Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sur la somme de 27 599 euros, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de procéder à un nouvel examen de sa demande de versement d'intérêts moratoires dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 1800570/1-1 du 16 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 décembre 2019, 26 mars 2020 et 2 avril 2020, M. B..., représenté par la SCP Nataf et Planchat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800570/1-1 du 16 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sur la somme de 27 599 euros ;
3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer dans un délai de trente jours sa demande de versement d'intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le remboursement de la somme obtenue après dégrèvement prononcé par l'administration dans une procédure contentieuse doit donner lieu au versement d'intérêts moratoires ;
- l'absence de versement d'intérêts moratoires aux contribuables ayant obtenu le dégrèvement d'une amende fiscale est contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mars 2020 et 13 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 août 2014, M. et Mme B... ont informé l'administration fiscale, dans le cadre de la circulaire dite " Cazeneuve " du 21 juin 2013, qu'ils détenaient un compte bancaire non déclaré au Luxembourg. Ils ont conclu avec l'administration une transaction le 20 juillet 2016 et ont versé le même jour les sommes dues, incluant 32 059 euros pour l'amende appliquée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2011 à 2013. Le 15 septembre 2017, l'administration a toutefois prononcé un dégrèvement de ces amendes à concurrence de 27 599 euros, dans le cadre d'une instance devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. M. B... fait appel du jugement du 16 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sur la somme de 27 599 euros correspondant au dégrèvement accordé le 15 septembre 2017.
2. D'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts : " Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret (...) ". Aux termes du IV de l'article 1736 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 € par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. / Si le total des soldes créditeurs du ou des comptes à l'étranger non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 € au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l'amende par compte non déclaré est égale à 5 % du solde créditeur de ce même compte (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...) ". Les intérêts moratoires, assis sur des impositions dégrevées, ont pour seul objet de tenir compte de la durée pendant laquelle le contribuable a été privé des sommes correspondantes et dont ils ne sont que l'accessoire.
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1736 du code général des impôts que le législateur a institué une sanction destinée à lutter contre la fraude fiscale en incitant les contribuables qu'elle vise à respecter leurs obligations déclaratives prévues par les dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts. Cette sanction, qui est régie par des dispositions particulières, ne peut ainsi être assimilée à un impôt au sens de l'article L. 208 précité du livre des procédures fiscales. Ainsi, et alors même que le dégrèvement obtenu est intervenu à la suite d'une procédure contentieuse, le requérant n'est pas fondé à réclamer le versement d'intérêts moratoires à la suite du dégrèvement de l'amende prononcée en application de ces dispositions.
5. Enfin, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens (...) ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.
6. L'application ou non des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales selon que l'intéressé fait l'objet d'un remboursement d'impôt ou d'un remboursement d'une amende n'ayant pas le caractère d'un impôt ne peut être regardée comme étant, en elle-même, à l'origine d'une discrimination prohibée. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il existerait, de ce fait, une différence de traitement à l'origine d'une discrimination prohibée par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. Par elle-même, la non-application des dispositions particulières de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales au remboursement de sommes n'ayant pas le caractère d'un impôt ne saurait être regardée comme méconnaissant les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle ne fait pas obstacle, s'agissant du remboursement de ces sommes, à l'octroi des intérêts moratoires de droit commun.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant au versement d'intérêts moratoires. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. C..., premier conseiller,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2021.
Le rapporteur,
A. C...Le président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA03919 2