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25/06/2021 | FRANCE | N°20PA00591

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 25 juin 2021, 20PA00591


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, l'arrêté du 14 novembre 2016 de la rectrice de l'académie de Créteil le déclarant inapte définitivement et totalement à toutes fonctions à compter du 1er octobre 2014 et, d'autre part, les six arrêtés du 12 décembre 2016 par lesquels le recteur de l'académie de Créteil l'a placé en congé de longue durée par périodes de six mois entre le 1er octobre 2011 et le 30 septembre 2014.

Par un jugement n° 1700244 du 1

7 décembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, l'arrêté du 14 novembre 2016 de la rectrice de l'académie de Créteil le déclarant inapte définitivement et totalement à toutes fonctions à compter du 1er octobre 2014 et, d'autre part, les six arrêtés du 12 décembre 2016 par lesquels le recteur de l'académie de Créteil l'a placé en congé de longue durée par périodes de six mois entre le 1er octobre 2011 et le 30 septembre 2014.

Par un jugement n° 1700244 du 17 décembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et des mémoires, enregistrés le 17 février 2020, le 21 août 2020, le 18 février 2021 et le 31 mai 2021, M. F..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité, faute d'avoir visé et analysé l'ensemble des écritures des parties, en méconnaissance de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ;

- le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'une contradiction de motifs en ce que les premiers juges ne pouvaient à la fois considérer que le docteur Labaume-Lepeuve avait été désignée en qualité de membre du comité médical et considérer qu'elle n'avait siégé au comité qu'à titre consultatif ;

- les arrêtés attaqués sont entachés d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 dès lors que le docteur Labaume-Lepeuve, qui était membre du comité médical lors des séances des 9 septembre et 7 octobre 2016, ainsi qu'en atteste sa signature, ne pouvait être désignée comme experte pour donner un avis sur son état de santé ;

- cette dernière irrégularité l'a privé d'une garantie et a nécessairement exercé une influence sur le sens des arrêtés litigieux au sens de la jurisprudence " Danthony " ;

- le recteur de l'académie de Créteil n'établit pas que le docteur Labaume-Lepeuve n'aurait pas pris part au vote et aurait eu un rôle simplement consultatif lors des séances précitées du comité médical ;

- les arrêtés attaqués sont entachés d'un vice de procédure tiré de l'absence d'information du médecin de prévention des séances du comité médical des 9 septembre et 7 octobre 2016, en méconnaissance de l'article 18 du décret du 14 mars 1986 ;

- cette dernière irrégularité est de nature à le priver d'une garantie au sens de la jurisprudence " Danthony " ;

- le recteur de l'académie de Créteil ne pouvait saisir le comité médical pour avis sur une période totale de trois ans sans méconnaître l'article 36 du décret du 14 mars 1986 ;

- dès lors qu'il a été affecté au sein de l'académie de Créteil à compter du 14 novembre 2013, sa situation n'imposait aucune régularisation à compter de cette date ;

- le recteur de l'académie de Paris ne pouvait, par son arrêté du 14 novembre 2016, le déclarer inapte à l'exercice de toutes fonctions à compter du 1er octobre 2014 dès lors qu'à cette dernière date, il était apte à la reprise de ses fonctions au sein des zones de remplacement sur lesquelles il avait été affecté ;

- les arrêtés d'affectation dont il a fait l'objet ont régularisé sa situation administrative à compter du 14 novembre 2013 ;

- le ministre chargé de l'éducation nationale ne pouvait attendre plus de deux ans pour saisir le comité médical d'un avis sur son aptitude à exercer ses fonctions ;

- le docteur Labaume-Lepeuve, qui ne l'a reçu qu'une seule fois le 23 juin 2016, ne pouvait conclure à une inaptitude antérieure à cette date et ne l'a au demeurant pas fait ;

- les termes du rapport d'expertise du 23 juin 2016 n'étaient pas de nature à permettre au ministre chargé de l'éducation nationale, qui ne disposait d'aucun certificat médical à la date du 1er octobre 2014, de le déclarer inapte à l'exercice de toutes fonctions à compter de cette date ;

- les certificats du docteur Lisoprawski et du docteur Tanger démontrent qu'il était apte à l'exercice de ses fonctions entre 2012 et 2016 ;

- les décisions attaquées sont sans lien avec son état de santé réel dont l'inaptitude n'a été médicalement constatée que le 23 juin 2016.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le 24 novembre 2020 et le 21 mai 2021, le recteur de l'académie de Créteil conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., professeur certifié de philosophie affecté dans l'académie de Strasbourg, a bénéficié d'un congé de longue durée entre le 4 septembre 2006 et le 3 septembre 2008. Après que le ministre chargé de l'éducation nationale eut retiré, par deux arrêtés successifs en date des 8 juin 2011 et 29 juillet 2011, la décision d'affectation de M. F... dans l'académie de Créteil issue d'un arrêté ministériel collectif du 30 mars 2011, ce dernier a sollicité, par lettre du 23 septembre 2011, un nouveau congé de longue durée à compter du 1er octobre 2011. Le comité médical du Bas-Rhin a émis un avis favorable, dans sa séance du 8 juin 2012, à la prolongation de ce congé, précisant que M. F... était " totalement et définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions d'enseignant ainsi qu'à toute autres fonctions dans la fonction publique ". Par trois arrêtés du 1er octobre 2012, le recteur de l'académie de Strasbourg a placé M. F... en congé de longue durée pour la période globale du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014. Par un premier jugement n° 1205172 du 3 octobre 2013, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces derniers arrêtés et par un second jugement nos 1103379, 1104126 du même jour, ce tribunal a annulé les arrêtés ministériels précités du 8 juin 2011 et du 29 juillet 2011. En exécution de ce dernier jugement, le ministre chargé de l'éducation nationale a affecté M. F... dans l'académie de Créteil par courrier du 14 novembre 2013. Par un arrêté du 14 novembre 2016, la rectrice de l'académie de Créteil a déclaré M. F... " inapte définitivement et totalement à toutes fonctions à compter du 1er octobre 2014 ". Par six arrêtés du 12 décembre 2016, le recteur de l'académie de Créteil a placé M. F... en congé de longue durée non imputable au service par périodes successives de 6 mois jusqu'au 30 septembre 2014. M. F... relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2016 ainsi que des six arrêtés du 12 décembre 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

3. Aux termes de l'article 5 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel un comité médical ministériel compétent à l'égard des personnels mentionnés au 1er alinéa de l'article 14 ci-après. / Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...) ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Dans chaque département, un comité médical départemental compétent à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15 ci-après est constitué auprès du préfet. / La composition de ce comité est semblable à celle du comité médical ministériel prévu à l'article 5 (...) / Les membres du comité médical départemental sont désignés, pour une durée de trois ans, par le préfet parmi les praticiens figurant sur la liste prévue à l'article 1er du présent décret (...) ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de (...) l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : (...) 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée ; / 3. Le renouvellement de ces congés (...) Ils peuvent recourir, s'il y a lieu, au concours d'experts pris en dehors d'eux. Ceux-ci doivent être choisis suivant leur qualification sur la liste des médecins agréés, prévus à l'article 1er ci-dessus. Les experts peuvent donner leur avis par écrit ou siéger au comité à titre consultatif (...) ". Et aux termes de l'article 18 dudit décret : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion ; il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 ci-dessous. Le fonctionnaire intéressé et l'administration peuvent, en outre, faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical ou la commission de réforme ".

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le docteur Labaume-Lepeuve a été désignée, par arrêté du préfet du Val-de-Marne n° 2014/5173 du 14 avril 2014, pour une durée de trois ans à compter de cette dernière date, membre titulaire du comité médical départemental du Val-de-Marne, en qualité de psychiatre. Il résulte en outre de l'examen des procès-verbaux des deux séances de ce comité des 9 septembre 2016 et 7 octobre 2016 relatives à la situation de M. F... que le docteur Labaume-Lepeuve, qui y a apposé sa signature en tant que " membre du comité médical ", a également donné son avis par écrit sur la situation de l'intéressé en établissant un rapport d'expertise sur lequel s'est appuyé le comité pour émettre son avis. Dans ces conditions, et quelle que soit la qualité en laquelle le docteur Labaume-Lepeuve a siégé lors de ces deux séances, cette dernière ne pouvait, aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986, tout à la fois établir un rapport écrit sur l'état de santé de M. F... à destination du comité et siéger à celui-ci, fût-ce à titre consultatif en sa qualité d'experte. Cette irrégularité a eu pour effet de priver M. F... d'une garantie substantielle. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin de prévention aurait été informé, en application de l'article 18 précité du décret du 14 mars 1986, de la tenue des deux séances précitées des 9 septembre 2016 et 7 octobre 2016 du comité médical départemental. Cette irrégularité a eu pour effet de priver M. F... d'une autre garantie substantielle. Les deux irrégularités précitées sont, par suite, de nature à entacher d'illégalité l'ensemble des décisions attaquées.

5. Il résulte de tout de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ainsi que sur les autres moyens de la requête, M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. F... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700244 du Tribunal administratif de Melun du 17 décembre 2019 ainsi que l'arrêté du 14 novembre 2016 de la rectrice de l'académie de Créteil et les six arrêtés du recteur de l'académie de Créteil du 12 décembre 2016 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. F... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre chargé de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2021.

Le rapporteur,

P. B...

La présidente,

M. E... La greffière,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

No 20PA00591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00591
Date de la décision : 25/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de longue durée.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-25;20pa00591 ?
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