouvait être considéré comme ouvert au public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- et le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aggiouri,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dufour, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., propriétaire du château A... situé dans le département de la Manche, dont certaines parties ont été classées monuments historiques, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, à l'issue duquel il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2013, 2014 et 2015. Par un jugement du 7 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. A... à hauteur des dégrèvements prononcés au titre de l'année 2013 pour un montant total en droits et pénalités de 13 732 euros, correspondant à la prise en compte du crédit d'impôt égal à l'impôt français pour les bénéfices non commerciaux de source britannique, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions restant à sa charge. M. A... relève appel de l'article 2 de ce jugement.

Sur la demande de déduction des sommes de 12 457,41 euros et 10 642,59 euros figurant sur des factures du 19 octobre 2015 :

2. Aux termes du 1° ter du II de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / [...] II. - Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : / [...] 1° ter. Dans les conditions fixées par décret, les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire [...] ". Aux termes de l'article 41 E de l'annexe III au même code : " Dans la mesure où elles ne sont pas déduites des revenus visés à l'article 29, deuxième alinéa, du code général des impôts, les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire et dont le propriétaire se réserve la jouissance peuvent être admises en déduction du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu dans les conditions et limites définies aux articles 41 F à 41 I ". Aux termes de l'article 41 F de la même annexe : " I. - Les charges visées à l'article 41 E comprennent tout ou partie des dépenses de réparation et d'entretien ainsi que des autres charges foncières énumérées aux a à e du 1° et au a du 2° du I de l'article 31 du code général des impôts ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une quote-part des charges foncières se rapportant à des immeubles classés ou inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques est déductible, dans les conditions prévues par ces dispositions, du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. Dans le cas où seules certaines parties du monument ont été classées ou inscrites, ne sont déductibles à ce titre que les dépenses se rapportant à des travaux, des fournitures ou des services qui sont nécessaires à la conservation et à l'entretien des parties classées ou inscrites, soit que ces travaux concernent directement ces parties du monument, soit qu'ils soient rendus indispensables à leur préservation par l'état général de l'immeuble. Il appartient, dans tous les cas, au contribuable de justifier de la nature, du montant et du caractère déductible des dépenses qu'il entend porter en déduction de son revenu global. Il peut le faire par la production de tous documents, notamment d'attestations émanant des services chargés de l'architecture et du patrimoine à la condition, toutefois, que ces documents décrivent, avec une précision suffisante, la nature des travaux ainsi que leur lien avec les parties classées ou inscrites. Dans l'hypothèse où le contribuable produit une telle attestation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'établir que les charges en cause ne sont pas déductibles.

4. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a refusé la déduction du revenu global de M. A... au titre de l'année 2015 de deux factures, s'élevant respectivement à 12 457,41 euros et à 10 642,59 euros, émises le 19 octobre 2015 par la société Rolland Sablage Peinture. M. A... soutient que les travaux correspondants ont été effectués, à la suite d'un dégât des eaux survenu dans deux salles de bains situées au premier étage du château, au sein de la chambre, classée, jadis occupée par Alexis A..., ainsi que dans un salon-bibliothèque également classé. Toutefois, les factures produites par M. A..., qui mentionnent, sans plus de précision, des travaux de " réfection peinture chambres et salle de bains premier étage ", pour la première et de " réfection peinture salle de bains bleue, salle de bains à la suite et plafonds salon " pour la seconde, ne précisent pas si les travaux ont été effectués au sein des parties classées du château A... ou, à défaut, s'ils étaient indispensables à leur préservation. Si M. A... produit une attestation de la société Rolland Sablage Peinture du 29 décembre 2017, elle se borne à indiquer que " ces travaux étaient nécessaires pour limiter la propagation du sinistre aux parties classées, compte tenu des fissures existant dans les murs et les plafonds ", sans apporter aucune précision ni sur la nature exacte des travaux qui auraient permis de limiter la " propagation " évoquée ni sur le lien avec les parties inscrites ou classées de l'immeuble. Si M. A... produit également, outre des photographies, une attestation établie le 30 juillet 2019 par un architecte, celle-ci, rédigée en des termes sommaires, ne permet pas d'établir les risques qui pesaient sur les parties classées du château du fait du dégât des eaux. Dès lors, M. A..., qui ne justifie pas avec suffisamment de précision des travaux réalisés, n'établit pas qu'ils seraient nécessaires à la conservation et à l'entretien des parties classées, soit que ces travaux concerneraient directement ces parties du monument, soit qu'ils seraient rendus indispensables à leur préservation par l'état général de l'immeuble. Ainsi, il n'est pas fondé à demander la déduction de son revenu global imposable au titre de l'année 2015 des sommes de 12 457,41 euros et 10 642,59 euros figurant sur les factures du 19 octobre 2015.

Sur le bien-fondé de la limitation à 50 % du montant des charges admises en déduction au titre des années 2013, 2014 et 2015 :

5. Aux termes de l'article 41 F de l'annexe III du code général des impôts : " I.- Les charges visées à l'article 41 E comprennent tout ou partie des dépenses de réparation et d'entretien ainsi que des autres charges foncières énumérées aux a à e du 1° et au a du 2° du I de l'article 31 du code général des impôts. / Ces charges sont déductibles pour leur montant total si le public est admis à visiter l'immeuble et pour 50 % de leur montant dans le cas contraire ". Aux termes de l'article 17 ter de l'annexe IV du code général des impôts : " Sont réputés ouverts à la visite, au sens de l'article 41 I de l'annexe III au code général des impôts, les immeubles que le public est admis à visiter au moins : / Soit cinquante jours par an, dont vingt-cinq jours non ouvrables, au cours des mois d'avril à septembre inclus ; / Soit quarante jours pendant les mois de juillet, août et septembre / [...] ". Aux termes de l'article 17 quater de la même annexe : " Le propriétaire est tenu de déclarer, avant le 1er février de chaque année, les conditions d'ouverture de son immeuble au délégué régional du tourisme. / Il en assure la diffusion au public par tous moyens appropriés. / Lorsqu'il est fait application des dispositions prévues au quatrième alinéa de l'article 17 ter, la déclaration mentionnée au premier alinéa est accompagnée de la copie de la ou des conventions conclues entre le propriétaire et les établissements ou structures concernés. ".

6. Il résulte de ces dispositions que le propriétaire d'un monument historique tient de l'article 156 du code général des impôts et de l'article 41 F de l'annexe III à ce code le droit de déduire la totalité des charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire et dont il se réserve la jouissance, dès lors qu'il établit avoir fait diligences pour ouvrir le monument au public pendant une durée au moins égale à celle requise par l'article 17 ter de l'annexe IV de ce code.

7. M. A... soutient qu'il a fait toutes diligences pour permettre l'ouverture au public du château A... au titre des années 2013, 2014 et 2015, de sorte que l'administration fiscale ne pouvait, selon lui, limiter la déduction des charges foncières visées à l'article 41 E de l'annexe III au code général des impôts à 50 % de leur montant. Si le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir que le nombre de jours au cours desquels des visites ont été effectivement réalisées au cours des années 2013, 2014 et 2015, tel qu'il ressort notamment des tableaux élaborés par M. A..., est inférieur aux seuils mentionnés par l'article 17 ter de l'annexe IV du code général des impôts, cette circonstance est, il est vrai, sans incidence lorsque l'intéressé est en mesure d'établir avoir fait toutes diligences pour ouvrir le monument au public pendant une durée au moins égale à celle requise par cet article.

8. En l'espèce, M. A... produit - outre des plaquettes ou affiches promotionnelles, ainsi que des échanges de courriels aux fins de fixer des dates de visite - un courrier qu'il a adressé à l'office du tourisme de Barfleur, daté du 19 décembre 2013, dans lequel il détaille les modalités de visite du château au cours de la " saison touristique 2014 ", relevant en particulier que, " comme les années précédentes, [l'] organisation peut se résumer comme suit ", à savoir que " la propriété est ouverte toute l'année, à l'exception de la période du 26 juillet au 17 août " et que " les visites ont lieu sur rendez-vous ". Toutefois, M. A... indique, dans ce courrier, que " [sa] femme et [lui]-même [sont] les seuls à pouvoir faire visiter l'intérieur du château ", sans préciser, dans ce document ou dans ses écritures, les jours où ils sont présents au château, qui n'est pas leur résidence principale. Si M. A... produit également une attestation datée du 16 juin 2020, rédigée par la chargée de développement touristique de l'office de tourisme du Cotentin, celle-ci se borne à indiquer qu'elle a organisé des visites du château A... au cours des années 2013, 2014 et 2015, pendant " plus d'une cinquantaine de jours par saison ", sans mentionner avec précision la période ainsi couverte ni recenser les jours concernés, alors que la convention de partenariat signée avec l'office de tourisme du Cotentin le 3 août 2015 stipule seulement que la propriété sera ouverte " le 14 août, le 20 août et aux dates fixées à l'avance " et que la visite guidée de l'intérieur du château sera assurée " si cela est possible ". Par ailleurs, si le requérant produit une attestation d'une responsable associative du 19 juillet 2020, venant préciser une attestation du 30 décembre 2017, celle-ci indique seulement qu'elle organise les visites du château depuis une dizaine d'années, que la " propriété est toujours ouverte et accessible " et que " les propriétaires et les gardiens ont toujours accueilli les gens de passage en sus des groupes organisés, ayant eu l'information via les offices de tourisme ". Enfin, les divers articles de presses produits par M. A... ne permettent pas de déterminer avec une précision suffisante les conditions d'ouverture du monument au cours des années en litige.

9. Ainsi, les éléments dont se prévaut M. A... ne permettent pas d'établir qu'il aurait, au cours des années 2013, 2014 et 2015, fait toutes diligences pour permettre l'ouverture à la visite des parties classées du château A..., pendant une durée au moins égale à celle exigée par l'article 17 ter de l'annexe IV du code général des impôts, à savoir soit cinquante jours par an, dont vingt-cinq jours non ouvrables, au cours des mois d'avril à septembre inclus, soit quarante jours pendant les mois de juillet, août et septembre. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander, au titre des années 2013, 2014 et 2015, la déduction de son revenu global de l'ensemble des charges foncières visées à l'article 41 E de l'annexe III au code général des impôts.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, où siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2021.

Le rapporteur,

K. AGGIOURILa présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00868
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu. - Détermination du revenu imposable. - Charges déductibles du revenu global.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : DUFOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-09-23;20pa00868 ?
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