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22/09/2021 | FRANCE | N°20PA01128

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 22 septembre 2021, 20PA01128


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris, sous les n°s 1810637/1-1 et 1810638/1-1, de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006 et des années 2008 à 2014 et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n°s 1810637/1-1 et 1810638/1-1 du

29 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris, sous les n°s 1810637/1-1 et 1810638/1-1, de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006 et des années 2008 à 2014 et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n°s 1810637/1-1 et 1810638/1-1 du 29 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 mars, 27 septembre et 19 novembre 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Patrick Delpeyroux, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 janvier 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses.

Ils soutiennent que :

- le délai de prescription décennal ne pouvait s'appliquer aux rectifications notifiées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, catégorie identique à celle des revenus déclarés, dans la mesure où la prescription décennale s'applique aux catégories de revenus non mentionnées dans la déclaration de revenus et non aux sommes non déclarées, où l'activité exercée ne pouvait simultanément être regardée comme distincte de l'activité de notaire et illicite au regard des règles applicables à celle-ci et où les premiers juges n'ont pas régulièrement qualifié l'activité litigieuse ;

- la prescription était en tout état de cause atteinte pour l'année 2006 dès lors que conformément à la doctrine administrative BOI-CF-PGR-10-70-20 2016229 n° 260 l'allongement des délais de reprise aux " activités illicites " ne peut s'appliquer qu'aux délais de prescription expirant après le 31 décembre 2009 ;

- les sommes prétendument perçues ne correspondent à aucune activité et doivent par suite être regardées comme des cadeaux ; il s'agissait effectivement de cadeaux versés par les clients ;

- en l'absence d'activité occulte, les pénalités de 80 % ne sauraient être appliquées ;

- il est fondé à se prévaloir de la doctrine administrative BOI CF INF 10 20 10 N° 50 qui prévoit que " les activités annexes ou connexes à une activité par ailleurs régulièrement déclarée, découvertes en cours d'ESFPE, se voient quant à elles appliquer, le cas échéant, les majorations pour manquement délibéré ou manœuvres frauduleuses prévues à l'article 1729 du CGI " ;

- aucune activité professionnelle illicite distincte de celle de notaire n'a été établie ;

- la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-10-70 n°70, 29-12-2016 est invocable ;

- il n'est pas démontré que des sommes auraient été perçues en contrariété avec les règles fixées par l'article 4 du décret 78-262 du 8 mars 1978, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il aurait perçu des rémunérations d'" activités non prévues au titre II " ;

- aucune juridiction civile n'a constaté l'existence d'une activité illicite ;

- au titre de l'année 2006, il n'existe aucune insuffisance ou omission révélée par une instance devant les tribunaux, la qualification des faits n'ayant donné lieu à aucune décision et n'ayant pas été validée par les tribunaux judiciaires ;

- l'égalité des armes est méconnue en raison de ce qu'ils sont privés, contrairement à l'administration, de la possibilité de produire des pièces couvertes par la procédure d'instruction.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 juin et 22 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au

20 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Devillieres, substituant Me Delpeyroux, représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 29 janvier 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006 et des années 2008 à 2014 et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'existence des détournements de fonds :

2. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté que, sous réserve de la somme de 20 000 euros en provenance de Mme M., les sommes intégrées dans la base imposable des requérants ont été effectivement perçues par M. C.... Les procès-verbaux réalisés à l'occasion de l'instruction pénale menée à l'encontre de M. C... ne font d'ailleurs à cet égard l'objet d'aucune contestation sérieuse. Si ces sommes trouvent leur origine dans des comptes appartenant aux clients de l'étude ou dans des versements effectués par ceux-ci, aucun élément du dossier, que seul l'intéressé serait en mesure de produire, ne permet de les rattacher aux prestations rendues par lui dans le cadre de son activité notariale, tant au regard du Titre I que du Titre II du décret 78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires. Ces sommes, alors même que les clients de l'étude auraient eux-mêmes rédigé les chèques ou ne se seraient pas opposés aux versements en cause, et que certains auraient retiré la plainte qu'ils avaient auparavant déposée, doivent en conséquence être regardées comme le produit de détournements de fonds, sans que les requérants puissent utilement se prévaloir de ce qu'en l'absence de jugement intervenu en matière pénale, la qualification pénale de ces sommes ne leur est pas opposable. Les requérants ne contestent pas valablement le caractère taxable du produit de ces détournements en se bornant à faire valoir qu'en l'absence d'activité imposable, les sommes taxées doivent être regardés comme des cadeaux. Aucune pièce n'est en tout état de cause produite de nature à étayer l'argumentation tirée de ce que M. C... aurait bénéficié de libéralités de la part de ses clients. Si s'agissant de la somme de 20 000 euros reçue de Mme M., les requérants font valoir que cette dernière n'a pas reconnu le versement de la somme en cause, il ressort des procès-verbaux produits au dossier par le ministre que le chèque correspondant a été identifié et débité. La réalité des détournements de fonds litigieux doit en conséquence être regardée comme établie.

En ce qui concerne la prescription de l'imposition :

S'agissant des années 2008 à 2014 :

3. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010 : " (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite./ Le droit de reprise mentionné au deuxième alinéa ne s'applique qu'aux seules catégories de revenus que le contribuable n'a pas fait figurer dans une quelconque des déclarations qu'il a déposées dans le délai légal. Il ne s'applique pas lorsque des revenus ou plus-values ont été déclarés dans une catégorie autre que celle dans laquelle ils doivent être imposés. (...). ". Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices de professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. (...) ".

4. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. C..., qui exerçait une activité déclarée de notaire, a en outre procédé, au cours des années en cause, à divers détournements de fonds. Les résultats d'une telle activité sont taxables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts. La pratique consistant à détourner des fonds, distincte, eu égard à son objet, de l'activité de notaire, et qui revêtait un caractère illicite au regard des règles régissant la profession notariale, doit, contrairement à ce qui est soutenu, être regardée comme une activité occulte au sens des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010, alors même que l'activité consistant à détourner des fonds est taxable dans la même catégorie que l'activité de notaire, au titre de laquelle des déclarations de résultats avaient été régulièrement déposées.

5. Il est constant que M. C... n'a pas déposé de déclaration au titre de son activité occulte. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que celle-ci avait un caractère illicite. Le délai de reprise décennale était donc applicable à l'ensemble des impositions pour lesquelles le délai de reprise n'était pas expiré à la date d'entrée en vigueur des dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, soit, en tout état de cause, aux impositions dues au titre des années 2008 à 2014, sans que M. C... puisse utilement faire valoir l'absence de caractère professionnel de son activité. Si M. et Mme C... se prévalent du paragraphe 70 de la doctrine référencée BOI-CF-PGR-10-70, selon laquelle " En se référant à l'article L. 169 du LPF, à l'article L. 174 du LPF et à l'article L. 176 du LPF, le législateur vise expressément l'IR (mais les seules catégories de revenus relevant d'une activité professionnelle) (...) ", la doctrine ainsi invoquée, dont le juge de l'impôt est tenu de faire une application littérale, sans se livrer à son interprétation, ne fait pas mention de l'activité de détournement de fonds et ne définit pas la notion d'activité professionnelle. Elle ne contient, en conséquence, aucune interprétation formelle du texte fiscal différente de ce qui précède, dont M. et Mme C... puissent se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

S'agissant de l'année 2006 :

6. Aux termes de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2013 et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 188 C du même livre : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 188 C dudit livre dans sa version applicable à partir du 1er janvier 2016 : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

7. M. C... fait valoir que les dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales n'autorisent pas l'extension du délai de reprise en ce qui concerne l'année 2006, l'allongement des délais de reprise prévu audit article L.169 aux " activités illicites " ne pouvant s'appliquer qu'aux délais de prescription expirant après le 31 décembre 2009. Il se prévaut à cet égard de la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-10-70-20 2016229 n° 260. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des mentions de la proposition de rectification du 28 juillet 2016, que le délai de reprise de dix années appliqué à l'année 2006 est justifié par la mise en œuvre des dispositions précitées de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales. Les insuffisances relevées par l'administration ayant été révélées, dans le cadre du droit de communication exercé les 12 février et 12 mai 2016, par la procédure judiciaire initiée par la mise en examen de M. C... le 28 novembre 2014, les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales étaient effectivement applicables, sans que

M. C... puisse utilement invoquer à cet égard la circonstance qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale.

Sur les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. C... exerçait au cours des années en cause l'activité occulte de détournement de fonds. Il n'est par suite pas fondé à contester les pénalités qui lui ont été appliquées de ce chef en faisant valoir qu'il n'exerçait pas d'activité occulte. La doctrine administrative BOI CF INF 10 20 10 N° 50 ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède. Les requérants ne sont par suite pas fondés à s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C..., qui ne sont pas soumis au secret de l'instruction et peuvent en conséquence communiquer des informations sur le déroulement de l'enquête ou de l'instruction, qui, au demeurant, ne fournissent aucune indication sur la nature des documents qu'ils auraient été empêchés de produire, et qui ne sauraient par suite valablement faire valoir qu'ils sont privés du bénéfice de l'égalité des armes qui leur est accordé par les stipulations de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'impossibilité de produire des pièces qui seraient couvertes par le secret de l'instruction, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2021.

Le rapporteur,

F. B...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 20PA01128


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET DELPEYROUX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 22/09/2021
Date de l'import : 28/09/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20PA01128
Numéro NOR : CETATEXT000044090610 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-09-22;20pa01128 ?
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