La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2021 | FRANCE | N°20PA01820

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 06 juillet 2021, 20PA01820


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile, et d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de sé

jour, ou à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation, dans l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile, et d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, ou à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de dix jours à compter de la notification du jugement, sous la même astreinte, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2008589/8 du 3 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis M. C... D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2020, M. C... D..., représenté par Me A... B..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2008589/8 du 3 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 juin 2020 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en cas d'admission définitive à l'aide juridictionnelle, ou à lui-même, en cas de rejet définitif de sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 26 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison du risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi en Somalie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... D... ne sont pas fondés.

Par un courrier du 16 avril 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2020 étaient devenues sans objet compte tenu de l'expiration du délai de six mois.

Par un mémoire enregistré le 22 avril 2021, le préfet de police maintient ses conclusions et soutient que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. C... D... ne sont pas devenues sans objet, l'intéressé ayant exécuté de sa propre initiative l'arrêté contesté.

M. C... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 23 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant somalien né le 15 mars 1991, est entré irrégulièrement en France et a sollicité le 2 mars 2020 au guichet unique de la préfecture de police son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Eurodac " ayant révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités allemandes le 5 juin 2015, le préfet de police a adressé aux autorités allemandes, le 3 mars 2020, une demande de reprise en charge de M. C... D... en application des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, que les autorités allemandes ont acceptée le 9 mars 2020. Par un arrêté du 10 juin 2020, le préfet de police a décidé le transfert de M. C... D... aux autorités allemandes. Par un jugement du 3 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis M. C... D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, et a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. C... D... relève appel de l'article 2 de ce jugement.

Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. C... D... ayant été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 23 juillet 2020, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire, qui sont devenues sans objet.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 [...] ".

4. Il ne ressort pas du compte rendu de l'entretien individuel daté du 2 novembre 2020, qui s'est déroulé par l'intermédiaire d'un interprète en somali, que M. C... D..., comprenne une autre langue que celle-ci. Or, si la copie de la brochure dite " A " produite par le préfet de police (" J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ") comporte une mention selon laquelle elle a été remise à M. C... D... en somali, il n'est pas contesté par le préfet de police, tant en première instance qu'en appel, que cette brochure a été remise à M. C... D... en anglais, ainsi qu'en atteste la première page de cette brochure, produite par le préfet de police. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le contenu de la brochure " A " aurait fait l'objet d'une traduction par un interprète. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette brochure aurait été traduite à M. C... D... au cours de son entretien. La seule circonstance que le requérant a apposé sa signature sur les brochures qui lui ont été remises, de même qu'au bas du compte-rendu de l'entretien individuel, lequel indique que l'information sur les règlements communautaires lui a été transmise, n'est pas de nature, à elle seule, à établir qu'il aurait été mis à même de comprendre le contenu de la brochure " A ". Dans ces conditions, M. C... D... ne peut être regardé comme ayant reçu les informations prévues par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle est comprise de lui. Par suite, la décision de transfert est intervenue sans qu'il ait bénéficié des droits et garanties prévues en pareil cas.

5. Il résulte de ce qui précède que M. C... D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2020 du préfet de police.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Eu égard au motif qui la fonde, l'exécution de l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que, sous réserve que l'intéressé soit présent sur le territoire français, le préfet de police réexamine la situation de M. C... D... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. C... D..., Me A... B..., d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me A... B... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... D... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 2008589/8 du 3 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 10 juin 2020 du préfet de police sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police, sous réserve que l'intéressé soit présent sur le territoire français, de réexaminer la situation de M. C... D... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera au conseil de M. C... D..., Me A... B..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... D..., à Me A... B..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

K. E...La présidente,

P. HAMON

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01820 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01820
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : EL BOREI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-06;20pa01820 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award