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30/06/2021 | FRANCE | N°20PA02562

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 30 juin 2021, 20PA02562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 246 356,58 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de sa prise en charge par le service d'orthopédie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à compter du 7 octobre 2013.

Par un jugement n° 1901732/6-1 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande

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Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 septem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 246 356,58 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de sa prise en charge par le service d'orthopédie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à compter du 7 octobre 2013.

Par un jugement n° 1901732/6-1 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 septembre 2020 et 19 janvier 2021, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme totale de 276 356,58 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble des moyens développés dans la demande de première instance ;

- une faute médicale a été commise lors de la première intervention qu'elle a subie, tenant à un défaut d'appréciation dans le choix du matériel prothétique posé ;

- elle a été victime d'une infection nosocomiale au cours de la seconde intervention ;

- le déficit fonctionnel temporaire qu'elle a subi doit être indemnisé par la somme de 3 205,50 euros ;

- les souffrances qu'elle a endurées doivent être réparées à hauteur de 15 000 euros ;

- elle subit un préjudice esthétique qui doit être évalué à 10 000 euros ;

- elle a dû recourir à l'assistance d'une tierce personne, ce qui justifie une indemnisation de 1 215 euros ;

- sa perte de gains professionnels actuels s'élève à 5 606,60 euros, et les pertes futures doivent être évaluées à 16 391,60 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé à hauteur de 3 810 euros ;

- le préjudice d'agrément doit être évalué à 8 000 euros ;

- le préjudice sexuel doit être évalué à 7 000 euros ;

- le préjudice d'établissement doit être réparé par la somme de 8 000 euros ;

- elle a dû réaliser des travaux pour adapter son logement à son état de santé, pour un montant de 6 314 euros ;

- les frais d'achat et de renouvellement d'un véhicule adapté s'élèvent à 101 813,88 euros ;

- elle a subi un préjudice de perte d'emploi, qui doit être évalué à 10 000 euros ;

- une indemnité de 50 000 euros doit lui être allouée au titre du préjudice de retraite.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 11 décembre 2020 et 20 janvier 2021, l'AP-HP, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce que le montant des indemnités sollicitées soit ramené à de plus justes proportions.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction est intervenue le 5 février 2021.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant Mme C...,

- et les observations de Me E..., représentant l'AP-HP.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., alors âgée de cinquante-six ans et atteinte de gonarthrose au genou gauche, a été hospitalisée le 8 octobre 2013 à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, qui relève de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), en vue de la pose d'une prothèse. Une seconde intervention a été réalisée le 17 octobre 2013 au sein du même établissement, en raison du déplacement de la prothèse initialement posée. Au cours de cette seconde opération, des prélèvements bactériologiques ont été pratiqués, dont le résultat a impliqué l'administration à l'intéressée d'un traitement antibiotique jusqu'au 13 décembre 2013. Mme C... a ensuite suivi une rééducation fonctionnelle au sein du centre de soins de suite et réadaptation de Taverny, jusqu'au 14 février 2014. En 2017, elle a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) d'Île-de-France, qui a désigné deux experts le 13 novembre 2017 ; ces derniers ont remis un rapport le 5 février 2018. Par un avis du 12 mars 2018, la CCI a rejeté la demande d'indemnisation de Mme C... pour incompétence. L'intéressée a sollicité, le

1er juin 2018, la mise en œuvre d'une procédure de conciliation auprès de la CCI, dont le principe a été accepté par l'AP-HP par courrier du 6 août 2018. À titre transactionnel, l'AP-HP a proposé à Mme C..., par courrier du 28 novembre 2018, une indemnisation de 1 000 euros, offre que la requérante a refusée. Elle relève appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme totale de 246 356,58 euros au titre des préjudices subis du fait de sa prise en charge par l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, qui ont longuement et précisément répondu aux moyens soulevés devant eux par les requérants, ont suffisamment motivé leur jugement, qui n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ".

4. D'une part, Mme C... soutient qu'une erreur médicale a été commise lors de l'intervention chirurgicale du 8 octobre 2013, s'agissant du choix du matériel prothétique, insuffisamment dimensionné, ce qui a imposé une seconde opération afin de mettre en place un plateau prothétique tibial plus épais. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport des experts désignés par la CCI d'Île-de-France, que l'acte d'arthroplastie a été réalisé dans des conditions conformes aux règles de l'art, le choix initial d'une prothèse de taille très légèrement inférieure à celle finalement posée ayant eu pour but de ne pas trop " serrer " le genou ; selon les experts, ce sous-dimensionnement, vraisemblablement inférieur à cinq millimètres, n'a pas été manifeste. La complication mécanique qui est ensuite survenue, liée à une rotation du plateau tibial, constitue ainsi un aléa thérapeutique non fautif, ce que ne suffit pas à remettre en cause la note produite en appel par Mme C..., rédigée de manière non contradictoire par un chirurgien viscéral.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'au cours de l'intervention de reprise prothétique du 17 octobre 2013, des prélèvements peropératoires ont été effectués et ont tous mis en évidence la présence de staphylocoques à coagulase négative. Les experts en concluent que " le critère d'infection est retenu selon les recommandations en vigueur ", les germes isolés étant par ailleurs fréquemment responsables d'infections sur prothèse. Mme C..., qui a suivi une antibiothérapie de principe durant deux mois du fait de la découverte de ces germes, a donc contracté une infection nosocomiale. Il résulte toutefois du rapport d'expertise que cette infection ne s'est traduite par aucune manifestation clinique, le dommage mécanique " ayant permis sa révélation à un stade préclinique ". Les experts soulignent en outre qu'il ne peut être affirmé avec certitude qu'une infection " clinique " se serait finalement déclarée. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que Mme C... ait subi un quelconque dommage, au sens des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, résultant de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée. Elle n'est par suite pas fondée à rechercher la responsabilité de l'AP-HP sur le fondement desdites dispositions.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président,

- Mme Marie-Dominique Jayer, premier conseiller,

- Mme Gaëlle A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2021.

Le rapporteur,

G. A...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02562
Date de la décision : 30/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : GEVAERT BENJAMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-30;20pa02562 ?
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