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25/06/2021 | FRANCE | N°20PA02972

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 25 juin 2021, 20PA02972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002189 du 17 septembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistr

és les 16 octobre 2020 et 19 mars 2021, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002189 du 17 septembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 octobre 2020 et 19 mars 2021, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas pris en compte tous les éléments versés aux débats, notamment l'avenant définitif à son contrat de travail ;

- le jugement est entaché d'une omission à statuer dès lors qu'il n'a pas été répondu à la possibilité d'une admission exceptionnelle au séjour ;

- le refus de titre est entaché d'une erreur de droit quant au fondement de la demande ; le préfet n'avait pas à se prononcer sur une demande formulée au titre de l'article 5 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il n'a jamais sollicité le renouvellement de son certificat de résidence en qualité de commerçant, sa société ayant été dissoute en 2018 ;

- il n'a pas été destinataire de l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et a été privé d'une voie de droit ;

- son dossier était complet et, à supposer qu'il ne le fut pas, il appartenait à l'administration de lui adresser une demande de complément d'information ;

- le refus de titre est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant du défaut de production de contrat de travail ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il pouvait bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2021, préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien né le 13 octobre 1989, est entré en France le 19 septembre 2011 muni d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " et a bénéficié de certificats de résidence algériens en cette qualité jusqu'en 2016. Il a par la suite bénéficié d'un certificat de résidence en qualité de commerçant valable du 4 août 2016 au 3 août 2017. N'ayant pu poursuivre son activité commerciale, il a sollicité un titre de séjour en qualité de salarié auprès du préfet du Val d'Oise, département dans lequel il résidait alors. Il a bénéficié de deux autorisations provisoires de travail valables du 14 décembre 2017 au 26 janvier 2018, et du 27 janvier 2018 au 17 avril 2018 pour occuper un emploi de caissier / employé libre-service au sein de la société Lidl, délivrées par les services de la main d'oeuvre étrangère du Val d'Oise. Ayant déménagé dans le département de la Seine-Saint-Denis, il a déposé une nouvelle demande de certificat de résidence mention " salarié " le 12 mars 2018. Par un arrêté du 24 janvier 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination. M. E... relève appel du jugement du 17 septembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. En premier lieu, M. E... soutient que les premiers juges n'ont pas pris en considération tous les éléments versés aux débats, notamment l'avenant à son contrat de travail, et qu'ainsi ils ont insuffisamment motivé leur jugement. Toutefois, il ne ressort pas des termes du jugement attaqué que les premiers juges n'auraient pas pris en considération cet avenant. En tout état de cause, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par M. E..., ont suffisamment répondu aux moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté contesté et de la méconnaissance des stipulations de l'article 7b) de l'accord franco-algérien, dont ils étaient saisis. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit ainsi être écarté.

4. En second lieu, M. E... soutient que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur son admission exceptionnelle au séjour. Toutefois, il ne ressort pas des termes de la demande de première instance qu'un tel moyen ait été soulevé par M. E.... Dès lors, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien modifié : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord / (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française / (...) ".

6. M. E... soutient que le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'il n'aurait pas dû statuer sur son admission au séjour en qualité de commerçant, mais sur sa seule demande en qualité de salarié. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a statué sur la demande qui lui était présentée sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien. La circonstance que le préfet ait constaté de manière surabondante que l'intéressé ne remplissait plus les conditions prévues à l'article 5 du même accord pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour en qualité de commerçant est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Selon l'article L. 5221-5 du même code : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...). ". En vertu de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article

R. 5221-3 est faite par l'employeur. Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur. " Le 8° de l'article R. 5221-3 du code du travail concerne la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, à laquelle doit être assimilée la carte délivrée au même titre en application d'un accord international bilatéral. Selon l'article R. 5221-17 du code du travail : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. " Si M. E... soutient qu'il n'a pas été destinataire de l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) du 24 janvier 2018 sollicité par le préfet, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la transmission de cet avis au salarié.

8. En troisième lieu, M. E... soutient qu'il ne saurait lui être reproché l'incomplétude de son dossier alors d'une part, que son dossier était complet, et d'autre part, qu'il appartenait à l'administration de solliciter un complément d'information. Toutefois, si le préfet mentionne aux termes de son arrêté que M. E... n'apporte aucun document complémentaire permettant d'étudier sa demande à la lumière de l'article 7b) de l'accord

franco-algérien, il ne doit pas être regardé comme relevant une éventuelle incomplétude du dossier, mais comme relevant que les documents produits par l'intéressé au soutien de sa demande de titre de séjour ne permettent pas son admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 7b) de l'accord franco-algérien, alors même qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a sollicité du requérant un complément d'informations le 5 juillet 2019, dont il n'est pas contesté que ce dernier y a répondu.

9. En quatrième lieu, M. E... soutient que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a versé au soutien de sa demande de changement de statut de commerçant à salarié un avenant définitif à son contrat de travail en date du 1er mars 2017 avec la société Lidl. Toutefois, c'est au regard de ce contrat de travail et de son avenant que la Direccte a rendu son avis défavorable en date du 24 janvier 2018. De plus, il est constant que le requérant ne dispose pas d'un contrat de travail visé par les services de la main d'oeuvre étrangère exigé par les stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien. Par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de droit doivent être écartés.

10. En cinquième lieu, après avoir constaté que l'intéressé ne remplissait plus les conditions de délivrance d'un titre de séjour en qualité de commerçant, et qu'il ne remplissait pas celles pour la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, le préfet a statué sur la possibilité d'une admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié en mentionnant que l'intéressé ne justifiait pas d'une insertion professionnelle en France. Il ressort en effet des pièces du dossier que le requérant n'a exercé la profession de caissier / employé libre-service au sein de la société Lidl que de manière accessoire, en complément de ses études jusqu'en 2016, avant de créer une société de gardiennage et de sécurité qui a été dissoute après un an d'activité. Enfin, s'il a pu bénéficier d'autorisations provisoires de travail entre décembre 2017 et avril 2018 pour un emploi à temps plein au sein de la société Lidl, cette circonstance ne saurait constituer un motif d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Par suite, le préfet de la

Seine-Saint-Denis n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

12. M. E... se prévaut de sa durée de présence en France depuis 2011, soit neuf ans à la date de la décision en litige, de ce que la société Lidl lui a proposé un emploi en qualité de directeur adjoint de magasin, d'une promesse d'embauche auprès de la société YZM Consulting, d'une relation amoureuse, de ce qu'il s'acquitte de ses obligations fiscales, et de ce qu'il n'a jamais été condamné. Toutefois, il ne justifie pas d'une insertion dans la société française particulièrement forte, dès lors qu'il ne travaille plus depuis avril 2018. S'il soutient que la société Lidl souhaite l'embaucher en qualité de directeur adjoint de magasin, cette volonté n'est traduite que par une lettre adressée aux services préfectoraux en date du 9 mars 2018, dont il n'est au demeurant pas établi qu'elle aurait été réceptionnée, alors même que les autorisations provisoires de travail que cette société a sollicitées au bénéfice de l'intéressé portaient sur un emploi de caissier / employé libre-service. De plus, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'intéressé est célibataire, sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie et où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 24 janvier 2020.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2021.

La rapporteure,

M. D...L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA02972 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02972
Date de la décision : 25/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : DELCOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-25;20pa02972 ?
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