Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au Tribunal administratif E... d'annuler les arrêtés du 29 mai 2020 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une décision portant interdiction de retour d'une durée de trente-six mois, et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2007671/6-1 du 21 septembre 2020, le Tribunal administratif E... a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, annulé les arrêtés du 29 mai 2020, enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007671/6-1 du 21 septembre 2020 du Tribunal administratif E... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce même tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif E... a jugé que l'arrêté contesté était entaché d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2021, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de police n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire E... du 26 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né le 5 mai 2002, est entré en France en août 2018, selon ses déclarations. A la suite d'un contrôle d'identité le 28 mai 2020, il a été placé en garde-à-vue. Par deux arrêtés du 29 mai 2020, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trente-six mois. Le Tribunal administratif E... a annulé ces arrêtés par un jugement du 21 septembre 2020, dont le préfet de police relève appel.
2. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire d'un document de séjour. Aux termes du l'article L. 511-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu en France sur le territoire français au-delà de la durée de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) / 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ". L'article L. 511-4 de ce code prévoit que l'étranger mineur de 18 ans ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
3. D'autre part, en vertu des dispositions de l'article R. 311-1 de ce code, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans est tenu de se présenter, à Paris, en préfecture pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. Aux termes de l'article R. 311-2 : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : / 1° Soit, au plus tard, avant l'expiration de l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, si l'étranger peut obtenir de plein droit un titre de séjour en application soit de l'article L. 313-7-2, soit des 1°, 2°, 2° bis ou 10° de l'article L. 31311, soit de l'article L. 313-13, soit de l'article L. 313-21, soit de l'article L. 31324, soit des 8° ou 9° de l'article L. 314-11, soit de l'article L. 314-12 ; / 2° Soit au plus tard deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire, si l'étranger ne peut obtenir de plein droit un titre de séjour dans les conditions prévues au 1° ci-dessus ; (...) ".
4. Pour annuler les arrêtés du préfet de police du 29 mai 2020, le premier juge a estimé qu'étant devenu majeur le 5 mai 2020, M. B... disposait de deux mois après la date anniversaire de ses 18 ans pour solliciter un titre de séjour et qu'ainsi, le préfet de police ne pouvait, sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prendre à son encontre une mesure d'éloignement. Cette solution doit être confirmée par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge. Toutefois, compte tenu de son argumentation d'appel, le préfet de police doit être regardé comme sollicitant à la substitution à ce fondement légal de celui tiré des dispositions précitées du 7° du I de ce même article.
5. A supposer que cette demande de substitution de base légale ne prive le justiciable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi, il ressort des pièces du dossier que les faits d'agression sexuelle et de violences sur mineur dont se prévaut le préfet de police ont, postérieurement à l'édiction de l'arrêté contesté, fait l'objet d'une décision de relaxe en date du 8 avril 2021, prononcée par le Tribunal pour enfants E.... En outre, si le préfet de police soutient également que lors du contrôle de son identité le 28 mai 2020, M. B... a commis des faits constitutifs de rébellion et de violences volontaires sur personne chargée d'une mission de service public, la gravité de ces faits n'est pas suffisamment établie par les procès-verbaux produits au dossier, et il n'est pas soutenu par le préfet qu'ils aient donné lieu à une condamnation pénale. Par suite, la menace pour l'ordre public que constituerait la présence en France de M. B..., décrit comme " un jeune homme attachant, très respectueux et très impliqué dans ses démarches d'insertion " par l'assistante sociale qui le suit depuis le 24 juin 2019, n'est pas suffisamment établie pour justifier la confirmation de la mesure d'éloignement sur le fondement invoqué par le préfet de police en appel.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif E... a annulé les arrêtés en litige. Il y a lieu, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de condamner l'Etat qui est, dans présente instance, la partie perdante, à verser à Me A..., avocate de M. B..., une somme de 1 000 euros sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me A..., avocate de M. B..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... B..., à Me A... et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2021.
Le rapporteur,
J.E. D...Le président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03009