Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Paris Store a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la restitution des cotisations de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos le 31 mars 2013 et le 31 mars 2014, à titre subsidiaire, la réduction de sa cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 132 660 euros, majorée des intérêts et de leur capitalisation, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.
Par un jugement n° 1706786/1-1 du 10 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 août 2019, la société Paris Store, représentée par Me A..., Me C... et Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1706786/1-1 du 10 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer, à titre principal, la restitution des cotisations de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos le 31 mars 2013 et le 31 mars 2014, à titre subsidiaire, la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 132 660 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa réclamation relative à l'exercice clos le 31 mars 2014 est recevable en application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle a fait l'objet d'une proposition de rectification en date du 15 décembre 2017 portant sur l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de cet exercice et que la contribution en cause doit être assimilée, pour l'application de cet article, à l'impôt sur les sociétés ;
- elle est fondée à demander la déduction de la charge comptable représentée par le paiement de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014 dès lors que cette contribution, qui méconnaît les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinées avec le premier protocole additionnel à cette convention, a été prélevée à tort ;
- la doctrine référencée BOI-IS-AUT-30 méconnaît les mêmes stipulations ;
- l'article 213 du code général des impôts est inconstitutionnel ;
- la faute commise par l'Etat engageant sa responsabilité, elle est fondée à demander la réparation du préjudice subi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions aux fins de restitution sont irrecevables dès lors que le délai spécial de réclamation prévu par l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales n'est pas applicable en l'espèce ;
- les moyens soulevés au soutien des conclusions aux fins de réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014 ne sont pas fondés ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont pas été précédées d'une demande indemnitaire préalable et qu'elles auraient dû faire l'objet d'une requête distincte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt C-365/16 du 17 mai 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Paris Store, qui exerce une activité d'achat, d'importation, d'exportation et de distribution de produits alimentaires, a demandé, par une réclamation préalable du 14 septembre 2016, la restitution des cotisations de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés acquittées au titre des exercices clos le 31 mars 2013, le 31 mars 2014 et le 31 mars 2015. La société Paris Store relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la restitution des cotisations de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos le 31 mars 2013 et le 31 mars 2014, à la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 132 660 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.
Sur les conclusions à fin de restitution de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014 :
2. Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / [...] b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement [...] / ". Aux termes de l'article R. 196-3 du même livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ".
3. Il est constant que la société Paris Store a procédé, le 9 décembre 2013, au versement de la cotisation de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés due au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014. Ainsi, sa réclamation en date du 14 septembre 2016, en tant qu'elle tendait à la restitution de cette cotisation, était tardive en application du b) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.
4. La société Paris Store fait valoir que sa demande de restitution de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014 pouvait bénéficier du délai spécial de réclamation prévu par les dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant donné lieu à des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés, et que la contribution en litige peut être selon elle assimilée, pour l'application de cette règle de procédure, à l'impôt sur les sociétés. Toutefois, la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, qui est prévue par des dispositions figurant au chapitre III " Taxes diverses " du titre premier de la première partie du code général des impôts, alors que l'impôt sur les sociétés relève du chapitre II de ce même titre, fait l'objet d'un régime juridique propre, caractérisé par un champ d'application particulier et une assiette limitée aux montants distribués au sens des articles 109 à 117 du code général des impôts. A cet égard, la société Paris Store ne peut utilement invoquer la décision de la Cour de justice de l'Union européenne C-365/16 du 17 mai 2017, qui a jugé que " l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive mères-filiales doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une mesure fiscale prévue par l'État membre d'une société mère [...] prévoyant la perception d'un impôt à l'occasion de la distribution des dividendes par la société mère et dont l'assiette est constituée par les montants des dividendes distribués, y compris ceux provenant des filiales non-résidentes de cette société " et qui ne saurait être regardée comme assimilant, au regard de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés à l'impôt sur les sociétés lui-même. Ainsi, la circonstance que l'administration fiscale a procédé à un rehaussement d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014 n'ouvrait pas à la société Paris Store le bénéfice du délai spécial de réclamation prévu par l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales s'agissant de la cotisation de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés due au titre du même exercice.
Sur les conclusions à fin de réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à la charge de la société Paris Store au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014 :
5. Aux termes de l'article 213 du code général des impôts alors en vigueur : " L'impôt sur les sociétés, la contribution sociale mentionnée à l'article 235 ter ZC, la contribution exceptionnelle mentionnée à l'article 235 ter ZAA, la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés sur les montants distribués mentionnée à l'article 235 ter ZCA et l'impôt sur le revenu ne sont pas admis dans les charges déductibles pour l'établissement de l'impôt. / Il en est de même, sans préjudice des impôts et taxes dont la déduction ne peut être admise en vertu du 4° du 1 de l'article 39, de la taxe visée à l'article 1010 ".
6. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.
7. La société Paris Store soutient que la charge liée au paiement de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés devait nécessairement être déduite de son bénéfice imposable dès lors que l'article 235 ter ZCA du code général des impôts méconnaît l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, l'impossibilité de déduire la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés est expressément prévue par l'article 213 du code général des impôts. Or, la société Paris Store n'établit pas l'inconventionnalité de cet article en se bornant à faire état de la décision du Conseil d'Etat du 29 mars 2017, Société Layher, n° 399506. En effet, la circonstance que le Conseil d'Etat a jugé, dans cet arrêt, que le 1° du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts crée une différence de traitement, qui ne repose pas sur des justifications objectives et raisonnables, entre les distributions selon qu'elles sont réalisées entre sociétés d'un même groupe qui relève ou non du régime de l'intégration fiscale prévu à l'article 223 A du code général des impôts, incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec l'article premier de son premier protocole additionnel, n'implique pas, par elle-même, l'inconventionnalité de l'article 213 du code général des impôts, en tant qu'il exclut la possibilité de déduire les charges correspondant au versement des cotisations de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés. Dès lors que la société Paris Store ne démontre pas l'inconventionnalité dont serait entaché l'article 213 du code général des impôts, la circonstance que la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés aurait été " prélevée illégalement " est sans incidence quant à son caractère déductible. Enfin, la société ne peut utilement se prévaloir de l'inconventionnalité de la doctrine référencée BOI-IS-AUT-30, en son paragraphe n° 370, qui n'a pas fondé l'imposition et qui, en tout état de cause, n'ajoute rien à la loi fiscale.
8. En second lieu, si la société Paris Store se prévaut de l'inconstitutionnalité de l'article 213 du code général des impôts, un tel moyen ne peut être utilement invoqué que dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité formée dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative. A défaut, il ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
9. La société Paris Store demande à la Cour de condamner l'Etat à lui verser une somme en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'inconstitutionnalité de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts. Toutefois, et ainsi que le fait valoir l'administration fiscale, ces conclusions indemnitaires n'ont pas été précédées d'une demande préalable, en méconnaissance de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Par suite, ces conclusions sont irrecevables et doivent être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Paris Store n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Paris Store est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Paris Store et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Segretain, premier conseiller,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juillet 2021.
Le rapporteur,
K. D...
Le président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02851 2