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06/07/2021 | FRANCE | N°19PA02750

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 06 juillet 2021, 19PA02750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement no 1704316 du 13 juin 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 août 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :<

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1°) d'annuler le jugement no 1704316 du 13 juin 2019 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement no 1704316 du 13 juin 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 août 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1704316 du 13 juin 2019 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle sans avoir été destinataire d'un avis en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, ainsi que de l'article L. 12 du même livre ;

- la décision de rejet de sa réclamation était insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il n'avait pas son domicile fiscal en France en application de l'article 4 de la convention franco-algérienne du 17 octobre 1999 et de l'article 4 A du code général des impôts ;

- les salaires de source algérienne ne peuvent être imposés en France sans violation de l'article 24 de la convention franco-algérienne du 17 octobre 1999 ;

- l'administration ne pouvait remettre en cause les preuves produites par lui sans avoir interrogé l'administration fiscale algérienne en application de l'article 27 de la convention franco-algérienne ;

- il n'avait aucune intention d'éluder l'impôt en France sur des sommes déjà imposées en Algérie ;

- le maintien des sanctions fiscales n'était pas motivé dans la réponse aux observations du contribuable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 septembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 16 octobre 2020 à 12h.

Un mémoire, présenté pour M. A..., a été enregistré le 14 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui a souscrit des déclarations de revenus en France en 2011 et 2012, a fait l'objet d'un contrôle douanier le 25 octobre 2012 à la gare de Genève-Cornavin, dont l'administration fiscale a eu connaissance en exerçant son droit de communication auprès de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, à l'occasion duquel il a été constaté qu'il importait de Suisse une somme en espèces non déclarées de 40 000 euros, dont il a indiqué qu'elle provenait de son compte bancaire domicilié en Suisse non déclaré à l'administration fiscale française. En réponse à une demande de l'administration, il a indiqué le 17 février 2016 qu'il avait reçu sur ce compte en 2011 et 2012 des sommes s'élevant à près de 160 000 euros. A l'issue du contrôle dont il a fait l'objet, conclu par une proposition de rectification du 24 mai 2016, il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011 et 2012, assorties de pénalités pour manoeuvres frauduleuses. M. A... fait appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. " Il résulte de ces dispositions que l'administration ne peut engager un contrôle visant à vérifier la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres d'un foyer fiscal avant l'expiration d'un délai raisonnable à compter de la réception, par le contribuable concerné, de l'avis l'informant de ce contrôle. L'article L. 23 C du même livre dispose par ailleurs que : " Lorsque l'obligation prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A ou à l'article 1649 AA du code général des impôts n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'administration peut demander, indépendamment d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie. "

3. Il résulte de l'instruction que les rehaussements notifiés par l'administration fiscale au contribuable par la proposition de rectification du 24 mai 2016 procèdent, d'une part, du droit de communication exercé auprès de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, portant sur le contrôle douanier réalisé par celle-ci en gare de Genève-Cornavin le 25 octobre 2012, et, d'autre part, de la demande d'informations et de justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition d'avoirs figurant sur son compte bancaire suisse non déclaré en France, adressée le 14 décembre 2015 à M. A... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, à laquelle il a répondu le 17 février 2016. Par suite, le contrôle auquel s'est livré l'administration, qui n'a pas vérifié la cohérence des revenus déclarés et de la situation patrimoniale, la situation de trésorerie ni les éléments de train de vie de M. A..., ne constituait pas un examen de sa situation fiscale personnelle, et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 47 et L. 12 du livre des procédures fiscales doit dès lors être écarté comme inopérant.

4. En second lieu, les vices qui entachent la décision par laquelle l'administration fiscale statue sur une réclamation sont sans incidence sur la régularité de la procédure ou le bien-fondé de l'imposition. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de rejet de la réclamation serait insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient toutefois ensuite, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

6. Aux termes du premier alinéa de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / (...) ".

7. M. A... ne conteste pas être imposable en France, où il est constant qu'il a régulièrement déclaré, au titre des années 2011 et 2012, des revenus composés de salaires et de revenus de capitaux mobiliers, indiquant alors être, au titre de ces années, domicilié à Voisenon, en Seine-et-Marne, ainsi qu'il l'a également déclaré lors du contrôle douanier réalisé en 2012. S'il fait valoir que cette adresse était le domicile de ses parents, auxquels il venait rendre occasionnellement visite en France, et qu'il vivait alors en Algérie, il n'en rapporte pas la preuve en se bornant à produire, pour la première fois devant le Tribunal administratif, un contrat de bail relatif à un bien situé en Algérie, daté du 11 janvier 2011, au demeurant non signé. Il n'est pas contesté, en outre, qu'il disposait en France de plusieurs comptes bancaires, et qu'il était le gérant d'une société de conseil et formation en informatique, dont la création a été enregistrée le 6 janvier 2010. Au regard de l'ensemble de ces éléments, M. A... doit être regardé comme ayant eu, en 2011 et 2012, son foyer en France, et comme étant, par suite, passible, au titre de ces années, de l'impôt sur le revenu en France à raison de l'ensemble de ses revenus, à moins qu'il n'établisse son droit à se prévaloir de sa qualité de résident algérien, au sens des stipulations de la convention fiscale franco-algérienne susvisée.

8. Aux termes de l'article 4 de la convention conclue le 17 octobre 1999 entre la France et l'Algérie en vue d'éliminer les doubles impositions, de prévenir l'évasion et la fraude fiscales et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un état contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat contractant, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat contractant que pour les revenus de sources situées dans cet Etat contractant ou pour la fortune qui y est située. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : a. Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats contractants, elle est considérée comme un résident de l'Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b. Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme un résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; (...) ".

9. M. A..., qui soutient avoir son domicile fiscal en Algérie, ne fait pas valoir qu'il était assujetti à l'impôt dans cet Etat à raison de son domicile ou de sa résidence, mais allègue avoir été soumis à l'impôt sur le revenu pour les rémunérations qui lui ont été versées par la société IGAF Technologie, sise en Algérie, qui l'a employé du 1er juillet 2011 au 31 mars 2012. Il n'en justifie toutefois pas en produisant une attestation de travail et une attestation de paiement émanant de ladite société, ne comportant aucune référence à une imposition en Algérie, et des bulletins de salaire à son nom au titre des neuf mois de travail invoqués, faisant mention d'une " retenue sécurité sociale " et d'une " retenue IRG ", qui n'établissent pas le versement effectif d'un impôt sur le revenu à l'administration fiscale algérienne. Dans ces conditions, M. A..., qui n'était pas un résident d'Algérie en 2011 et 2012 au sens des stipulations précitées de l'article 4 de la convention franco-algérienne, n'entre pas dans le champ de cette convention et n'est pas fondé à en invoquer le bénéfice. Par suite, cette convention ne fait pas obstacle à l'imposition entre ses mains en France des revenus litigieux sur le fondement de la loi fiscale française, et le requérant n'invoque pas utilement les stipulations de son article 24 pour éliminer une double imposition dont, au demeurant, il n'établit pas l'existence.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...). "

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a reçu, sur un compte ouvert dans un établissement bancaire suisse qu'il n'avait pas déclaré auprès de l'administration fiscale française, des sommes s'élevant à 68 908 euros en 2011 et 80 585 euros en 2012, versées par une société Sherking SA, présentée comme intermédiaire de l'employeur algérien de M. A... au titre des années en cause, sommes qu'il n'a pas déclarées en France au titre de ses revenus, ni lors de leur rapatriement sous forme liquide en France, et dont il ne justifie pas au demeurant qu'elles ont été, comme il le prétend, soumises à l'impôt sur le revenu en Algérie. Dans ces conditions, M. A... a mis en oeuvre un procédé visant à égarer l'administration dans son pouvoir de contrôle, caractérisant des manoeuvres frauduleuses que l'administration était fondée à sanctionner par l'application des pénalités litigieuses au titre des années 2011 et 2012.

12. En second lieu, le requérant soutient avoir été privé de la possibilité de présenter ses observations sur les pénalités litigieuses, dès lors que la réponse du 17 octobre 2016 à ses observations indiquait qu'il disposait d'un délai de 30 jours pour adresser au service ses éventuelles observations sur les sanctions fiscales " mentionnées dans le présent courrier ", alors qu'aucune sanction n'y était mentionnée. Il résulte toutefois de l'instruction que les pénalités appliquées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts lui ont été régulièrement notifiées dans la proposition de rectification du 24 mai 2016 et qu'il ne les a pas contestées dans ses observations du 29 juillet 2016, l'administration n'étant dès lors pas tenue d'en faire mention dans sa réponse, ni ultérieurement avant sa réclamation contentieuse du 22 février 2017. Par suite, le moyen doit être écarté comme manquant en fait.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. C..., premier conseiller,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

A. C...La présidente,

P. HAMON

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02750
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SELARL BOZETINE-AMNACHE-HALLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-06;19pa02750 ?
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