Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans, assortie d'une décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée d'interdiction de retour.
Par un jugement n° 2007482 du 19 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er novembre 2020 et 19 mars 2021, M. B..., représenté par Me D... E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme 3 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, dans le dernier état de ses écritures que :
- sa requête de première instance n'est pas tardive ; la notification de l'arrêté ne mentionnait pas le numéro de télécopie du Tribunal ; il n'a pas pu bénéficier de l'assistance d'un avocat, le barreau de Seine-Saint-Denis étant en grève totale ;
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation, dès lors que le tribunal n'a pas pris en compte sa particulière vulnérabilité, son jeune âge et la circonstance qu'il a construit un projet professionnel ;
-le tribunal a fait une application erronée des dispositions des articles R. 311-12 et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne trouvaient pas à s'appliquer, dès lors qu'il a considéré que son courrier du 30 août 2020, par lequel il sollicitait des services préfectoraux un rendez-vous en vue de déposer une demande de titre de séjour, constituait, en elle-même, une demande de titre de séjour ;
S'agissant des moyens communs dirigés contre toutes les décisions :
- elles sont insuffisamment motivées ;
- elles sont entachées d'une erreur de fait ;
- elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
S'agissant de la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'un défaut de base légale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire sur laquelle elle se fonde ;
- elle méconnaît les dispositions du II) de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'il présente des garanties de représentation suffisantes.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'un défaut de base légale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire sur laquelle elle se fonde.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 III) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
S'agissant de la décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée d'interdiction de retour :
- elle est entachée d'un défaut de base légale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire sur laquelle elle se fonde.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête de première instance était irrecevable car tardive ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La Défenseure des droits, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011, a présenté des observations, enregistrées le 28 mai 2021 ;
Le préfet de la Seine-Saint-Denis a produit un mémoire enregistré le 1er juin 2021 ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les observations de Me G... substituant Me E..., en présence de
M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 17 novembre 2000, est entré en 2016 en France où il a été confié à l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité puis a poursuivi son cursus scolaire jusqu'en 2020. Le 16 janvier 2020, il fait l'objet d'une interpellation et a été placé en garde à vue. Par un arrêté du 17 janvier 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans, assortie d'une décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée d'interdiction de retour. M. B... relève appel du jugement du 19 octobre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort de la lecture du jugement attaqué que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant. M. B... est ainsi fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé en tant qu'il a omis de statuer sur ce moyen qui n'était pas inopérant.
3. Il y a lieu en conséquence, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
4. Aux termes du II l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis. (...) ". Aux termes du II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions du II de l'article L. 5121 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément ". Aux termes de l'article R. 776-5 du même code : " (...) II.- Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 (...) ne sont susceptibles d'aucune prorogation ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision ainsi que de celles qui l'accompagnent le cas échéant. En fixant à quarante-huit heures le délai dans lequel un recours peut être introduit, le législateur a entendu que ce délai soit décompté d'heure à heure et ne puisse être prorogé.
6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 17 janvier 2020 faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai et prononçant à son encontre une interdiction de retour pendant un délai de deux ans, et qui comportait l'indication des voies et délais de recours, a été notifié par la voie administrative à l'intéressé le même jour à 12 heures 02. Le délai de recours contre cet arrêté expirait donc le 19 janvier 2020. Si M. B... fait valoir qu'il n'a pu bénéficier de l'assistance d'un avocat en raison de la grève du barreau de Seine-Saint-Denis qui a duré, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, jusqu'au 20 janvier 2020 inclus, il ressort également des pièces du dossier qu'il a déclaré le 17 janvier précédent à 13h30, lors de sa garde à vue, ne pas souhaiter l'assistance d'un avocat et qu'il n'a saisi le bureau d'aide juridictionnelle que le 3 février 2020. Ainsi, et alors que l'arrêté n'avait pas à mentionner le numéro de télécopie du Tribunal administratif de Montreuil, la requête de M. B... enregistrée au greffe du tribunal le 29 juillet 2020 était tardive et, par suite, irrecevable.
7. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans, assortie d'une décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée d'interdiction de retour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2007482 du 19 octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions présentées devant la Cour, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis et à la Défenseure des droits.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme F..., présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2021.
La rapporteure,
M. F...L'assesseur le plus ancien,
P. MANTZ
La greffière,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA03176 5