La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2021 | FRANCE | N°20PA00333

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2021, 20PA00333


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... G... veuve F..., en sa qualité d'ayant droit de M.

H... F..., a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 28 mai 2019 par laquelle le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a arrêté le montant de l'indemnisation accordée à son époux en sa qualité de victime des essais nucléaires français, à la somme de 33 322 euros, et de condamner le CIVEN à lui verser la somme de 258 638 euros avec intérêts de droit et capita

lisation des intérêts échus au titre de la réparation intégrale des préjudices subis.

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... G... veuve F..., en sa qualité d'ayant droit de M.

H... F..., a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 28 mai 2019 par laquelle le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a arrêté le montant de l'indemnisation accordée à son époux en sa qualité de victime des essais nucléaires français, à la somme de 33 322 euros, et de condamner le CIVEN à lui verser la somme de 258 638 euros avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts échus au titre de la réparation intégrale des préjudices subis.

Par une ordonnance en date du 2 août 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a accordé à Mme F..., à titre de provision, une somme de 33 322 euros.

Par un jugement n° 1900226 du 3 décembre 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a porté l'indemnisation à la somme de 34 004 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2014, et capitalisation des intérêts au 19 décembre 2015.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2020, Mme F..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à 34 004 euros le montant de son indemnisation ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 258 638 euros au titre de la réparation intégrale des préjudices subis assortie des intérêts à taux légal, avec leur capitalisation ;

3°) de confirmer le jugement du tribunal concernant s'agissant des intérêts à taux légal avec leur capitalisation ;

4°) d'ordonner une nouvelle expertise dont les frais seront mis à la charge du CIVEN ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant des préjudices avant consolidation :

- la perte de gains professionnels doit être indemnisée à hauteur de 5 526 euros ;

- elle est fondée à solliciter l'indemnisation de l'aide d'une tierce personne à raison d'une aide passive de 22 heures par jour au taux horaire de 13 euros, soit une somme de 51 209 euros ;

- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, dont certaines périodes n'ont pas été prises en compte, doit être portée à 7 764 euros ;

- les souffrances endurées temporaires, évaluées à 4 sur 7 par l'expert, doivent être indemnisées à hauteur de 60 000 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire, évalué à 2 sur 7 par l'expert, doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros ;

- les troubles dans les conditions d'existences doivent être réparés à hauteur de 40 000 euros ;

S'agissant des préjudices hors consolidation :

- elle est fondée à solliciter un préjudice d'anxiété lié à une pathologie évolutive, à hauteur de 80 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2020, le CIVEN conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnisation soit porté à la somme de 38 636 euros.

Il soutient que :

- il ne s'oppose pas à la revalorisation de la perte des gains professionnels actuels à hauteur 5 526 euros ;

- il ne s'oppose pas à ce que l'assistance par une tierce personne soit indemnisée à hauteur de 3 200 euros ;

- le préjudice lié à une pathologie évolutive peut être indemnisé à hauteur de 9 000 euros ;

- l'évaluation des autres préjudices effectuée par le Tribunal doit être confirmée.

Par une ordonnance en date du 9 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 avril 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., présidente,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., avocate de Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... G... veuve F..., en sa qualité d'ayant droit de

M. H... F... décédé en 2005 à l'âge de 47 ans, a présenté une demande d'indemnisation en qualité de victime des essais nucléaires pour le compte de son époux, sur le fondement de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. M. F... a été reconnu victime des essais nucléaires français par une décision du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) en date du 21 juin 2018. Après expertise, le CIVEN a proposé à Mme F..., le 28 mai 2019, une somme de 33 322 euros au titre de la réparation intégrale des préjudices subis. Mme F... relève appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a porté le montant de cette indemnisation à la somme de 34 004 euros, qu'elle estime insuffisante, et demande la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 258 638 euros.

Sur l'évaluation des préjudices :

Avant consolidation :

Sur la perte des gains actuels professionnels :

2. Le CIVEN a admis une perte de revenus arrêtée en 2005, au regard des salaires perçus par M. F... en 2002 et 2003. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de procéder à une revalorisation du montant de l'indemnisation sur la base de l'indice annuel des prix à la consommation de l'ensemble des ménages de l'INSEE et de porter ainsi l'indemnisation au titre de la perte des gains professionnels à la somme de 5 526 euros.

Sur le préjudice fonctionnel temporaire :

3. Si Mme F... soutient que ce poste de préjudice doit être réévalué dès lors que, tant le CIVEN que le tribunal ont omis de prendre en considération certaines périodes d'incapacité, il ressort toutefois des termes du jugement attaqué, et notamment de son point 7, que les premiers juges ont pris en considération l'ensemble des périodes concernées par le déficit fonctionnel temporaire. Il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal aurait fait une insuffisante évaluation du préjudice subi à ce titre en allouant la somme de 4 384 euros à la requérante, sur la base d'un forfait journalier de 25 euros.

Sur les souffrances endurées temporaires :

4. Les souffrances temporaires endurées par M. F... ont été évaluées par l'expert à 4 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce préjudice en allouant à ce titre la somme de 20 000 euros, laquelle, au demeurant, est supérieure au maximum fixé par le barème du CIVEN.

Sur le préjudice esthétique temporaire :

5. Ce préjudice a été évalué à 2 sur 7 par l'expert. En l'absence de motif de retenir une indemnisation particulièrement haute ou basse, il y a lieu d'appliquer la moyenne fixée par le barème du CIVEN, et de porter l'indemnisation de ce préjudice à 2 000 euros.

Sur les troubles dans les conditions d'existence :

6. En l'absence de justification de préjudices distincts de ceux déjà indemnisés au titre du déficit fonctionnel temporaire, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation présentée à ce titre.

Sur les frais d'assistance à une tierce personne :

7. D'une part, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme F... la somme de 3 408 euros, correspondant à l'indemnisation de l'aide par une tierce personne à concurrence de deux heures par jour au taux horaire de 13 euros par jour, sur la période de déficit fonctionnel temporaire à 50%.

8. D'autre part, si Mme F... soutient que, outre les deux heures d'assistance par une tierce personne, retenues par l'expert et le tribunal, son époux nécessitait également une assistance passive de vingt-deux heures par jour, elle ne justifie toutefois pas du quantum dont elle se prévaut. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que le coût de cette assistance passive excédait, compte tenu de l'état de santé de M. F... pour la période considérée, la somme de 3 200 euros, au demeurant proposée par le CIVEN.

S'agissant des préjudices en-dehors de toute consolidation :

9. Le préjudice lié aux pathologies évolutives, qui constitue un préjudice spécifique lié à une évolution possible de la maladie et à la crainte de voir apparaître un second cancer, doit être indemnisé. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à la requérante, en sa qualité d'ayant droit de son époux décédé, la somme de 9 000 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la somme de 34 004 euros que le CIVEN a été condamné à verser à Mme F... par les premiers juges doit être portée à 47 518 euros, qui inclut le montant de la somme versée à titre de provision en application de l'ordonnance du 2 août 2019. Mme F..., ayant droit de M. F..., est donc fondée à demander la réformation dans cette mesure du jugement n°1900226 du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de la Polynésie française, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

11. Mme F... a droit aux intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées à son profit par le présent arrêt à compter de la réception de sa demande d'indemnisation du 19 décembre 2014, avec capitalisation à compter du 19 décembre 2015, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CIVEN le versement à Mme F... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 34 004 euros que le CIVEN a été condamné à verser à Mme F... par le jugement n° 1900226 du 3 décembre 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française est portée à 47 518 euros, y compris la somme de 33 322 euros versée à titre provisionnel. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2014. Les intérêts échus à la date du 19 décembre 2015, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le CIVEN versera à Mme F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... G... veuve F... et au Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN).

Copie en sera adressée à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., présidente de chambre,

- Mme C..., présidente assesseure,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2021.

La présidente-rapporteure,

M. B...L'assesseure la plus ancienne,

M. C...La greffière,

S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 20PA00333 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00333
Date de la décision : 30/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : CABINET TEISSONNIERE-TOPALOFF-LAFFORGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-30;20pa00333 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award