Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 17 266,50 euros en réparation des préjudices subis du fait du rejet de sa demande d'autorisation de travail.
Par un jugement n° 1823466/3-3 du 28 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser une somme totale de 4 202,48 euros, assortie des intérêts légaux avec capitalisation de ces intérêts.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 mars 2020 et le 28 juin 2020, M. D... E..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1823466/3-3 du 28 janvier 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 4 202,48 euros, assortie des intérêts légaux avec capitalisation de ces intérêts
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 17 266,50 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du rejet de sa demande d'autorisation de travail ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas signé ;
- la décision du 14 mars 2016 est entachée d'une illégalité de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- il a subi un préjudice de 4 066,50 euros correspondant à la somme qu'il a dû verser au titre des frais de scolarité dès lors qu'il n'a pas pu bénéficier d'un contrat de professionnalisation ;
- il a subi une perte de revenus du fait de l'impossibilité de bénéficier d'un contrat de professionnalisation d'un montant de 3 200 euros ;
- il a subi un préjudice de perte des indemnités d'allocation chômage d'un montant de 5 000 euros ;
- il a subi un préjudice moral d'un montant de 5 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant mexicain né le 12 novembre 1990, est entré en France le 1er septembre 2015 sous couvert d'un visa long séjour étudiant. Par un arrêté du 14 mars 2016, le préfet du Val-de-Marne a refusé de délivrer l'autorisation de travail sollicitée par la société Ertou au bénéfice de M. E... dans le cadre d'un contrat de professionnalisation. Par un jugement n° 1614079, devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision. Par un courrier réceptionné le 15 octobre 2018, M. E... a formé une réclamation aux fins d'être indemnisé des préjudices résultant de l'illégalité de ce refus pour un montant de 17 266,50 euros. L'intéressé relève appel du jugement du 28 janvier 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à sa demande, en condamnant l'Etat à lui verser une somme totale de 4 202,48 euros, assortie des intérêts légaux avec capitalisation de ces intérêts.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de la minute du jugement, communiquée aux parties, que cette décision a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Elle comporte ainsi l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la responsabilité de l'administration :
3. Par un jugement n° 1614079 du 24 mai 2017, devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de refus d'autorisation de travail de M. E... fondée sur l'irrégularité du séjour de ce dernier en France, au motif qu'il disposait d'un visa de catégorie D lui conférant le droit de séjourner régulièrement en France. Il n'est pas établi ni même allégué par le ministre de l'intérieur que le refus d'autorisation de travail aurait pu être fondé sur un autre motif que celui censuré par le tribunal. Il en résulte donc que la décision du 14 mars 2016 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé à M. E... le bénéfice d'une autorisation de travail est illégale et que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
Sur les préjudices :
4. En premier lieu, M. E... fait valoir que les frais de scolarité, qui auraient dû être pris en charge par l'Etat dans le cadre du contrat de professionnalisation, sont restés à sa charge pour un montant de 4 066,50 euros du fait du refus illégal qui a été opposé à sa demande d'autorisation de travail. Toutefois, à l'appui de ses allégations, il se borne à produire une attestation non datée, établie par son beau-père certifiant avoir réglé à l'école dans laquelle il a effectué sa formation (ESGM) ses frais de scolarité pour un montant de 8 500 euros et n'avoir été remboursé que pour partie par la société Ertou, ainsi qu'une facture d'un montant de 4 066,50 euros établie par l'école et adressée à l'employeur de M. E.... Ces documents ne sont pas de nature à démontrer que ce dernier aurait dû supporter personnellement la charge des frais de scolarité dont il demande le remboursement. Il n'établit donc pas la réalité de son préjudice.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. E... avait signé, pour la période du 18 janvier au 10 décembre 2016, un contrat de professionnalisation prévoyant une rémunération d'un montant net mensuel de 897,84 euros. A la suite du refus illégal d'autorisation de travail du 14 mars 2016, il a bénéficié d'un contrat à durée déterminée, pour la période du mois de mai au 10 décembre 2016, prévoyant une rémunération nette mensuelle d'un montant de 715,28 euros nets. Par conséquent, durant la période du 1er mai au 10 décembre 2016, le préjudice de M. E... résulte de la différence entre les deux montants mensuels nets, soit la somme de 1 338,77 euros. S'il fait également valoir qu'il n'a perçu aucune rémunération au titre du mois d'avril 2016, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations ni aucune précision sur les raisons pour lesquelles son employeur n'aurait pas procédé au paiement de sa rémunération. Par suite, le préjudice résultant de la perte de revenus doit être évalué à la somme de 1 338,77 euros.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 5411-1 du code du travail : " A la qualité de demandeur d'emploi, toute personne qui recherche un emploi et demande son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi (...) ". S'agissant des travailleurs étrangers, l'article R. 5221-3 dudit code dispose que : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 3° Le titre de séjour portant la mention étudiant (...) ". En vertu de l'article R. 5221-48 du même code relatif aux conditions permettant à un étranger de s'inscrire sur la liste des demandeurs d'emploi : " Pour être inscrit, le travailleur étranger doit être titulaire de l'un des titres de séjour suivants : (...) 3° Une des cartes de séjour temporaires mentionnées aux 4°, 5°, 6° et 12° de l'article R. 5221-3 (...) ". Enfin, l'article R. 5221-26 du code du travail dispose : " L'étranger titulaire du titre de séjour ou du visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois mentionné au 3° de l'article R. 5221-3 portant la mention étudiant est autorisé à exercer une activité salariée, à titre accessoire, dans la limite d'une durée annuelle de travail égale à 964 heures (...).".
7. Il résulte de l'instruction que le refus de Pôle Emploi d'inscrire M. E... sur la liste des demandeurs d'emploi lui ouvrant droit au bénéfice du versement des allocations de retour à l'emploi a été motivé par " l'impossibilité d'authentifier le titre de séjour ou de travail " dont il aurait dû être titulaire. Par suite, la perte d'allocations-chômage est la conséquence directe du refus d'autorisation de travail illégale du 14 mars 2016. Toutefois, le requérant, qui se borne à faire valoir qu'il est demeuré en situation de privation d'emploi pendant six mois, sans autre précision, notamment quant au montant des allocations auxquelles il pouvait prétendre et à l'effectivité de ses recherches d'emploi pendant cette période, n'apporte aucun élément de nature à déterminer l'étendue de son préjudice. Par suite, sa demande au titre de ce préjudice ne peut qu'être rejetée.
8. En quatrième lieu, il sera fait une juste appréciation des conséquences de la décision illégale sur la situation personnelle du requérant en évaluant son préjudice moral à la somme de 1 000 euros.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les préjudices subis par M. E... du fait de l'illégalité du refus d'autorisation de travail du 14 mars 2016 s'élèvent à la somme totale de 2 338,77 euros. Par suite, les conclusions de sa requête tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 17 266,50 euros ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme C..., présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2021.
La rapporteure,
C. B...La présidente,
M. C... Le rapporteur,
C. B...La présidente,
M. C... Le rapporteur,
C. B...La présidente,
M. C... La greffière,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA01102 5