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22/09/2021 | FRANCE | N°19PA04125

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 22 septembre 2021, 19PA04125


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bonne Pioche Productions a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction, à concurrence de 190 009 euros de droits et de 62 954 euros de pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice 2013.

Par un jugement n° 1712139/1-3 du 23 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 décembre 20

19 et le 24 juin 2021, la société Bonne Pioche Productions, représentée par Me Brigitte Vergilino, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bonne Pioche Productions a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction, à concurrence de 190 009 euros de droits et de 62 954 euros de pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice 2013.

Par un jugement n° 1712139/1-3 du 23 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 décembre 2019 et le 24 juin 2021, la société Bonne Pioche Productions, représentée par Me Brigitte Vergilino, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1712139/1-3 du 23 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Bonne Pioche Productions soutient que :

- elle n'a pas été informée des modalités de détermination du montant des pénalités ;

- la circonstance que les personnels nécessaires à la réalisation des œuvres ont été mis à sa disposition dans le cadre d'un contrat ne permet pas d'exclure les dépenses correspondantes du crédit d'impôt audiovisuel, le caractère effectif des fonctions étant justifié ;

- elle est fondée à se prévaloir de l'instruction référencée BOI-IS-RICI-10-30-10 n° 20, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- les gratifications versées aux stagiaires constituent des dépenses de personnel éligibles au crédit d'impôt ;

- le seuil du coût par minute fixé par la loi doit être apprécié exercice par exercice et non par une moyenne des dépenses exposées pour la même œuvre ;

- l'intention d'éluder l'impôt n'est pas établie.

Par deux mémoires en défense enregistré les 21 février 2020 et 9 juillet 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués par la société Bonne Pioche Productions ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée au

1er septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Bonne Pioche Télévision, qui exerce l'activité de production de films et de programmes pour la télévision, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 30 juillet 2015 lui a été adressée. Au terme de la procédure contradictoire, la société Bonne Pioche Productions, tête du groupe fiscalement intégré dont fait partie la société Bonne Pioche Télévision, a été informée le 18 octobre 2016 des impositions issues du contrôle de cette dernière société et a été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2013, assortie d'intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré. La société Bonne Pioche Productions relève appel du jugement du 23 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction de cette imposition, à concurrence de 190 009 euros, et à la décharge de la majoration pour manquement délibéré d'un montant de 62 954 euros.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 220 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les entreprises de production cinématographique et les entreprises de production audiovisuelle soumises à l'impôt sur les sociétés qui assument les fonctions d'entreprises de production déléguées peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de production mentionnées au III correspondant à des opérations effectuées en vue de la réalisation d'œuvres cinématographiques de longue durée ou d'œuvres audiovisuelles agréées. Le bénéfice du crédit d'impôt est subordonné au respect, par les entreprises de production déléguées, de la législation sociale. Il ne peut notamment être accordé aux entreprises de production déléguées qui ont recours à des contrats de travail mentionnés au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail afin de pourvoir à des emplois qui ne sont pas directement liés à la production d'une œuvre déterminée. (...) II (...) 3. Les œuvres audiovisuelles documentaires peuvent bénéficier du crédit d'impôt lorsque le montant des dépenses éligibles mentionnées au III est supérieur ou égal à 2 000 € par minute produite. III. 1. Le crédit d'impôt, calculé au titre de chaque exercice, est égal à 20 % du montant total des dépenses suivantes effectuées en France : (...) c) Les salaires versés aux personnels de la réalisation et de la production, ainsi que les charges sociales afférentes ; d) Les dépenses liées au recours aux industries techniques et autres prestataires de la création cinématographique et audiovisuelle (...) ".

3. Aux termes de l'article 46 quater-0 YM de l'annexe III au code général des impôts : " Pour la détermination des dépenses mentionnées au III de l'article 220 sexies du code général des impôts, il y a lieu de retenir : 1. Pour les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles de fiction et les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles documentaires : (...) c. Au titre des salaires et charges sociales afférents aux personnels de la réalisation et de la production : les rémunérations et leurs accessoires versés par l'entreprise de production aux techniciens et ouvriers de la production, ainsi que les charges sociales dans la mesure où elles correspondent à des cotisations sociales obligatoires. Lorsque les techniciens et ouvriers de la production sont employés par l'entreprise de production à titre permanent, seuls sont pris en compte les salaires et charges sociales correspondant à la période durant laquelle ces personnels ont été effectivement employés à la réalisation de l'œuvre éligible au crédit d'impôt (...) ". Aux termes de l'article 46 quater-0 YO de la même annexe : " (...) II. Les personnels mentionnés au c du 1 et au c du 2 de l'article 46 quater-0 YM comprennent : 1° Pour les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles de fiction et les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles documentaires : a. les techniciens de la production qui sont ceux en charge : de la réalisation ; de la préparation et de l'assistance de réalisation ; de la technique et de la qualité artistique des prises de vues ; de la technique et de la qualité artistique des enregistrements sonores ; de la création artistique et de l'exécution des décors ; de la création artistique des costumes, perruques et accessoires vestimentaires ; de la confection des costumes et accessoires vestimentaires ; de l'habillage et de l'entretien des costumes ; du maquillage de composition des acteurs ; de la confection des perruques et postiches et de l'exécution des coiffures ; des accessoires de plateau et de décor ; de l'assemblage artistique et technique des images et des sons ; de la préparation et de la réalisation des effets spéciaux de tournage, y compris les cascades ; de la direction artistique et du développement ; de la direction et de la gestion administrative, technique et comptable de la production ; b. Les ouvriers de la production qui sont ceux en charge : de la machinerie ; de l'éclairage ; de la construction des décors (...) ".

En ce qui concerne les dépenses éligibles au crédit d'impôt audiovisuel :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

4. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 30 juillet 2015, que le service a remis en cause des sommes que la société Bonne Pioche Télévision avait intégrées en dépenses éligibles au crédit d'impôt audiovisuel au titre de l'année 2013 en tant que salaires et charges sociales afférents aux personnels de la production des œuvres " Médecines d'ailleurs ", " A table les enfants ", " C... siècle " et " J'irai dormir chez l'homme qui brûle ", au motif que les personnels concernés n'étaient pas salariés de cette société. La société Bonne Pioche Productions fait valoir qu'elle a conclu une convention d'assistance technique le 1er janvier 2009 avec la société Bonne Pioche Télévision, par laquelle cette société lui a confié une mission de conseil et d'assistance, couvrant la réalisation de prestations techniques de préparation, développement, production, réalisation, post-production d'œuvres audiovisuelles, ainsi que des missions relatives à un appui logistique et à des services généraux, et que, sur le fondement de cette convention, ont été mis à disposition de la société Bonne Pioche Télévision des salariés en vue de la production déléguée des œuvres précitées.

5. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article 220 sexies du code général des impôts et de l'article 46 quater-0 YM de l'annexe III à ce code que ne constituent des dépenses éligibles au crédit d'impôt audiovisuel au titre des salaires et charges sociales afférents aux personnels de la réalisation et de la production, que les rémunérations et leurs accessoires, ainsi que les charges sociales, versés par l'entreprise de production déléguée aux techniciens et ouvriers de la production placés dans un lien de subordination avec cette entreprise de production. En l'espèce, contrairement à ce que soutient la société requérante, la convention d'assistance technique du 1er janvier 2009, qui n'est pas une convention de mise à disposition de personnel, n'implique pas que le personnel salarié de la société Bonne Pioche Productions était placé dans un lien de subordination avec la société Bonne Pioche Télévision. Par suite, la société Bonne Pioche Productions, qui ne peut en tout état de cause utilement se prévaloir des dispositions relatives au crédit d'impôt en faveur de la recherche qui constitue un dispositif distinct, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a exclu les dépenses en cause du bénéfice du crédit d'impôt audiovisuel.

6. D'autre part, il résulte de l'instruction que le service a remis en cause des sommes que la société Bonne Pioche Télévision avait intégrées en dépenses éligibles au crédit d'impôt audiovisuel au titre de l'année 2013, qui constituaient des indemnités de stage versées dans le cadre de la production de l'œuvre " Médecines d'ailleurs ". Ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article 220 sexies du code général des impôts et de l'article 46 quater-0 YM de l'annexe III à ce code, seuls sont éligibles au crédit d'impôt audiovisuel les salaires et charges sociales afférents aux personnels de la réalisation et de la production. Par suite, dès lors qu'il est constant que les gratifications versées aux stagiaires ne constituent pas un salaire au sens du code du travail, la société Bonne Pioche Productions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a exclu les dépenses en cause du bénéfice du crédit d'impôt audiovisuel.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales (...) ".

8. D'une part, la société Bonne Pioche Productions se prévaut de l'instruction référencée BOI-IS-RICI-10-30-10 selon laquelle " 20. En pratique, il arrive fréquemment qu'un contrat soit conclu entre l'entreprise de production déléguée et un producteur exécutif. Aux termes de ce type de contrat, le producteur exécutif est chargé de la préparation de l'œuvre, de l'engagement des artistes et techniciens, de la tenue de la comptabilité, de la surveillance du tournage, du contrôle de l'exécution du plan de travail et du respect du devis, le tout sous la surveillance du producteur délégué qui conserve la maîtrise de l'œuvre audiovisuelle concernée et en assume la responsabilité. Le producteur exécutif perçoit pour ce faire une rémunération fixe ou proportionnelle. Les dépenses éligibles exposées pour la réalisation de l'œuvre audiovisuelle par le producteur exécutif pour le compte du producteur délégué entrent dans le calcul du crédit d'impôt dès lors qu'elles sont refacturées par le producteur exécutif au producteur délégué. Cette refacturation doit faire apparaître précisément les dépenses engagées par le producteur exécutif au titre de chaque catégorie de dépenses éligibles. Seul est pris en compte pour le calcul du crédit d'impôt audiovisuel le coût de revient effectif des opérations réalisées par le producteur exécutif pour la production de l'œuvre audiovisuelle. La justification du montant de ces dépenses pourra notamment se faire au moyen d'éléments de la comptabilité analytique tenue par le producteur exécutif. Par ailleurs, la rémunération versée par le producteur délégué au producteur exécutif, qu'elle soit forfaitaire ou proportionnelle, n'est pas prise en compte pour le calcul du crédit d'impôt ".

9. Il résulte de cette instruction que, pour que les dépenses mentionnées au point 4 soient éligibles au crédit d'impôt audiovisuel, le producteur exécutif doit refacturer ces dépenses au producteur délégué, au moyen de factures faisant apparaître précisément les dépenses engagées par le producteur exécutif au titre de chaque catégorie de dépenses éligibles, qui doivent être appuyées de justificatifs tirés notamment d'éléments de la comptabilité analytique tenue par le producteur exécutif. Or, il est constant que la société Bonne Pioche Productions, en tant que producteur exécutif, n'a pas émis de factures au nom de la société Bonne Pioche Télévision, producteur délégué, faisant apparaître précisément les dépenses de personnel en litige. Ainsi, dès lors que la société Bonne Pioche Productions ne remplit pas les conditions prévues par l'instruction référencée BOI-IS-RICI-10-30-10 n° 20, elle n'est pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

10. Par ailleurs, la société Bonne Pioche Productions n'est pas plus fondée à se prévaloir de l'instruction référencée BOI-IS-RICI-10-30-20 n° 20, qui ne donne pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle mentionnée aux points 4 et 5.

11. D'autre part, s'agissant des gratifications versées aux stagiaires, la société Bonne Pioche Productions n'est pas fondée à se prévaloir de l'instruction référencée BOI-IS-RICI-10-30-20, qui ne donne pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle mentionnée au point 6. Elle n'est par ailleurs pas fondée à se prévaloir de la jurisprudence rendue en matière de crédit d'impôt en faveur de la recherche et de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-20-20, qui portent sur les dispositions distinctes relatives à ce crédit d'impôt.

En ce qui concerne le seuil de dépenses éligibles à la minute pour l'œuvre " Médecines d'ailleurs " :

12. Il résulte de la proposition de rectification que le service a constaté que la société Bonne Pioche Télévision a bénéficié du crédit d'impôt audiovisuel au titre de l'œuvre " Médecines d'ailleurs " à concurrence de 146 292 euros en 2013. La durée totale de cette œuvre issue des prêts à diffuser s'élevant à 519 minutes, il a estimé que, suite aux rectifications opérées correspondant aux dépenses de personnel précitées et à un avoir de 18 265,50 euros dont il n'avait pas été tenu compte dans les dépenses éligibles, le seuil de 2 000 euros par minute produite, qui s'élevait à 2 333 euros au titre de l'année 2012, nécessaire au bénéfice du crédit d'impôt audiovisuel, n'était pas atteint.

13. Il résulte des dispositions précitées du 3 du II de l'article 220 sexies du code général des impôts que le seuil que cet article fixe doit d'abord être apprécié en divisant l'ensemble des dépenses éligibles par le total des minutes produites au titre d'une œuvre déterminée, y compris lorsque ces dépenses sont exposées au cours d'exercices successifs, le calcul du crédit d'impôt au titre de chaque exercice s'effectuant ensuite en fonction des dépenses exposées et éligibles au cours de cet exercice, en application du 1 du III du même article, lorsque le seuil d'éligibilité résultant de la durée totale de l'œuvre est atteint ou franchi.

14. Il résulte de l'instruction que, au titre de l'œuvre " Médecines d'ailleurs ", la société Bonne Pioche Télévision avait déclaré un montant de dépenses éligibles total sur les exercices 2012 et 2013 de 1 056 542 euros, dont 958 841 euros au titre de l'exercice 2013. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les dépenses de personnel et les gratifications versées aux stagiaires, d'un montant de 132 108,20 euros, doivent être exclues des dépenses éligibles, la réintégration de l'avoir de 18 265,50 euros n'étant par ailleurs pas contestée. Le montant des dépenses éligibles au titre de l'année 2013 s'élève ainsi à 808 467,30 euros, soit un total pour l'œuvre de 906 168,30 euros. Compte tenu de la durée de 519 minutes, le rapport entre l'ensemble des dépenses éligibles par le total des minutes produites s'élève dès lors à 1 745, 99 euros par minute produite. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le surplus du crédit d'impôt dont avait bénéficié la société Bonne Pioche Productions pour l'œuvre " Médecines d'ailleurs " au titre de l'année 2013, le montant des dépenses éligibles n'étant pas supérieur ou égal à 2 000 euros par minute produite, en application du 3 du II de l'article 220 sexies du code général des impôts.

Sur les pénalités :

15. En premier lieu, aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. cent au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice (...) Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte, au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts ou de l'article 223 A bis du même code la société mère d'un groupe ou l'établissement public industriel et commercial qui s'est constitué seul redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats d'un groupe est amené à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'un ou de plusieurs membres du groupe, l'administration adresse à cette société mère ou à cet établissement public, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle ou il est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document (...) ".

16. Il résulte de l'article 223 A du code général des impôts qu'alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats et que c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de rectification, dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. Les rectifications ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom sur les rehaussements de ce résultat d'ensemble. L'information qui doit être donnée à la société mère avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de rectification qui ont été menées avec les sociétés membres du groupe et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble, sans qu'il soit nécessaire de reprendre l'exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de rectification concernés. Elle doit toutefois comporter, en ce qui concerne les pénalités, l'indication de leur montant, comme le prévoit l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, et des modalités de détermination mises en œuvre par l'administration, lesquelles constituent une garantie permettant à la société mère de contester utilement les sommes mises à sa charge.

17. Il résulte de la lettre d'information du 18 octobre 2016 transmise avant la mise en recouvrement des sommes en litige à la société Bonne Pioche Productions, en tant que tête du groupe intégré dont fait partie la société Bonne Pioche Télévision, que le montant de la " majoration 40 % (a de l'article 1729) " qui y a été mentionné, soit 62 954 euros, conformément à l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, est précisément déterminé dans la proposition de rectification du 30 juillet 2015, à laquelle se réfère la lettre d'information, les pénalités ayant été appliquées non pas à l'ensemble des droits mais à une partie de ceux-ci. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Bonne Pioche Productions, l'information qui lui a été donnée était suffisante.

18. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

19. D'une part, il résulte de la proposition de rectification du 30 juillet 2015 que la pénalité pour manquement délibéré a été appliquée aux rectifications relatives à la remise en cause du bénéfice du crédit d'impôt pour l'œuvre " Médecines d'ailleurs ". L'administration s'est fondée sur l'importance du crédit d'impôt audiovisuel obtenu pour cette œuvre, représentant plus de la moitié des crédits d'impôt sollicités au titre de l'année 2013, crédit indûment favorisé par la prise en compte des dépenses inéligibles précitées relatives à des personnels qui n'étaient pas salariés de la société Bonne Pioche Productions, à des stagiaires et à des avoirs qui n'avaient pas été régularisés alors que les dépenses afférentes étaient annulées comptablement, ces éléments ayant " contribué à augmenter indûment les dépenses éligibles et par là même le rapport entre ces dernières et celui des minutes produites afin de dépasser les seuils planchers requis ". Au vu de ces éléments, l'administration justifie du bien-fondé de l'application de la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts.

20. D'autre part, il résulte de la proposition de rectification que la pénalité pour manquement délibéré a été appliqué à la rectification relative à l'absence de régularisation du crédit d'impôt audiovisuel lié à l'œuvre " Ecole ". L'administration fait valoir que l'annulation de dépenses précédemment déclarées comme éligibles au crédit d'impôt audiovisuel sur des années antérieures ne pouvait être ignorée de la société dans la mesure où l'écriture d'annulation a été comptabilisée par cette dernière sous sa propre responsabilité, et ce sans restituer la part de crédit d'impôt audiovisuel afférente à ces dépenses annulées. Par ailleurs, en ce qui concerne les avoirs qui n'avaient pas été pris en compte en diminution des dépenses éligibles au crédit d'impôt, le service fait valoir que l'annulation des dépenses initiales ne pouvait être ignorée dans la mesure où les avoirs ont été comptabilisés au crédit du compte de charge concerné et que, malgré ces comptabilisations, la société a délibérément choisi de retenir des dépenses annulées pour l'obtention du crédit d'impôt audiovisuel alors même qu'elle comptabilisait les avoirs correspondants. Ainsi, même si le montant de ces avoirs était très inférieur au résultat, la société Bonne Pioche Productions a volontairement obtenu un crédit d'impôt alors qu'elle n'ignorait pas que des dépenses annulées figuraient dans l'assiette du crédit d'impôt. Par suite, l'administration justifie du bien-fondé de l'application de la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bonne Pioche Productions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement, de réduction des impositions et de décharge des pénalités doivent ainsi être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Bonne Pioche Productions demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Bonne Pioche Productions est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Bonne Pioche Productions et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2021.

Le rapporteur,

F. B...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N° 19PA04125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04125
Date de la décision : 22/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : VERGILINO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-09-22;19pa04125 ?
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