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06/07/2021 | FRANCE | N°20PA00112

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 06 juillet 2021, 20PA00112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et Mme F... E... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1804988/2-3 du 28 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2020, M. et Mme E..., représenté

s par Me A... et Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804988/2-3 du 28...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et Mme F... E... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1804988/2-3 du 28 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2020, M. et Mme E..., représentés par Me A... et Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804988/2-3 du 28 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- il n'est pas établi que la SCI Café 55 aurait eu l'intention d'octroyer une libéralité à M. E... ni que ce dernier aurait souhaité bénéficier d'une telle libéralité ;

- les termes de comparaison proposés par l'administration ne sont pas pertinents ;

- les termes de comparaison qu'ils proposent, qui correspondent aux caractéristiques du bien en litige, conduisent à minorer la valeur vénale de l'appartement ;

- l'expertise effectuée en décembre 2016 confirme la pertinence de ces termes de comparaison ;

- l'évaluation du prix des parts devait tenir compte d'une décote pour fiscalité latente.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme E... n'est fondé.

Par une ordonnance du 17 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 août 2020 à 12 heures.

Un mémoire a été produit pour M. et Mme E... le 5 octobre 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., avocate de M. et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Café 55, qui était détenue à 0,06 % par M. E... et à 99,94 % par la société anonyme (SA) Medical Resources Holding, laquelle société était elle-même détenue à 99,98 % par M. E..., a fait l'acquisition, par un acte du 5 mars 2007, au prix de 1 883 500 euros, d'un appartement d'une superficie de 334,90 mètres carrés situé au quatrième étage d'un immeuble du 55 boulevard Lannes, dans le seizième arrondissement de Paris, ainsi que de deux caves, trois chambres de service et un emplacement de stationnement couvert. Par un acte sous seing privé du 14 janvier 2014, enregistré le 30 janvier 2014, la société Medical Resources Holding a cédé à M. E... les 158 000 parts sociales qu'elle détenait au sein de la SCI Café 55, pour un montant total de 2 020 820 euros, soit 12,79 euros par part sociale. A l'issue d'un contrôle sur pièces portant sur l'année 2014, l'administration fiscale a considéré, après avoir évalué la valeur vénale de l'appartement situé 55 boulevard Lannes, principal actif de la SCI Café 55, que le prix des parts sociales de cette SCI avait été sous-estimé lors de la cession du 14 janvier 2014. Elle a donc mis à la charge de M. et Mme E... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales, à raison de la réintégration à leur revenu imposable de l'année 2014 de la somme correspondant à la différence entre la valeur vénale des parts sociales de la SCI Café et leur prix de vente lors de la cession du 14 janvier 2014, regardée comme un avantage occulte consenti par la société Medical Resources Holding à M. E..., imposable au nom de celui-ci dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par une décision du 29 janvier 2018, l'administration a, en application de la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, réduit la base d'imposition des contributions sociales qu'elle avait initialement affectée d'un coefficient de 1,25 et prononcé un dégrèvement à concurrence de cette réduction. M. et Mme E... relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires restant à leur charge.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / [...] c) les rémunérations et avantages occultes [...] ". En cas de vente par une société d'un bien à un prix que les parties ont délibérément minoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices, au sens des dispositions de l'article 111 c du code général des impôts et d'un acte anormal de gestion. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'elle établit l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession. Lorsque l'administration fiscale procède, en vue d'établir l'existence d'une vente à prix minoré, à l'évaluation de la valeur vénale du bien immobilier cédé en se référant à des transactions qui ont porté sur des immeubles situés à proximité du lieu de situation de ce bien, il lui appartient de retenir des termes de comparaison relatifs à des ventes qui ont porté sur des biens similaires, intervenues à une date peu éloignée dans le temps de celle du fait générateur de l'avantage occulte.

3. Pour estimer que le prix de 2 020 820 euros auquel la société Medical Resources Holding a, le 14 janvier 2014, cédé à M. E... 158 000 parts de la SCI Café 55, était significativement inférieur à leur valeur vénale, l'administration fiscale s'est appuyée sur six cessions de biens immobiliers dont elle a estimé qu'ils présentaient des caractéristiques similaires à l'appartement détenu par la SCI Café 55. Elle a constaté que ces ventes s'étaient conclues au prix moyen de 9 605 euros par mètre carré et a donc estimé, sur la base de ce prix au mètre carré, que la valeur de l'appartement en cause, d'une surface de 334,9 mètres carrés, s'élevait à 3 216 714 euros, valeur qu'elle a ramenée à 3 154 492 euros, soit le montant auquel ce bien a été revendu par M. et Mme E... le 11 juillet 2014. Après prise en compte du passif de la SCI Café 55 et d'un abattement de 10 % pour illiquidité, elle a estimé que la valeur de chacune des parts de la SCI Café 55 s'élevait à 17,84 euros. Le service a enfin relevé que cette valeur présentait un écart significatif avec la valeur de 12,79 euros à laquelle M. E... avait acquis ces parts.

4. M. et Mme E... font valoir que les termes de comparaison sélectionnés par le service ne tiennent pas compte du positionnement géographique de l'appartement en litige, à proximité du boulevard périphérique. Ils produisent notamment, au soutien de leurs allégations, un article issu de la presse économique, daté du 13 décembre 2013, faisant état de la difficulté à vendre les appartements situés boulevard Lannes. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'appartement situé au 39 avenue Victor Hugo, à 300 mètres de la place de l'Etoile, retenu par l'administration se trouve dans le quartier administratif de Chaillot, au sein duquel les prix au mètre carré étaient 14,3 % supérieurs aux prix pratiqués dans le quartier de la Porte Dauphine où se trouve l'immeuble en litige, et que cet appartement a été vendu en avril 2012, soit 21 mois avant la cession litigieuse. S'agissant de l'appartement situé au 39 rue Scheffer, M. et Mme E... font valoir qu'il se trouve à 500 mètres des jardins du Trocadéro, avec une vue sur la Tour Eiffel, et qu'il est situé dans le quartier administratif de La Muette, au sein duquel les prix au mètre carré étaient 8,6 % supérieurs aux prix constatés dans le quartier de la Porte Dauphine. Par ailleurs, ils font valoir que ce bien a été vendu le 31 janvier 2012, soit 23 mois avant la cession litigieuse. Quant au bien situé 199 avenue Victor Hugo, M. et Mme E... relèvent que, s'il est situé dans le quartier de la Porte Dauphine, il présente un très bon accès aux transports et se situe sur une artère prestigieuse, menant directement à l'Arc de Triomphe, alors que l'appartement en litige, moins bien desservi, est situé à proximité immédiate du boulevard périphérique. Par ailleurs, les requérants font valoir que la vente du bien situé 6 rue Dufrenoy concerne seulement une fraction de 60 % d'un appartement, localisé en outre dans une rue très commerçante. Enfin, M. et Mme E... relèvent que la vente du bien situé 46 avenue des Ternes est intervenue en décembre 2012, soit treize mois avant la cession en litige. Eu égard à ces critiques, qui ne sont pas utilement contestées par l'administration fiscale, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que ces cinq biens ont été retenus comme termes de comparaison pour fixer la valeur vénale de l'appartement vendu par la SCI Café 55 en janvier 2014.

5. En revanche, il résulte de l'instruction que ce bien peut être comparé à l'appartement, retenu par l'administration parmi ses termes de comparaison, situé 56 boulevard Flandrin, cédé en juin 2013, à un prix de 8 828 euros par mètre carré, qui se trouve à environ 300 mètres de celui-ci, sur une artère parallèle au boulevard Lannes, et qui est doté d'une superficie de 242 mètres carrés. Il y a lieu de retenir également comme termes de comparaison, parmi ceux proposés par les requérants dont la localisation présente des caractéristiques proches de celle du bien à évaluer, la vente d'un appartement situé 122 rue de la Faisanderie, le 20 septembre 2013, d'une surface de 282 mètres carrés, au prix de 7 095 euros par mètre carré, la vente d'un appartement situé 106 rue de la Faisanderie, le 1er mars 2013, d'une surface de 237 mètres carrés, au prix de 7 230 euros par mètre carré, la vente d'un appartement situé 118 rue de la Faisanderie, le 30 septembre 2013, d'une surface de 208 mètres carrés, au prix de 5 989 euros par mètre carré, ainsi que la vente d'un autre appartement situé à la même adresse, le 23 octobre 2013, d'une surface de 215 mètres carrés, au prix de 6 264 euros par mètre carré. Enfin, l'appartement en litige peut également être comparé au bien situé sis 55 boulevard Lannes au cinquième étage, soit au-dessus de l'appartement en cause, doté d'une surface de 303 mètres carrés, et qui a été vendu en mars 2014 à 1 906 173 euros, soit 6 291 euros par mètre carré. Si l'administration fait valoir que ce bien était vétuste, elle n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations, alors que, d'une part, les requérants produisent des photographies de l'annonce publiée dans le cadre de la mise en vente du bien, qui montrent un appartement dans un état correct et que, d'autre part, il est constant que le bien détenu par la SCI Café 55 était lui-même occupé depuis sept ans à la date de la cession litigieuse. Enfin, la seule circonstance que cet appartement a été vendu dans le cadre d'une succession ne saurait démontrer qu'il a été sous-évalué.

6. Il résulte de l'instruction que la moyenne des valeurs de l'ensemble des termes de comparaison pertinents, proposés par l'administration et par les requérants, s'élève à 6 949,5 euros par mètre carré. Pour évaluer la valeur vénale de l'appartement en litige, il y a lieu de retenir la moyenne entre ce montant et le montant de 9 419,2 euros par mètre carré auquel cet appartement a été revendu par M. et Mme E... le 11 juillet 2014, soit un montant de 8 184,35 par mètre carré, qui, appliqué à l'appartement en cause, porte son prix à 2 740 938,8 euros. Dès lors qu'il n'est pas contesté que la SCI Café 55 possède d'autres actifs d'une valeur de 464 088 euros et un passif de 506 513 euros, sa valeur patrimoniale peut être évaluée à 2 698 513,8 euros, soit un montant par parts sociales de 17,07 euros, qui doit être diminué d'un abattement de 10 % pour illiquidité, pour ramener la valeur d'une part sociale à 15,36 euros. Les parts ayant été acquises au prix de 12,79 euros, l'insuffisance par rapport à la valeur vénale s'élève à 2,57 euros, soit 16,7 %. Un tel écart ne saurait être regardé comme significatif. Dans ces conditions, l'administration n'était pas fondée à considérer que M. E... avait bénéficié d'un avantage occulte constitutif de revenus distribués, imposable entre ses mains en application des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à leur charge au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des conclusions de M. et Mme E... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1804988/2-3 du 28 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : M. et Mme E... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à leur charge au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme E... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à Mme F... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

K. D...

La présidente,

P. HAMON Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA00112 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00112
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CABINET DADI, RENOUX, DE MANNEVILLE, SAVIN (SELARL)

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-06;20pa00112 ?
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