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30/06/2021 | FRANCE | N°21PA01356

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 30 juin 2021, 21PA01356


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2021 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2100834/8 du 26 février 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 16 janvier 2021 du préfet de police et rejeté le surplus des conclusions de l

a demande de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2021 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2100834/8 du 26 février 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 16 janvier 2021 du préfet de police et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2021, le préfet de police, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2100834/8 du 26 février 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M. D....

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pour annuler les arrêtés attaqués ; les conditions et la date d'entrée en France de M. D... ne sont pas établies, de même que les décès de ses parents ; il ne justifie pas l'obtention de diplômes à l'issue des formation suivies, pas plus qu'être assidu dans le suivi d'une nouvelle formation en première année de CAP menuisier, n'établit pas ses attaches familiales en France et l'absence de liens familiaux dans son pays d'origine ; son comportement constituant une menace à l'ordre public, seules les décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois sont fondées sur une telle menace ;

- les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2021, M. D..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à l'annulation des décisions du préfet de police du 16 janvier 2021 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de séjour pour une durée de trois ans, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen un récépissé de demande de titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de

150 euros et à la condamnation de l'Etat au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 10 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Un mémoire, enregistré le 14 juin 2021 après la clôture de l'instruction, présenté pour M. D..., concluant aux mêmes fins que le précédent mémoire de l'intéressé et à ce que le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire lui soit accordé, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me E..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité malienne et né le 18 avril 2001, a déclaré être entré sur le territoire français courant juin 2017. Par des arrêtés du 16 janvier 2021, intervenus à la suite de son interpellation le même jour par les services de gendarmerie, le préfet de police l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Le préfet de police fait régulièrement appel du jugement du 26 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". Il résulte de ces dispositions que M. D... conserve, de plein droit, le bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dont il a bénéficié en première instance sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle au titre de l'instance introduite par le préfet de police devant la cour est en tout état de cause sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; ". M. D... n'ayant pas entrepris de démarches pour renouveler son précédent titre de séjour arrivé à expiration le 22 octobre 2020 et n'étant pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement intervenue le 16 janvier 2021, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 4° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.

4. Pour annuler la décision obligeant M. D... à quitter le territoire français prise en application de ces dispositions ainsi que les autres décisions contenues dans les arrêtés du

16 janvier 2021 du préfet de police, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a estimé que le préfet avait entaché ses arrêtés d'erreur manifeste d'appréciation. Il ressort des pièces du dossier, notamment des actes de décès produits et de la note sociale établie par Mme B..., cheffe de service de l'association Métabole 75 qui le prend en charge et l'héberge, que

M. D... dont les parents sont décédés respectivement en 2004 et 2013, est entré en France courant 2017, soit trois ans et demi avant les décisions attaquées, à l'âge de 16 ans, après avoir quitté son pays d'origine en transitant par la Libye et l'Algérie. Par jugement du juge des enfants du 30 janvier 2018 pris sur saisine et après réquisitions favorables du ministère public, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité. A compter de celle-ci, il a bénéficié d'un contrat jeune majeur arrivant à échéance en juillet 2021. Etudiant en CAP menuiserie dans un lycée professionnel à Paris, ses enseignants attestent, en dépit de difficultés rencontrées, de son investissement et de son sérieux dans ses études, ainsi que de son bon comportement. Il ressort par ailleurs notamment du rapport susvisé que l'intéressé fait l'objet depuis janvier 2020 d'un suivi thérapeutique et psychologique à raison de deux séances par semaine aux fins de soins des traumatismes subis. Alors même que le préfet de police a délivré à M. D... à sa majorité un premier titre de séjour et aussi regrettables que soient les faits commis le 16 janvier 2021, à l'occasion de son interpellation, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une menace à l'ordre public, qui au demeurant n'a pas été retenue à son encontre par le préfet de police s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, soit caractérisée.

5. Il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de ce que la décision d'éloignement était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et, par suite, a annulé l'ensemble des décisions attaquées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire français faite à M. D... implique seulement, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dans les circonstances propres au cas d'espèce, qu'il soit enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. D... et que l'intéressé soit muni en attendant d'une autorisation provisoire de séjour. Il y a ainsi lieu de faire droit aux conclusions d'appel incident et de prescrire ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M D... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire de M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. D... et de réexaminer la situation de celui-ci dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 15 juin 2021 à laquelle siégeaient :

M. Ivan Luben, président,

Mme Marie-Dominique C..., premier conseiller,

Mme Gaëlle Mornet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2021.

Le rapporteur,

M-D. C...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 08PA04258

2

N° 21PA01356


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01356
Date de la décision : 30/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : AARPI SPHERANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-30;21pa01356 ?
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