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21/07/2021 | FRANCE | N°17PA20996

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 21 juillet 2021, 17PA20996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me F..., liquidateur de la société Construction modulaire de l'ouest (CMO), a demandé au Tribunal administratif de la Martinique de condamner solidairement la société Guez Caraïbes et le groupement constitué du cabinet L..., E..., J..., de M. G..., de Mme N...-C..., des sociétés Lucigny Talhouet et associés (LTA) et Ingerop SAS à lui verser la somme de 2 436 373,86 euros HT en réparation des préjudices résultant de l'allongement de la durée du chantier de construction de l'unité hospitalière de la

femme, de la mère et de l'enfant.

Par un jugement n° 1300371 du 31 janvier 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me F..., liquidateur de la société Construction modulaire de l'ouest (CMO), a demandé au Tribunal administratif de la Martinique de condamner solidairement la société Guez Caraïbes et le groupement constitué du cabinet L..., E..., J..., de M. G..., de Mme N...-C..., des sociétés Lucigny Talhouet et associés (LTA) et Ingerop SAS à lui verser la somme de 2 436 373,86 euros HT en réparation des préjudices résultant de l'allongement de la durée du chantier de construction de l'unité hospitalière de la femme, de la mère et de l'enfant.

Par un jugement n° 1300371 du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa requête.

Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative de Paris le jugement des dossiers d'appel enregistrés à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux le

31 mars 2017 et un mémoire en réplique, enregistré le 30 septembre 2020, Me F..., liquidateur de la société Construction modulaire de l'ouest (CMO) représenté par le cabinet Griffiths Duteil associés, demande à la Cour :

A titre principal :

1°) de réformer le jugement n° 1300371 du 31 janvier 2017 du Tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de condamner solidairement la société Guez Caraïbes et le groupement de maîtrise d'œuvre à lui verser la somme de 2 436 373,86 euros augmentée de la TVA au taux légal à compter de la date de la décision à intervenir et des intérêts au taux légal avec capitalisation de ces intérêts ;

A titre subsidiaire :

3°) d'ordonner une expertise avant-dire droit ;

4°) en tout état de cause, de condamner la société Guez Caraïbes et le groupement de maîtrise d'œuvre à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'expert désigné par le tribunal a conclu que l'absence de planning contractuel est à l'origine de tous les problèmes rencontrés par le chantier ; la prolongation de la durée d'exécution du chantier est donc principalement imputable à société Guez Caraïbes qui avait la charge de la mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination (OPC) ;

- au vu des défaillances successives d'entreprises, le groupement de maîtrise d'œuvre aurait dû, au titre de sa mission de direction des travaux, attirer l'attention de l'OPC, voire du maître de l'ouvrage, sur la nécessité d'un nouveau planning contractuel ;

- il ressort des constats de l'expert que l'allongement de la durée du chantier ne lui est aucunement imputable alors qu'il en a résulté pour elle des préjudices consistant :

- durant la période contractuelle (du 20 février 2004 au 1er février 2005) : en pertes d'industrie d'un montant total de 392 900, 99 euros pour les 2 lots ;

- durant la période post contractuelle (du 16 août 2004 au 9 juillet 2007) : en surcoûts, d'un montant total de 1 743 472, 87 euros pour les 2 lots ;

- en frais de constitution de dossier pour un montant de 100 000 euros HT ;

- en perte d'image pour un montant de 200 000 euros HT.

- si la Cour s'estimait insuffisamment informée sur l'étendue des préjudices causés à la société CMO, elle ordonnerait une expertise sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mai 2017 et une pièce complémentaire enregistrée le 6 mai 2021, le groupement de maîtrise d'œuvre Rivolier Touret J... (RTV) et autres représenté par Me K..., conclut à titre principal, au rejet de la requête, subsidiairement, à la condamnation de la société Guez Caraïbes à garantir ses membres des condamnations pouvant être prononcées à leur encontre et à la condamnation de l'appelant à leur verser, chacun, une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'action en responsabilité quasi-délictuelle engagée par Me F... est irrecevable dès lors qu'il a engagé une autre action en responsabilité contractuelle à l'encontre du CHUM en réclamant les mêmes montants ;

- la maîtrise d'œuvre n'a commis aucune faute dans sa mission OPC ; comme l'a relevé l'expert, plusieurs plannings ont été notifiés aux entreprises mais la SEMAFF, mandataire du maître d'ouvrage s'est refusée à établir des plannings recalés ; la maîtrise d'œuvre a, à de nombreuses reprises alerté le maître d'ouvrage délégué sur la nécessité de notifier le dernier planning (indice D) ;

- par ses fautes, la société CMO a largement concouru au retard d'exécution des travaux et s'est vu attribuer plus de 300 jours de retard par l'OPC ;

- comme l'a relevé la société CMO elle-même dans sa requête, de nombreuses entreprises ont participé au retard du chantier qu'elle devait appeler en garantie ; le société CMO ne tient pas compte des délais importants imputables aux intempéries et au cyclone DEAN ;

- contrairement à ce qu'a estimé l'expert, les travaux n'ont pas été exécutés sans plannings contractuels puisque le planning prévisionnel enveloppe 0, inclus dans le dossier de consultation des entreprises, et le planning 2, signé le 9 avril 2003, étaient contractuels ; en tout état de cause, l'absence de notification du planning indexé ne saurait être regardé comme ayant directement concouru au retard global d'exécution des travaux ;

- subsidiairement, la gestion des plannings incombant à la société Guez Caraïbes, la maîtrise d'œuvre est fondée à l'appeler en garantie ;

- les demandes indemnitaires ne sont pas justifiées.

Par des mémoires en défense enregistrés le 27 juillet 2017, le 7 mai 2019 et le 14 octobre 2020, la société INGEROP, représentée par Me D... conclut dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, à sa mise hors de cause, à la condamnation de MM. J..., E..., L..., G..., Mme C..., la société Lucigny Talhouet et associés et le cabinet Arnoux à la garantir intégralement des condamnations dont elle serait l'objet et à la condamnation de Me F... à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est pas intervenue en qualité de maître d'œuvre sur le chantier litigieux dès lors qu'elle est une entité distincte de la société INGEROP SAS immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 552 029 506 avec laquelle a été signé le contrat de maîtrise d'œuvre ;

- elle n'a pas été mise en cause en première instance, la requête ayant mis en cause indistinctement le groupement de maîtrise d'œuvre ; n'étant pas partie à la procédure de première instance, elle ne peut être attraite devant la Cour ; la juridiction administrative est incompétente ;

- l'appelant ayant engagé une autre action à l'encontre du CHUM en réclamant l'indemnisation du même préjudice, sa requête est irrecevable ;

- les demandes de l'appelant seront rejetées dès lors qu'il résulte du rapport d'expertise que les retards sont imputables à la plupart des entreprises, y compris la société CMO ; elle s'associe aux moyens du mémoire des architectes, enregistré le 29 mai 2017 ;

- dans l'hypothèse d'une condamnation prononcée à son encontre, elle appelle en garantie MM. J..., E..., L..., G..., Mme C..., la société Lucigny Talhouet et associés et le cabinet Arnoux.

Par un mémoire enregistré le 17 août 2017, la société Guez Caraïbes représentée par Me M..., conclut à titre principal à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a écarté l'exception de prescription, à titre subsidiaire, à sa confirmation et en tout état de cause à la condamnation de l'appelant à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'action est prescrite ;

- à titre subsidiaire, elle n'est pas responsable des préjudices de l'appelant dès lors qu'il ne lui incombait pas de notifier les plannings ; elle a recalculé le planning en accord avec l'ensemble des entreprises ; l'appelant ne démontre pas que le retard du chantier lui serait imputable ; elle a mis en place des moyens importants tout au long de l'opération pour assurer sa mission alors que l'organisation du groupement de maîtrise d'œuvre était inadaptée.

Me F..., liquidateur de la société CMO a présenté un mémoire enregistré le 25 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier et l'ordonnance du 17 janvier 2013 par laquelle le président du Tribunal administratif de la Martinique a taxé les frais de l'expertise réalisée par M. I....

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me K... pour MM. J..., E..., L..., G..., Mme N...-C..., la SARL Lucigny Talhouet et Associés et le cabinet Arnoux.

Considérant ce qui suit :

1. Par actes d'engagement du 18 janvier 2003, le centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM) a confié à la société CMO l'exécution du lot n° 8 " Cloisons sèches " et du lot n° 9 " Menuiseries intérieures bois " du marché de construction de l'unité hospitalière de la femme, de la mère et de l'enfant. La maîtrise d'œuvre du marché était assurée par le groupement constitué du cabinet L..., E..., J..., de M. G..., de Mme N...-C..., des sociétés Lucigny Talhouet et associés (LTA) et Ingerop SAS, le bureau d'études, et du cabinet Arnoux Sarl, le cabinet G..., M. J..., M. L..., M. E... en étant le mandataire, la société Guez Caraïbes étant chargée de la mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination (OPC), et la SEMAFF exerçant une mission de maîtrise d'ouvrage déléguée. Me F..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société CMO, relève appel du jugement du 31 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa requête tendant à la condamnation solidaire de la société Guez Caraïbes et du groupement constitué du cabinet L..., E..., J..., de M. G..., Mme N...-C..., des sociétés Lucigny Talhouet et associés (LTA) et Ingerop SAS à lui verser la somme de 2 436 373,86 euros HT en réparation des préjudices résultant pour elle de l'allongement de la durée du chantier.

Sur la demande de mise hors de cause de la société Ingerop :

2. D'une part, si la société Ingerop soutient qu'elle n'est pas intervenue en qualité de maître d'œuvre sur le chantier litigieux dès lors qu'elle est une entité distincte de la société Ingerop SAS avec laquelle a été signé le contrat de maîtrise d'œuvre, elle doit être regardée comme venant aux droits de cette dernière.

3. D'autre part, la société Ingerop soutient que n'ayant pas été mise en cause en première instance, la requête ayant mis en cause indistinctement le groupement de maîtrise d'œuvre, elle ne peut être attraite devant la Cour qui est incompétente à son égard. Il ressort toutefois de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre signé le 14 novembre 2000 par la société Ingerop, qu'il présente en son article 2 les cocontractants, personnes physiques et morales comme " groupées solidaires " et désigne M. J... comme mandataire pour l'exécution du marché. Ce contrat renvoie en son article 3.3 " Modalités de rémunération " à l'annexe I pour " la part attribuée à chaque cotraitant ", laquelle, intitulée " missions et répartition des honoraires ", se borne à répartir les pourcentages des honoraires sans détail précis des tâches dévolues à chaque membre du groupement qui doit donc être regardé comme solidaire. Il en résulte que le mémoire en défense de première instance présenté au nom du groupement de maîtrise d'œuvre par le cabinet L...-E...-J... était réputé présenté au nom et pour le compte des membres du groupement solidaire.

Sur les conclusions indemnitaires de Me F..., liquidateur judiciaire de la société CMO :

4. Me F..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société CMO, demande, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, la condamnation solidaire du groupement de maîtrise d'œuvre et de la société Guez Caraïbes à l'indemniser de divers préjudices, pour un montant total de 2 436 373,86 euros, que la société estime avoir subis du fait de l'allongement de la durée du chantier. Il soutient que l'expert désigné par le tribunal a conclu que l'absence d'un nouveau planning contractuel était à l'origine de tous les problèmes rencontrés par le chantier et que la prolongation de la durée d'exécution de ce chantier est donc principalement imputable à la société Guez Caraïbes qui avait la charge de la mission OPC.

5. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction et n'est pas démontré par l'appelant que l'absence de notification d'un nouveau planning contractuel à la suite de la défaillance de la société ATP, titulaire du lot n° 1, serait à l'origine directe de la prolongation du chantier, alors que l'expert impute lui-même, en page 78 de son rapport, une large part du retard d'exécution des travaux de construction de la maison de la femme, de la mère et de l'enfant à la défaillance de certaines entreprises, à l'effondrement des talus et au cyclone Dean.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la requête, ni d'ordonner une expertise avant dire droit, que celle-ci ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions du groupement de maîtrise d'œuvre :

7. Il y a lieu, dès lors qu'aucune condamnation n'est prononcée à son encontre, de rejeter les conclusions d'appel en garantie du groupement intimé.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire application des dispositions susvisées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Me F..., liquidateur judiciaire de la société CMO est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me F..., liquidateur de la société Construction modulaire de l'ouest (CMO), au cabinet L..., E..., J..., à M. G..., à Mme N...-C..., à la société Lucigny Talhouet et associés (LTA), à la société Ingerop SAS, au cabinet Arnoux Sarl et à la société Guez Caraïbes.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., présidente de chambre,

- Mme H..., présidente assesseure,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juillet 2021.

La rapporteure,

M. H...La présidente,

M. B...

La greffière,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

No 17PA20996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA20996
Date de la décision : 21/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : ALEXANDRINE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-21;17pa20996 ?
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