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30/06/2021 | FRANCE | N°21PA00057

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 30 juin 2021, 21PA00057


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

18 octobre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de police à titre principal de lui délivrer un titre de séjour, et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 eur

os par jour de retard.

Par un jugement n° 2010607 du 2 décembre 2020, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

18 octobre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de police à titre principal de lui délivrer un titre de séjour, et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2010607 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 7 janvier 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 janvier 2021, M. B... A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2010607 du 2 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions contenues dans l'arrêté du préfet de police du 18 octobre 2019 lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de police à titre principal de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet de police s'est borné à prendre en compte l'avis du collège des médecins de l'OFII sans que sa situation ait fait l'objet d'un examen particulier ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie de sa situation ;

- il n'est pas établi que l'avis du collège des médecins ait été rendu au terme d'une délibération collégiale ;

- le préfet de police s'est cru lié par l'avis du collège des médecins ;

- il souffre d'une neuropathie optique extrêmement rare liée à une mutation génétique pour laquelle il ne peut être pris en charge qu'à l'hôpital Necker en l'absence d'institution spécialisée équivalent en Tunisie ; il ne dispose pas de couverture sociale suffisante en Tunisie ;

- il est établi en France depuis seize ans et une grande partie de sa famille y réside ; la décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mai 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me D..., avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui vise les textes applicables, se réfère à l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et se prononce sur l'atteinte susceptible d'être portée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, est suffisamment motivé. Il ne se déduit ni de cette motivation, ni de la circonstance que le préfet de police ne se serait pas prononcé sur l'ensemble des documents produits à l'appui de sa demande que l'administration ne se serait pas livrée à un examen particulier de la situation de M. A....

2. En second lieu, l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant le collège. Cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire, cette preuve contraire n'étant pas rapportée en l'espèce par le requérant. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de collégialité de la délibération du collège de médecins de l'OFII doit être écarté.

3. En troisième lieu, si le préfet de police s'est approprié l'avis du collège des médecins, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait considéré qu'il était lié par lui. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 1, le préfet de police, qui s'est prononcé sur l'atteinte susceptible d'être portée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, ne s'est pas borné à suivre l'avis émis par le collège médical mais a examiné la situation d'ensemble de M. A....

4. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une neuropathie optique évolutive liée à une mutation d'un gène mitochondrial (le gène DNAJC30 codant pour la protéine Hsp40) qui réduit son acuité visuelle et l'expose à la cécité. S'il s'agit d'une maladie extrêmement rare qui n'affecterait qu'une vingtaine de personnes dans le monde, et pour laquelle l'expertise des médecins de l'hôpital Necker, spécialisés dans la recherche sur ce type d'affection génétique, est reconnue, il est constant, ainsi que l'admet le requérant lui-même dans ses écritures, qu'aucun traitement connu n'est pour le moment efficace. Dès lors, et quand bien même il n'existe pas en Tunisie de centre de recherche sur les maladies mitochondriales, la décision de ne pas renouveler le titre de séjour délivré à M. A... ne le privera pas de la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'absence de tout traitement, le suivi de l'état de M. A..., qui se limite à une surveillance de l'évolution de son mal, ne pourrait pas être assuré par les ophtalmologues tunisiens. En l'absence de thérapie efficace en France, en Tunisie ou ailleurs, M. A... ne peut utilement se prévaloir du coût des soins en Tunisie et des insuffisances de la protection sociale dans ce pays. Par ailleurs rien ne s'oppose, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, à ce que

M. A..., après son retour en Tunisie, bénéficie d'autorisations provisoires de séjour sur le fondement de l'article R. 313-24 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile si les progrès de la recherche scientifique ou l'évolution de son état nécessitaient à l'avenir une prise en charge en France par un centre médical de référence des maladies mitochondriales. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En cinquième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

7. Si M. A... est entré en France en 2002 où résident son frère, des neveux et nièces et des cousins, son épouse et ses quatre enfants sont établis en Tunisie où le requérant a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans. Il peut bénéficier dans ces conditions de l'aide de sa famille et de ses proches qui sont susceptibles de l'assister pour les nécessités de la vie quotidienne. Dès lors, et en dépit de la durée de son séjour en France, la décision du préfet de police n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Si M. A... fait également valoir qu'il lui sera très difficile de trouver un emploi en Tunisie et donc de bénéficier d'une couverture sociale en raison de son handicap visuel, et qu'il perdra le bénéfice des allocations versées en France aux personnes handicapées, le préfet de police ne s'est toutefois pas manifestement mépris sur la gravité des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. En sixième lieu, l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ".

9. Le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des ressortissants étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues pour la délivrance d'un des titres de séjour cités à l'article L. 312-2 auxquels il envisage de refuser ce titre, et non de celui de tous les étrangers qui demandent la délivrance d'un de ces titres de séjour. Comme dit ci-dessus, M. A... ne remplit pas les conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2021 à laquelle siégeaient :

M. Ivan C..., président de chambre,

Mme Marie-Dominique Jayer, premier conseiller

Mme Gaëlle Mornet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2021.

Le président-rapporteur,

I. C...L'assesseur le plus ancien,

M.D. JAYER

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 08PA04258

2

N° 21PA00057


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00057
Date de la décision : 30/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BOAMAH

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-30;21pa00057 ?
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