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06/07/2021 | FRANCE | N°20PA01400

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 06 juillet 2021, 20PA01400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... B... a demandé au Tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 23 et du 30 mars 2020, par lesquels le préfet du Nord l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'autre part, a décidé son maintien en rétention administrative.

Par un jugement nos 2003028, 2003132 du 25 mai 2020, le Tribunal administratif de Melu

n, auquel les dossiers avaient été transmis par des ordonnances du président de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... B... a demandé au Tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 23 et du 30 mars 2020, par lesquels le préfet du Nord l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'autre part, a décidé son maintien en rétention administrative.

Par un jugement nos 2003028, 2003132 du 25 mai 2020, le Tribunal administratif de Melun, auquel les dossiers avaient été transmis par des ordonnances du président de la première chambre du Tribunal administratif de Lille du 8 avril 2020 et du président de la sixième chambre du Tribunal administratif de Lille du 14 avril 2020, a annulé les décisions attaquées, a enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2020, le préfet du Nord, représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2003028, 2003132 du 25 mai 2020 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. B... devant le Tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le seul effet associé à une demande d'asile est désormais l'orientation du demandeur d'asile, voire l'obligation d'enregistrer cette demande sous trois jours ;

- M. B... ne s'est pas présenté aux services de police en vue de demander l'asile puisqu'il a été interpellé à la suite de sa levée d'écrou ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.

La requête du préfet du Nord a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant libyen né le 14 octobre 1994, serait entré en France le 5 décembre 2019 selon ses déclarations. Il a été écroué le 11 janvier 2020 pour des faits de soustraction en réunion à une rétention administrative pour lesquels il a été condamné à une peine de quatre mois d'emprisonnement. A la suite de sa levée d'écrou le 23 mars 2020, M. B... a été interpellé par les services de police. Par un arrêté du même jour, le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et l'a placé en rétention administrative. Par un arrêté du 30 mars 2020, le préfet du Nord a décidé de maintenir M. B... en rétention. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 25 mai 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé les décisions du 23 mars 2020 par lesquelles le préfet du Nord a obligé M. B... à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que la décision du 30 mars 2020 portant maintien en rétention, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, [...], ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / [...] Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. [...] / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 [...] ". Aux termes de l'article L. 741-2 de ce code : " Lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France, l'étranger introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. L'autorité administrative compétente informe immédiatement l'office de l'enregistrement de la demande et de la remise de l'attestation de demande d'asile. / L'office ne peut être saisi d'une demande d'asile que si celle-ci a été préalablement enregistrée par l'autorité administrative compétente et si l'attestation de demande d'asile a été remise à l'intéressé ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Enfin, l'article L. 743-4 du même code dispose que : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 743-2, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de l'office, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet, d'irrecevabilité ou de clôture, ou, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision de rejet, avant la notification de la décision de la cour ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police ". Aux termes de l'article R. 741-2 de ce code : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, la personne est orientée vers l'autorité compétente. Il en est de même lorsque l'étranger a introduit directement sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sans que sa demande ait été préalablement enregistrée par le préfet compétent. Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile. [...] ".

4. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de celles des articles L. 741-2, L. 742-1 et L. 743-1 du même code, que lorsqu'un étranger, présent sur le territoire français, formule une demande d'asile, notamment à l'occasion d'une interpellation, l'autorité de police a l'obligation de transmettre cette demande au préfet qui, hormis les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 du même code, qui ne sont pas ceux de l'espèce, est tenu de l'enregistrer et de remettre à l'étranger une attestation de demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour. Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France bénéficie, sauf dans les cas visés à l'article L. 743-2, du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, de celle de la Cour nationale du droit d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français du 23 mars 2020 du préfet du Nord a été notifiée à M. B... le même jour entre 16 heures 30 et 16 heures 40. Or, lors de son audition par les services de police, le même jour, à douze heures dix, M. B... a déclaré avoir quitté son pays à cause de la guerre et indiqué qu'il souhaitait rester en France et demander l'asile. Ce faisant, M. B... doit être regardé comme ayant formulé une demande d'asile, laquelle a été effectuée " en personne ", conformément aux dispositions des articles L. 741-1 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le préfet du Nord fait valoir que l'enregistrement de la demande d'asile pouvait avoir lieu dans un délai de trois jours ouvrés après la présentation de la demande de M. B..., et qu'il avait pour seul obligation de l'orienter vers l'autorité compétente, il résulte des dispositions précitées que l'intéressé bénéficiait, dès lors qu'il avait présenté une demande d'asile, du droit de se maintenir en France jusqu'à l'examen de cette demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, de celle de la Cour nationale du droit d'asile, la circonstance qu'il a présenté sa demande d'asile à la suite de son interpellation par les services de police ne faisant pas obstacle à ce droit de se maintenir en France, dans l'attente de l'examen de cette demande. Ainsi, s'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. B... a été transmise à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le préfet du Nord ne pouvait légalement prononcer une mesure d'éloignement à son encontre avant qu'il ne soit statué sur cette demande.

6. Dans ces conditions, le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a accueilli, en se fondant sur les dispositions précitées, le moyen tiré de ce que M. B... devait être regardé comme ayant sollicité l'asile avant que ne soit prononcée une obligation de quitter le territoire français à son encontre, et a en conséquence annulé cette obligation de quitter le territoire français et les décisions le privant d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans, ainsi que, par voie de conséquence, la décision du 30 mars 2020 le maintenant en rétention administrative. Il n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... E... B....

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

K. D...La présidente,

P. HAMON

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01400 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01400
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-06;20pa01400 ?
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