La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2021 | FRANCE | N°20PA01524

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 25 juin 2021, 20PA01524


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1904513 du 4 mars 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 23 juin 2020, le 6

juillet 2020 et le 20 mai 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1904513 du 4 mars 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 23 juin 2020, le 6 juillet 2020 et le 20 mai 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- elle méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien, né le 17 juillet 1974, est entré en France le 20 octobre 2011 sous couvert d'un visa court séjour. Le 15 mars 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 6 mai 2019, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 4 mars 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il résulte des motifs du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Paris a expressément répondu aux moyens contenus dans la requête de M. D.... En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre aux moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'erreur manifeste d'appréciation. M. D... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions :

3. Par un arrêté n° 2018-3198 du 1er octobre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet du Val-de-Marne a donné à Mme E... G..., sous-préfète de L'Haÿ-les-Roses, délégation pour signer, notamment, toutes décisions et arrêtés en matière d'admission ou de refus d'admission au séjour et d'obligation de quitter le territoire français des étrangers ainsi qu'à la circulation des ressortissants étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. La décision en litige vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'accord franco-algérien. Elle précise que le collège des médecins de l'OFII a émis un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour au motif que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. La décision indique également qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale. Ainsi, la décision qui énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. D..., ni qu'il se serait estimé lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre de troubles psychiatriques, pour lesquels il a fait l'objet d'une mesure de soins psychiatriques contraints à la demande d'un tiers en juillet 2016. Pour refuser à M. D... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII, en date du 22 septembre 2018, lequel indique ainsi qu'il a été dit au point 5, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Afin de contester cet avis, M. D... produit plusieurs documents médicaux, dont deux certificats du docteur Vidal, psychiatre, rédigés en des termes identiques et datés du 19 octobre 2018 et du 22 mars 2019, mentionnant que l'arrêt de traitement médicamenteux et du suivi psychiatrique dont il bénéficie, ainsi que la séparation d'avec son entourage familial résidant en France exposerait M. D...

" à une rechute de sa pathologie ayant des conséquences d'une exceptionnelle gravité ". Toutefois, ces certificats, rédigés en des termes généraux et peu circonstanciés, ainsi au demeurant que les autres documents médicaux produits, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII et du préfet. Par ailleurs, si M. D... se prévaut en appel d'une aggravation de son état de santé postérieure à la décision, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige, dont la légalité s'apprécie à la date de son édiction. Enfin, et dès lors que M. D... ne justifie ainsi pas qu'à la date de la décision attaquée son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne peut utilement soutenir qu'il n'aurait pas accès dans son pays d'origine au traitement dont il bénéficiait en France ou à un autre traitement approprié. Par suite, la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

10. M. D... se prévaut de l'ancienneté de sa résidence en France, de son intégration professionnelle, et de la présence en France de sa mère, titulaire d'un certificat de résidence algérien de dix ans et de celle de sa soeur, de nationalité française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. D..., s'il vivait depuis un peu plus de sept ans en France à la date de la décision litigieuse, il est séparé de son épouse française et sans charge de famille. En outre, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Par ailleurs, il est sans emploi et ne justifie avoir travaillé que sur de courtes périodes entre les années 2012 et 2014. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ne peuvent qu'être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet du Val-de-Marne n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit.

11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8 et 10, le préfet du Val-de-Marne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, en conséquence, être écarté.

13. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été énoncé au point 5, l'arrêté attaqué mentionne les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivé.

14. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

15. En quatrième et dernier lieu, pour les motifs énoncés aux points 8 et 10, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

16. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi doit, en conséquence, être écarté.

17. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

18. Si M. D... affirme que la décision attaquée méconnaît les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

19. Il résulte de tout ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juin 2021.

La rapporteure,

M. F...L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZLa greffière,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01524


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01524
Date de la décision : 25/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : MEUROU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-25;20pa01524 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award