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20/07/2021 | FRANCE | N°19PA02774

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 20 juillet 2021, 19PA02774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Systemic a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales, ainsi que des majorations correspondantes, auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2008 et de rétablir son déficit reporté en arrière au titre de l'exercice clos en 2008 à un montant de 338 388 euros.

Par un jugement nos 1701030 et 1701036/1-3 du 5 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un

non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement, d'un montant de 5 640 euros, des ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Systemic a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales, ainsi que des majorations correspondantes, auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2008 et de rétablir son déficit reporté en arrière au titre de l'exercice clos en 2008 à un montant de 338 388 euros.

Par un jugement nos 1701030 et 1701036/1-3 du 5 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement, d'un montant de 5 640 euros, des majorations assortissant le rappel du remboursement de la créance née du déficit reporté en arrière au titre de l'exercice clos en 2008, a ramené les pénalités appliquées aux droits issus des rectifications effectuées selon la procédure de répression des abus de droit au taux de 40 %, et a rejeté le surplus des conclusions des demandes de la société Systemic.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 août 2019, le 11 février 2020, le 27 février 2020 et le 15 mai 2020, la société Systemic, représentée par le cabinet Avodia, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement nos 1701030 et 1701036/1-3 du 5 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires restant à sa charge, ainsi que des pénalités correspondantes, et de rétablir les créances nées des déficits reportés en arrière au titre des années 2008 et 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'administration fiscale n'a pas mentionné l'origine des informations selon lesquelles la société Systemic Lux SA avait encaissé un chèque de banque d'un montant de 6 224 240 euros, et que la société Systemic Lux SA avait cédé ses actions de la société IMC Solutions par des actes du 10 janvier 2008 et du 18 mars 2009, de sorte qu'elle a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- elle a également méconnu l'instruction du 21 septembre 2006, référencée 13 L-6-06 reprise sous la référence BOI-CF-PGR-30-10 ;

- l'avis du comité de l'abus de droit fiscal est irrégulier dès lors qu'il se fonde sur un nouveau motif, qui ne figure ni dans les propositions de rectification ni dans la réponse aux observations du contribuable, et qui n'a donc pas pu être débattu de manière contradictoire ;

- la charge de la preuve doit peser sur l'administration ;

- la cession du 19 décembre 2007 n'est pas fictive ;

- cette cession n'est pas davantage constitutive d'un abus de droit par fraude à la loi ;

- l'administration fiscale n'établit pas que la société Systemic Lux SA se serait interposée ou serait contrôlée par elle, ni que la société Systemic Lux SA aurait appréhendé la plus-value réalisée ;

- la société Systemic Lux SA a développé son activité au cours de l'exercice 2008 ;

- l'administration fiscale n'établit pas l'existence d'un montage artificiel ;

- l'administration fiscale ne précise pas le texte dont elle aurait recherché le bénéfice de l'application littérale à l'encontre des objectifs poursuivis par ses auteurs ;

- l'administration fiscale n'établit pas la réalité des cessions du 10 janvier 2008 et du 18 mars 2009 et méconnaît le principe du contradictoire en ne communiquant pas les actes de cession ;

- la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'est pas applicable, quand bien même les conditions de sa mise en œuvre seraient remplies, lorsque l'administration dispose du pouvoir de procéder à la rectification liée à un montage supposé selon la procédure de droit commun, notamment en cas d'acte anormal de gestion ;

- l'administration fiscale a implicitement considéré que la cession réalisée en 2007 constituait un acte anormal de gestion ;

- le comité consultatif pour la répression des abus de droit, dans un rapport publié par l'administration dans l'instruction référencée BOI 13 L-7-09, confirme que, dans une telle hypothèse, il appartient à l'administration fiscale de tirer les conséquences qu'impliquent ses constatations selon la procédure de rectification de droit commun ;

- les plus-values en cause ne pouvaient être imposées au titre des années 2008 et 2009 mais au titre de l'année 2007 ;

- l'administration fiscale n'est fondée à discuter le montant d'honoraires versés aux membres des professions réglementées qu'en l'absence de justifications suffisantes ou en cas de liens familiaux unissant les parties ;

- en l'espèce, elle a présenté les justifications lors du contrôle et l'administration n'a pas démontré l'existence de liens familiaux ni d'ailleurs d'autres liens de nature particulière entre l'avocat et les dirigeants de la SAS Systemic ;

- le complément de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés est contesté pour les mêmes motifs que le complément d'impôt sur les sociétés ;

- pour les raisons qui précèdent, elle était en droit de bénéficier du report en arrière du déficit ;

- les pénalités doivent être déchargées en conséquence de la décharge des droits qui lui ont été assignés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 novembre 2019, le 20 février 2020 et le 4 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Systemic, qui exerce une activité de commercialisation, d'audit et de mise en service d'infrastructures complexes de stockage, sauvegarde et archivage de données de l'entreprise, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2008 et 2009, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié des rectifications, d'une part, selon la procédure de répression des abus de droit, à raison de plus-values de cession regardées comme réalisées au titre des exercices clos en 2008 et 2009, d'autre part, selon la procédure de rectification contradictoire, à raison notamment de la réintégration à son résultat imposable au titre de l'année 2008 de charges regardées comme n'ayant pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. Par un jugement du 5 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement, d'un montant de 5 640 euros, des majorations assortissant le rappel du remboursement de la créance née du déficit reporté en arrière au titre de l'exercice clos en 2008, a ramené au taux de 40 % les pénalités appliquées aux droits issus des rectifications effectuées selon la procédure de répression des abus de droit et a rejeté le surplus des conclusions des demandes de la société Systemic tendant à la décharge des impositions supplémentaires qui lui ont été assignées. La société Systemic relève appel de l'article 3 de ce jugement.

Sur les rectifications effectuées selon la procédure de répression des abus de droit :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

3. L'obligation faite par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé. Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie.

4. La société Systemic soutient que l'administration fiscale n'aurait pas mentionné l'origine des informations, figurant dans les propositions de rectification, selon lesquelles la société Systemic Lux SA a encaissé un chèque de banque d'un montant de 6 224 240 euros le 8 janvier 2008, et la société Systemic Lux SA a cédé ses actions de la société IMC Solutions par des actes du 10 janvier 2008 et du 18 mars 2009. Toutefois, le service vérificateur a mentionné, dans les propositions de rectification du 21 décembre 2011 et du 25 avril 2012, que, " dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la société STS-Group [...] ont été obtenus les documents visés ci-dessous relatifs à la création de la société IMC Solutions et aux cessions d'actions de la société IMC Solutions ". La circonstance qu'il a ensuite mentionné que ces " documents figurent en annexe 1 à 4 de la présente proposition ", alors que les documents relatifs à l'encaissement d'un chèque de banque d'un montant de 6 224 240 euros et aux cessions du 10 janvier 2008 et du 18 mars 2009 ne figuraient pas en annexe de la proposition de rectification est à cet égard sans incidence. Par ailleurs, et en tout état de cause, la société Systemic, dont le président est aussi administrateur délégué de la société Systemic Lux SA, chargé de la gestion quotidienne et de la représentation de la société dans le cadre de cette gestion, ayant tous pouvoirs d'engager la société par sa seule signature dans ce cadre, et dont la signature est obligatoire dans tous les autres cas, était nécessairement informée de la teneur des informations en cause. Par suite, et alors que l'administration fiscale n'a pas méconnu le principe du contradictoire, le moyen doit être écarté.

5. En second lieu, la société Systemic n'est pas fondée à se prévaloir de l'instruction du 21 septembre 2006, référencée 13 L-6-06, reprise sous la référence BOI-CF-PGR-30-10, relative à la procédure d'imposition, et qui, en tout état de cause, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.

S'agissant de la régularité de l'avis du comité de l'abus de droit fiscal :

6. Le comité de l'abus de droit fiscal, saisi par la société Systemic, a estimé, par un avis du 4 avril 2014, que l'administration fiscale était fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, après avoir relevé que la cession, le 19 décembre 2007, des titres de la société IMC Solutions, participait d'un montage ayant permis à la société Systemic d'échapper à l'imposition sur les plus-values de cession. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale s'est conformée à cet avis.

7. Aux termes de l'article 1653 E du code général des impôts : " Lorsque le comité de l'abus de droit fiscal est saisi, le contribuable et l'administration sont invités par le président à présenter leurs observations ".

8. La société Systemic soutient que l'avis du comité de l'abus de droit fiscal du 4 avril 2014 serait irrégulier dès lors qu'il se fonderait sur un " nouveau " motif, tiré de ce que la société aurait mis en œuvre un montage artificiel, lequel motif ne figurait pas selon elle, ni dans les propositions de rectification du 21 décembre 2011 et du 25 avril 2012, ni dans la réponse aux observations du contribuable. Toutefois, l'analyse de l'administration, dans les propositions de rectification du 21 décembre 2011 et du 25 avril 2012, au soutien de laquelle elle a mentionné notamment l'absence d'activité effective de la société Systemic Lux SA, créée le 14 novembre 2007, la cession à cette société, à un prix anormalement bas, des titres détenus par la société Systemic dans la société IMC Solutions, et la communauté d'intérêts entre la société Systemic et la société Systemic Lux SA, a consisté à démontrer le caractère artificiel du montage mis en œuvre par la société Systemic. Le mémoire présenté, le 17 décembre 2013, par le directeur général des finances publiques devant le comité de l'abus de droit fiscal, produit dans la présente instance par la société Systemic, contient par ailleurs une argumentation similaire. Ainsi, et dès lors que les éléments sur lesquels s'est fondé le comité de l'abus de droit fiscal ont pu faire l'objet d'un débat contradictoire, la société requérante ne peut soutenir que l'avis de ce comité, qui a été rendu dans des conditions conformes aux dispositions de l'article 1653 E du code général des impôts, serait irrégulier.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

9. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. [...] le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation [...] ".

10. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification [...] ".

11. Il résulte des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales relatif à la procédure de répression des abus de droit que l'administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

S'agissant de la charge de la preuve :

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que l'avis du comité de l'abus de droit fiscal en date du 4 avril 2014 n'est pas entaché d'irrégularité. Il est dès lors opposable à la société Systemic, à laquelle il incombe, dès lors que l'administration s'est conformée à cet avis, d'établir le caractère exagéré des impositions en litige.

S'agissant de l'abus de droit en litige :

Quant à l'application de la loi fiscale :

13. La société Systemic, dont le capital est intégralement détenu par M. B... A..., son président, a signé un protocole d'accord le 21 mai 2007 avec la société Logon, dont le capital est détenu par les actionnaires fondateurs de la société STS-Group, et la société Inforca Sam, afin de créer une filiale commune, la société IMC Solutions, ayant pour objet l'exploitation des logiciels développés par la société STS-Group. Le capital de la société IMC Solutions, d'un montant de 630 000 euros, a été divisé en 630 000 actions d'une valeur nominale d'un euro et réparti entre les sociétés Logon, à hauteur de 315 000 actions, soit 50 % du capital, et Inforca SAM et Systemic, à hauteur de 157 500 actions chacune, soit 25 % du capital. En vertu d'un protocole d'accord conclu le 21 mai 2007 entre les actionnaires de la société IMC Solutions, puis modifié par deux avenants du 12 juillet et du 19 décembre 2007, consécutifs à l'acquisition des titres de la société Logon par la société STS-Group, la société Logon s'est engagée à acquérir, en trois fois, la totalité des parts détenues dans le capital de la société IMC Solutions par la société Systemic et la société Inforca ainsi que par toute société au sein desquelles les sociétés Inforca et Systemic auraient reclassé pour partie leurs participations respectives, la promesse pouvant être levée, pour un prix d'achat déterminé en fonction du résultat net de la société IMC Solutions, avant le 31 janvier 2008 pour 63 000 actions, entre le 1er juillet 2008 et le 31 janvier 2009 pour 44 100 actions, dans les quinze jours de l'arrêté des comptes 2009 pour 50 398 actions.

14. Le 14 novembre 2007, la société Systemic Lux SA a été créée par un acte notarié déposé au registre du commerce et des sociétés du Luxembourg par les sociétés Melodina Compagny Limited et Pendle Holdings Limited, situées aux Iles vierges britanniques. M. A... a été nommé administrateur délégué de la société Systemic Lux SA, chargé de la gestion quotidienne et de la représentation de la société dans le cadre de cette gestion, ayant tous pouvoirs pour engager la société par sa seule signature dans ce cadre, et dont la signature est obligatoire dans tous les autres cas. Par un acte sous seing privé du 19 décembre 2007, enregistré le 27 décembre 2007, la société Systemic a reclassé au sein de la société Systemic Lux SA les 149 622 actions de la société IMC Solutions sur les 157 497 lui appartenant pour un prix total de 149 622 euros, soit 1 euro par action. Par un acte sous seing privé du 10 janvier 2008, enregistré le 29 janvier 2008, la société Systemic Lux SA a cédé à la société STS-Group 62 999 actions de la société IMC Solutions pour un prix de 6 224 240 euros, soit 98,80 euros par action. Par un acte sous seing privé du 18 mars 2009, enregistré le 10 avril 2009, la société Systemic Lux SA a cédé à la société STS-Group 86 623 actions qu'elle détenait dans le capital de la société IMC Solutions, pour un prix total de 3 464 920 euros, soit 40 euros par action. Enfin, le solde des actions de la société IMC Solutions détenus par la société Systemic, soit 7 875 actions, a été cédé à la société STS-Group par un acte sous seing privé du 18 mars 2009, enregistré le 10 avril 2009, pour un prix de 315 000 euros, soit 40 euros par action.

15. L'administration fiscale a estimé que la cession, le 19 décembre 2007, des actions de la société IMC Solutions détenues par la société Systemic, au profit de la société Systemic Lux SA, n'avait pu été inspirée par un motif autre que celui d'éluder les charges fiscales qu'elle aurait normalement supportées. A cet égard, elle a notamment relevé que le projet de création de la société IMC Solutions datant du 24 janvier 2007 prévoyait un plan de rachat des actions de cette société détenues par les sociétés Systemic et Inforca Sam. Elle a également relevé que l'examen du bilan de la société Systemic Lux SA au 31 décembre 2007, déposé le 26 janvier 2009 au registre du commerce et des sociétés de Dierkirch au Luxembourg, révélait l'absence de toute activité, la société étant notamment dépourvue de compte clients et de compte fournisseurs, et son actif étant uniquement composé d'avoirs en banque pour un montant de 30 945,21 euros et d'une créance de 375 euros. Elle a par ailleurs précisé que le prix de cession d'un euro par titre, retenu lors de la vente des titres de la société IMC Solutions au profit de la société Systemic Lux SA, était très inférieur au prix d'exercice de la promesse d'achat consentie dans le protocole du 21 mai 2007. Elle a également constaté que l'administrateur délégué de la société Systemic Lux SA, créée le 24 janvier 2007, M. A..., était aussi président et actionnaire unique de la société Systemic, de sorte que ces deux sociétés, ainsi représentées, sur l'acte de cession du 19 décembre 2017, par la même personne, pouvaient être regardées comme présentant des liens d'intérêts. Enfin, elle a indiqué que la société Systemic Lux SA avait bénéficié, au Luxembourg, d'une exonération d'impôt sur les plus-values de cession réalisées, en application de la législation en vigueur dans cet Etat. De l'ensemble de ces circonstances, le service a déduit que la cession, le 19 décembre 2007, des actions de la société IMC Solutions détenues par la société Systemic, au profit de la société Systemic Lux SA, n'avait pas eu d'autre objet que de permettre d'éviter, grâce à l'interposition de la société Systemic Lux SA, toute taxation, entre les mains de la société Systemic, des plus-values réalisées à raison des cessions des actions de la société IMC Solutions, lesquelles cessions étaient prévues dès la création de cette société. En application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a donc écarté l'acte de cession du 19 décembre 2007 et a considéré que la société Systemic avait directement cédé à la société STS-Group les actions de la société IMC Solutions.

16. En premier lieu, si la société Systemic conteste la réalité et le montant des cessions réalisées par la société Systemic Lux au profit de la société STS-Group le 10 janvier 2008 et le 18 mars 2009, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations, alors que l'administration fiscale, qui a mentionné ces cessions dans les propositions de rectification du 21 décembre 2011 et du 25 avril 2012 et n'était nullement tenue de produire les actes de cession devant la Cour, a précisé que les informations relatives aux cessions d'actions de la société IMC Solutions avaient été obtenues dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société STS-Group. En se bornant à alléguer que l'administration fiscale n'établirait pas que la société Systemic Lux SA, qui selon elle, aurait développé son activité au cours de l'année 2008, se serait interposée ou serait contrôlée par la société Systemic, ni que cette dernière aurait appréhendé, de manière directe ou indirecte, la plus-value réalisée, alors que l'administration fiscale a relevé des liens d'intérêt entre ces deux sociétés, en se fondant notamment sur les fonctions dévolues à M. A..., à la fois président et actionnaire unique de la société Systemic, et administrateur délégué de la société Systemic Lux SA, la société requérante n'apporte pas d'éléments suffisants de nature à établir, ainsi qu'il lui incombe, que la cession à la société Systemic Lux SA, à un prix très inférieur à leur valeur réelle, des parts qu'elle détenait dans le capital de la société IMC Solutions - société qu'elle avait elle-même contribué à créer - avant leur cession à la société STS-Group, aurait été inspirée par un motif autre que celui d'éluder les charges fiscales qu'elle aurait normalement supportées, eu égard à sa situation et à ses activités réelles, si elle n'avait pas conclu cette cession intercalaire. Par suite, c'est à bon droit, en application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, que le service a écarté l'acte de cession du 19 décembre 2007 et a considéré que la société Systemic avait directement cédé à la société STS-Group les actions de la société IMC Solutions, réalisant ce faisant des plus-values imposables s'élevant à 6 121 240 euros au titre de l'exercice clos en 2008 et à 3 378 297 euros au titre de l'exercice clos en 2009.

17. En deuxième lieu, la société Systemic soutient que l'administration fiscale n'a pas précisé le texte dont elle aurait recherché le bénéfice de l'application littérale à l'encontre des objectifs poursuivis par ses auteurs. Toutefois, les circonstances relevées par l'administration, à savoir notamment l'absence d'activité effective de la société Systemic Lux SA au 31 décembre 2007, l'absence de tout intérêt économique de la cession par la société Systemic des titres de la société IMC Solutions à la société Systemic Lux SA, le prix anormalement bas de cette cession, très inférieur, d'une part, à la valeur des titres qui pouvait être déterminée selon les critères prévus depuis l'origine en vue d'une cession à la société Logon ou à la société STS-Group, d'autre part, au montant qui a été effectivement fixé lors des cessions ultérieures de 2008 et 2009, enfin la communauté d'intérêts entre la société Systemic et la société Systemic Lux SA, caractérisent un montage artificiel. Or, le caractère artificiel de ce montage emporte nécessairement respect du critère fixé par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, cité au point 10, de recherche d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs. Le moyen doit donc être écarté.

18. En troisième lieu, si la société Systemic soutient que la cession du 19 décembre 2017 n'est pas fictive, cette circonstance est sans incidence en l'espèce dès lors que l'administration fiscale s'est, pour caractériser l'abus de droit, fondée, ainsi qu'il a été dit précédemment, sur la circonstance que la cession n'avait pu être inspiré par un motif autre que celui d'éluder les charges fiscales qu'elle aurait normalement supportées. Par suite, le moyen doit être écarté.

19. En quatrième lieu, la société Systemic soutient que l'administration fiscale aurait entendu qualifier la cession du 19 décembre 2007 d'acte anormal de gestion, de sorte qu'elle ne pouvait, selon elle, mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit. Toutefois, la seule circonstance que l'acte de cession du 19 décembre 2007 présenterait également le caractère d'un acte anormal de gestion ne saurait priver l'administration fiscale du droit de mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit si les conditions d'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales sont réunies, dès lors que cette procédure ne peut être regardée comme présentant un caractère subsidiaire. Par ailleurs, l'administration fiscale n'a pas confondu les conditions d'application de la procédure de répression des abus de droit, qu'elle a expressément mise en œuvre, et celles de la rectification d'un acte anormal de gestion selon la procédure contradictoire, qu'elle n'a pas entendu appliquer en l'espèce. Par suite, le moyen doit être écarté.

20. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour [...] l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

21. Lorsque l'administration fiscale entend écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable et constitutifs d'un abus de droit, elle doit, pour établir l'impôt qui aurait été dû en l'absence de ces actes, se fonder non pas sur la date de l'acte qu'elle a écarté, mais sur celle de l'opération dont elle entend tirer les conséquences et qui constitue le fait générateur de l'imposition.

22. La société Systemic soutient que les plus-values en cause ne pouvaient être imposées au titre des années 2008 et 2009 mais au titre de l'année 2007. Toutefois, l'administration fiscale, qui avait à bon droit, en application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, écarté la cession intercalaire, au profit de la société Systemic Lux SA, des titres de la société IMC Solutions détenues par la société Systemic, intervenue le 19 décembre 2007, ne pouvait se fonder sur la date de l'acte qu'elle avait écarté, mais sur les dates auxquelles les cessions de ces titres par la société Systemic Lux SA sont intervenues, à savoir en 2008 et en 2009. C'est donc à bon droit que les plus-values constatées à l'occasion de ces cessions ont été imposées au titre des années 2008 et 2009. Le moyen tiré de ce que le droit de reprise de l'administration aurait été prescrit en application du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut donc être accueilli.

Quant à l'interprétation de la loi fiscale :

23. Le rapport du comité prévu à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales au titre de l'année 2008, publié dans l'instruction référencée BOI 13 L-7-09 du 24 juin 2009, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application. La société Systemic n'est donc pas fondée à s'en prévaloir.

24. Il résulte de ce qui précède que la société Systemic n'est pas fondée à contester les rectifications qui lui ont été notifiées selon la procédure de répression des abus de droit.

Sur les rectifications effectuées selon la procédure de rectification contradictoire :

25. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant [...] notamment : 1° Les frais généraux de toute nature [...] ".

26. Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

27. Il résulte de l'instruction que la société Systemic a comptabilisé, au titre de l'exercice clos en 2008, une charge exceptionnelle d'un montant de 330 000 euros correspondant à des honoraires d'avocat, facturés à raison de prestations de conseil effectuées dans le cadre d'une vérification de comptabilité de la société au titre des années 2002 et 2003. Alors que la société Systemic avait obtenu un dégrèvement s'élevant à 183 874 euros, le service vérificateur a estimé que la charge de 330 000 euros correspondant aux honoraires facturés à la société n'avait pas été engagée dans l'intérêt direct de l'exploitation. Il a ainsi envisagé, dans la proposition de rectification du 21 décembre 2011, de rehausser le résultat de la société Systemic à concurrence de la somme de 330 000 euros. A la suite de sa séance du 27 novembre 2012, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis l'avis de limiter ce rehaussement à la somme de 320 000 euros. L'administration fiscale fait valoir que la société Systemic a engagé une procédure devant le bâtonnier de l'Ordre des avocats à la Cour de Paris visant à obtenir le remboursement des honoraires payés au cabinet d'avocat et que, par une décision du 11 février 2014, le bâtonnier a fixé à 50 000 euros le montant des honoraires dus par la société à son avocat, celui-ci devant rembourser à la société la somme de 280 000 euros ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée correspondante et lui payer des intérêts au taux légal. A la suite de cette décision, le cabinet d'avocat en cause a transmis à la société Systemic le 14 février 2014 une note d'avoir sur honoraires, portant restitution d'un montant hors taxe de 280 000 euros. Dans ces conditions, l'interlocutrice de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France a limité le montant du rehaussement à la somme de 280 000 euros.

28. Si la société Systemic soutient que l'administration fiscale ne serait fondée à discuter le montant des honoraires versés aux professions réglementaires qu'en l'absence de justification suffisante ou lorsque les honoraires ont été déterminés entre deux parties unies par des liens familiaux, il est établi, et n'est au demeurant pas contesté, que la charge en cause a été admise à concurrence du montant fixé par le bâtonnier de l'Ordre des avocats à la Cour d'appel de Paris à 50 000 euros et que la part excessive des honoraires qui ont été réglés au cabinet d'avocat, d'un montant de 280 000 euros, n'était pas due et doit lui être remboursée. C'est dès lors à bon droit que l'administration fiscale a réintégré la somme de 280 000 euros dans les résultats de la société Systemic au titre de l'exercice clos en 2008.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la société Systemic n'est pas fondée à contester le bien-fondé des rehaussements de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008 et 2009. Elle n'est pas davantage fondée à contester, par voie de conséquence, les rectifications notifiées en matière de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et celles ayant conduit à la remise en cause du report en arrière de son déficit.

Sur les pénalités :

30. Les rehaussements en litige étant fondés, la société Systemic n'est pas fondée à soutenir qu'elle devrait être déchargée des pénalités en conséquence d'une décharge des droits qui lui ont été assignés.

31. Il résulte de tout ce qui précède que la société Systemic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a, par l'article 3 de son jugement, rejeté le surplus de ses demandes.

Sur les frais liés à l'instance :

32. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société Systemic présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Systemic est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Systemic et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. C..., premier conseiller,

Rendu public par mise au disposition au greffe, le 20 juillet 2021.

Le rapporteur,

K. C...

Le président,

C. JARDINLa greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02774 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02774
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SELARL AVODIA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-20;19pa02774 ?
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