Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Socotec Calédonie a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge des impositions à la contribution calédonienne de solidarité à laquelle elle a été assujettie à raison des distributions effectuées en 2015, 2016, 2017 et 2018 au profit de la SAS Socotec Dom-Tom pour un montant global de 12 379 527 francs CFP.
Par un jugement n° 1900348 du 12 décembre 2019, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé la décharge sollicitée.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête enregistrée le 11 février 2020 sous le n° 20PA00491, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la Selarl de Greslan-Lentignac, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 décembre 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SAS Socotec Calédonie devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de cette société la somme de 500 000 francs CFP sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la réclamation contentieuse, en ce qu'elle portait sur la contribution calédonienne de solidarité à laquelle la SAS Socotec Calédonie a été assujettie au titre de l'année 2015, était tardive et, par suite, irrecevable ; dès lors, sa demande devant le tribunal était irrecevable en ce qu'elle portait sur l'année 2015 ;
- la contribution calédonienne de solidarité n'entre pas dans le champ d'application de la convention fiscale calédonienne ;
- elle ne peut être concernée par les règles de plafonnement prévues par cette convention ;
- il est possible de déroger à la convention fiscale franco-calédonienne ;
- il résulte des travaux préparatoires à la loi instituant la contribution calédonienne de solidarité que tel était effectivement l'intention du législateur néo-calédonien.
La requête a été communiquée à la SAS Socotec Calédonie qui n'a pas produit de mémoire en défense malgré une mise en demeure du 2 juin 2020.
Par une ordonnance du 31 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juin 2021.
II - Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 décembre 2020 et 7 février 2021, sous le n° 20PA04132, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la Selarl de Greslan-Lentignac, demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15, R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1900348 du 12 décembre 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en ce qu'il se prononce sur l'année 2015 et de mettre à la charge de la SAS Socotec Calédonie la somme de 150 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est recevable ;
- les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande présentée par la SAS Socotec Calédonie ;
- le risque auquel il est exposé de perdre une somme d'argent qui ne devrait pas rester à sa charge compte tenu de l'irrecevabilité de la demande de décharge au titre de l'année 2015 justifie que la Cour ordonne le sursis à exécution du jugement sur le fondement de l'article R. 811-16 du code de justice administrative ;
- les moyens qu'il invoque sont suffisamment sérieux pour que la Cour ordonne le sursis à exécution du jugement sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 janvier 2021, la SAS Socotec Calédonie, représentée par Me Laurence Pedamon et Me Jean-Pierre Lieb, ne s'oppose pas à ce que la Cour accueille la requête à fin de sursis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et demande à la Cour de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas sollicité l'exécution du jugement du 12 décembre 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et n'a donc pas obtenu le remboursement de la contribution calédonienne de solidarité ;
- elle ne s'oppose pas à la requête à fin de sursis à exécution alors même que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pouvait la présenter en même temps que la requête n° 20PA00491 ;
- les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont pas justifiées.
Par une ordonnance du 25 janvier 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu la décision du Conseil d'Etat n°s 433915, 433916, 433917, 442217, 442221 du 5 mai 2021.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 et la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de Nouvelle-Calédonie et dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, signée à Nouméa le 31 mars 1983 et à Paris le 5 mai 1983 ;
- la loi du pays n° 2014-20 du 31 décembre 2014 ;
- le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Socotec Calédonie a été assujettie à la contribution calédonienne de solidarité à raison des dividendes qu'elle a distribués de 2015 à 2018 au profit de la société Socotec Dom-Tom. Par le jugement susvisé du 12 décembre 2019, dont le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie relève appel par la première requête susvisée et demande le sursis à exécution partiel par la seconde, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a déchargé la SAS Socotec Calédonie de ces impositions.
2. Les requêtes n°s 20PA00491 et 20PA04132 présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 20PA00491 :
Sur la fin de non-recevoir opposée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie :
3. Aux termes de l'article 1106 du code des impôts : " Pour être recevables, les réclamations doivent être adressées au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) ; / b. du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c. de la réalisation de l'événement que motive la réclamation ". Seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ du délai prévu au c. de cet article les événements de nature à exercer une influence sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul.
4. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soutient que la réclamation contentieuse présentée par la SAS Socotec Calédonie, en ce qu'elle portait sur la contribution calédonienne de solidarité à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015, est tardive et, par suite, irrecevable ainsi que, dans cette mesure la demande qu'elle a présentée devant le tribunal.
5. Le jugement n° 1600361 du 30 mars 2017 SA Compagnie Financière de la Bred, qui statue sur la demande d'un autre contribuable, et qui déclare mal fondée la contribution calédonienne de solidarité mise à la charge de ce contribuable au regard de la convention franco-calédonienne, ne constitue pas un événement au sens des dispositions susrappelées de l'article 1106 du code des impôts, de nature à rouvrir le délai de réclamation au bénéfice de la SAS Socotec Calédonie. Dans ces conditions, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que la réclamation contentieuse présentée par la SAS Socotec Calédonie n'était pas tardive. Par suite, la demande présentée par cette société devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie était, en ce qu'elle portait sur la contribution calédonienne de solidarité à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'année 2015, irrecevable.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
6. L'article 2 de la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, signée à Nouméa le 31 mars 1983 et à Paris le 5 mai 1983, approuvée par la loi du 26 juillet 1983, stipule que : " 1. La présente convention s'applique aux impôts sur le revenu et aux droits d'enregistrement perçus pour le compte d'un territoire quel que soit le système de perception. 2. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont : / (...) ; / b) En ce qui concerne le territoire de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances : / i) l'impôt sur le revenu ; / ii) l'impôt sur les sociétés ; / iii) l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux des entreprises dont les activités relèvent de la métallurgie et des minerais ; / iv) l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux des entreprises productrices et exportatrices de minerai de nickel ; / v) l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières ; / vi) l'impôt sur le revenu des créances, dépôts et cautionnements ; / vii) les droits d'enregistrement et la taxe hypothécaire. / 3. La convention s'applique aussi aux impôts de nature identique ou analogue à ceux qui sont visés au paragraphe 4 [lire " paragraphe 2 "] qui seraient établis après la date de signature de la Convention et qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. / (...) ". Aux termes du 2 de l'article 9 de cette même convention fiscale : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un territoire à un résident de l'autre territoire sont imposables dans cet autre territoire. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans le territoire dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de ce territoire, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a) 5 p. cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société (autre qu'une société de personnes) ; / (...) ".
7. L'article 12 de la " loi du pays " du 31 décembre 2014 instituant une contribution calédonienne de solidarité, dans sa rédaction issue de la " loi du pays " du 31 décembre 2015 portant diverses dispositions d'ordre fiscal, dispose que : " Les personnes physiques et morales relevant de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières prévu aux articles 528 et suivants du code des impôts sont assujetties à une contribution sur les produits des valeurs mobilières ". Aux termes de l'article 13 de la même " loi du pays " : " Les produits de valeurs mobilières mentionnés à l'article 12 s'entendent des produits des valeurs mobilières définis aux articles 529 et 550 à Lp. 553 bis du code des impôts ". Aux termes de son article 14 : " La contribution sur les produits de valeurs mobilières est assise sur le montant retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. / Les produits de valeurs mobilières exonérés de l'impôt sur le revenu de valeurs mobilières en application des dispositions de l'article Lp. 536 du code des impôts ne sont pas soumis à la contribution ". Aux termes de son article 15 : " La contribution portant sur les produits de valeurs mobilières est établie, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Elle est notamment liquidée sur la déclaration prévue à l'article Lp. 544 du code des impôts et avancée par les sociétés distributrices des produits de valeurs mobilières ". Aux termes enfin de son article 24 : " Le montant des contributions mentionnées aux articles 1er à 23 est déterminé en appliquant aux assiettes définies aux articles 2, 4, 10, 14, 18 et 22 un taux de référence fixé par délibération du congrès ".
8. Il résulte des dispositions, citées au point 7, des articles 13 et 14 de la " loi du pays " du 31 décembre 2014 que la contribution calédonienne de solidarité sur les produits des valeurs mobilières, qui constitue une imposition autonome et distincte des quatre autres contributions instaurées par cette " loi du pays ", a la même assiette que l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Elle présente, par suite, un caractère analogue à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Par ailleurs, aucune disposition de la " loi du pays " du 31 décembre 2014 n'exclut la contribution calédonienne de solidarité sur les produits des valeurs mobilières du champ d'application du mécanisme de plafonnement fixé par le a) du paragraphe 2 de l'article 9 de la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances des 31 mars et 5 mai 1983. Il s'ensuit qu'en adoptant les dispositions de cette " loi du pays ", le législateur de pays n'a, en tout état de cause, pas dérogé à la convention fiscale. Dès lors, la " loi du pays " du 31 décembre 2014 n'avait ni pour objet ni pour effet d'exclure la contribution calédonienne de solidarité du mécanisme de plafonnement prévu à l'article 9 de la convention fiscale.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a déchargé la SAS Socotec Calédonie de la contribution calédonienne de solidarité à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler le jugement sur ce point et de rejeter le surplus de la requête du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Socotec Calédonie la somme que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 20PA04132 :
10. La Cour se prononçant, par le présent arrêt sur la requête n° 20PA00491 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'annulation du jugement n° 1900348 du 12 décembre 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA04132 par laquelle le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sollicite de la Cour le sursis à exécution de ce jugement en ce qu'il porte sur l'année 2015. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, dans cette instance, tant par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie que par la SAS Socotec Calédonie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA04132.
Article 2 : Le jugement n° 1900348 du 12 décembre 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie est annulé en tant qu'il a prononcé la décharge de la contribution calédonienne de solidarité à laquelle la SAS Socotec Calédonie a été assujettie en 2015.
Article 3 : La demande présentée par la SAS Socotec Calédonie devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie au titre de la contribution calédonienne de solidarité à laquelle elle a été assujettie en 2015 est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions des deux requêtes susvisées du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et les conclusions présentées en appel par la SAS Socotec Calédonie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la SAS Socotec Calédonie.
Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2021.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 20PA00491, 20PA04132