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08/07/2021 | FRANCE | N°21PA01140

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 08 juillet 2021, 21PA01140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a transférée aux autorités suédoises, responsables de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou à défaut de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 2100339 du 28 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du

24 décembre 2020.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a transférée aux autorités suédoises, responsables de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou à défaut de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 2100339 du 28 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 24 décembre 2020.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2021, le préfet du Val-de-Marne représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100339 du 28 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020 présentée par Mme C....

Le préfet du Val-de-Marne soutient que l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 n'a pas été méconnu.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 avril et 17 juin 2021, Mme C..., représentée par Me A..., conclut :

1°) à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

2°) au non-lieu à statuer ou, à défaut, au rejet de la requête présentée par le préfet du Val-de-Marne ;

3°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- le litige a perdu son objet dans la mesure où le préfet de police lui a délivré une attestation de demandeur d'asile en procédure normale ;

- le préfet du Val-de-Marne reprend en appel ses moyens de défense de première instance ;

- la seule signature d'un demandeur d'asile sur les brochures et le compte-rendu d'entretien ne vaut pas reconnaissance par l'intéressé qu'il a pu lire et comprendre les informations contenues dans ces documents.

Mme C... a produit un fichier audio qui a été enregistré le 22 juin 2021, soit postérieurement à la clôture automatique d'instruction intervenue le dimanche 20 juin à 24 heures.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris en date du 21 avril 2021, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- et les observations de Me A..., représentant Mme C....

Une note en délibéré a été enregistrée le 28 juin 2021 pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante chinoise d'origine tibétaine, née le 3 février 1996, a déposé le 2 décembre 2020, une demande de protection internationale au guichet unique des demandeurs d'asile. À l'issue de la procédure de détermination de l'État membre responsable de cette demande d'asile, le préfet du Val-de-Marne a prononcé le transfert de Mme C... aux autorités suédoises par un arrêté du 24 décembre 2020. Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 2100339 du 28 janvier 2021 le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté. Le préfet du Val-de-Marne fait appel de ce jugement.

Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Mme C... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 21 avril 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris, ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

3. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation et d'injonction, prend une mesure d'exécution qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement, cette mesure d'exécution ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement.

4. Pour assurer l'exécution du jugement du 28 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun, le préfet du Val-de-Marne a délivré à Mme C... un récépissé constatant la reconnaissance d'une protection internationale le 18 mars 2021. Dès lors, cette mesure d'exécution ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par Mme C... ne peut être accueillie.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. D'une part, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 / (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: (...) b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

7. La requérante soutient que la durée de seulement 11 minutes de son entretien individuel du 2 décembre 2020 mené par un agent de la préfecture du Val-de-Marne, par le truchement d'une prestation téléphonique d'interprétariat en langue tibétaine, ne lui a pas permis de comprendre les informations sur la procédure de transfert qui devaient lui être délivrées en application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Elle fait valoir à cet égard que l'interprète de langue tibétaine n'a pu, compte tenu de la durée de l'entretien lui traduire intégralement le contenu des brochures d'information A et B, mentionnées à l'article 4 du règlement précité, lesquelles étaient rédigées en langue française. Elle ajoute que, si elle a apposé sa signature en dessous de la mention manuscrite " De la p. 1 à p. 15 brochure remise en français intégralement lue et traduite par l'interprète en langue tibétaine " sur la première page de la brochure A ainsi qu'en dessous de la mention manuscrite " De la p. 1 à p. 13 brochure remise en Français intégralement lue et traduite par l'interprète en langue tibétaine " sur la première page de la brochure B, elle n'a pas compris ces mentions manuscrites ajoutées par un agent de la préfecture. En outre, elle n'a pas coché les trois rubriques mentionnées sur la deuxième page du résumé de l'entretien individuel -dont celle faisant état de ce que l'information sur les règlements communautaires lui avait été remise- même si elle a apposé sa signature sur le compte rendu d'entretien du 2 décembre 2020. Le préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas répliqué aux mémoires en défense produits par l'intimée, ne conteste pas que la durée de seulement 11 minutes de l'entretien individuel n'a pas permis à l'interprète de traduire intégralement les brochures A et B et donc de communiquer à Mme C... les informations qu'elles contiennent conformément à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013. Dès lors, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, le préfet du Val-de-Marne n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun, a annulé l'arrêté du 24 décembre 2020 au motif que le préfet du Val-de-Marne aurait méconnu le droit à l'information de Mme C....

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par le préfet du Val-de-Marne est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E... C....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme B..., premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juillet 2021.

Le rapporteur,

I. B...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°21PA01140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01140
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : ABSIL CARMINATI TRAN TERMEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-08;21pa01140 ?
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