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25/06/2021 | FRANCE | N°19PA01455

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 25 juin 2021, 19PA01455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du recteur de l'académie de Paris des 9 février 2017 et 1er mars 2017 rejetant respectivement, d'une part, sa demande de retrait d'un document de son dossier administratif et sa demande de protection fonctionnelle et, d'autre part, sa demande d'imputabilité au service de l'accident survenu le 18 juin 2015, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté son recours hiérarchique diri

gé contre ces deux décisions.

Par un jugement n° 1712730/5-3 du 6 mar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du recteur de l'académie de Paris des 9 février 2017 et 1er mars 2017 rejetant respectivement, d'une part, sa demande de retrait d'un document de son dossier administratif et sa demande de protection fonctionnelle et, d'autre part, sa demande d'imputabilité au service de l'accident survenu le 18 juin 2015, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre ces deux décisions.

Par un jugement n° 1712730/5-3 du 6 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 avril 2019 et le 8 décembre 2020, Mme F..., représentée par Me C...-G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 6 septembre 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a refusé de retirer de son dossier administratif le rapport du 8 juillet 2015 de la proviseure du lycée professionnel régional (LPR) Corvisart-Tolbiac, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique en tant qu'il était dirigé contre cette décision ;

3°) d'annuler la décision du 9 février 2017 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique en tant qu'il était dirigé contre cette décision ;

4°) d'annuler la décision du 1er mars 2017 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 18 juillet 2015, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique en tant qu'il était dirigé contre cette décision ;

5°) d'enjoindre au ministre chargé de l'éducation nationale de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 18 juillet 2015 et d'en tirer les conséquences de droit, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

6°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce que, s'agissant du refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 18 juin 2015, il ne mentionne pas les textes précis sur lesquels il se fonde ;

- le jugement est insuffisamment motivé.

Sur la décision de refus de la protection fonctionnelle :

- elle a fait l'objet d'agissements constitutifs de harcèlement moral, ainsi que d'injures, qui auraient dû conduire le recteur de l'académie de Paris à lui accorder la protection fonctionnelle, en application du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- l'injure contenue dans le courriel du 18 juin 2015 lui était, sans aucun doute possible, destinée alors même qu'elle n'était pas expressément désignée ;

- la circonstance que la diffusion de ce courriel soit restée interne ne lui ôte pas son contenu insultant.

Sur la décision de refus de retrait du rapport du 8 juillet 2015 :

- le rapport du 8 juillet 2015 de Mme B., la proviseure, qui contient des éléments faux et mensongers, constitue en réalité une sanction disciplinaire déguisée et doit être retiré de son dossier administratif ;

- le contenu du rapport est totalement contredit par ses évaluations, tant celle réalisée par Mme B. moins deux mois seulement avant ledit rapport que celles de ses supérieurs réalisées postérieurement ; en outre, ses qualités professionnelles sont attestées par plusieurs enseignants du LPR Corvisart-Tolbiac ;

- en tout état de cause, il ne lui incombe pas de démontrer que les faits contenus dans ce rapport sont inexacts ; il incombe en revanche au ministre chargé de l'éducation nationale d'établir les faits et manquements allégués à son encontre dans ce rapport ;

- en l'absence totale de preuves du ministre tendant à établir les faits contenus dans le rapport, la matérialité de ceux-ci n'est pas établie.

Sur la décision de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 18 juillet 2015 :

- l'accident du 18 juin 2015 est imputable au service en vertu de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- ce dernier article, à le supposer même non applicable à la date de l'accident du 18 juin 2015, ne fait en tout état de cause que procéder à la codification de la jurisprudence antérieure en la matière ;

- l'accident de service a été reconnu par l'expertise du docteur L. du 10 janvier 2017.

Par des mémoires et une pièce complémentaire, enregistrés le 17 novembre 2020, le 31 décembre 2020 et le 12 mai 2021, le ministre chargé de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., adjointe administrative de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur depuis le 1er septembre 2013, affectée au secrétariat de la direction du lycée des Arts graphiques et du Livre Corvisart-Tolbiac (Paris 13ème), a fait, le 18 février 2016, une déclaration d'accident de service survenu sur son lieu de travail le 18 juin 2015, date à laquelle elle a reçu fortuitement un courriel de Mme B., proviseure du lycée, qui ne lui était normalement pas destiné et qui contenait un propos insultant dont elle estime qu'il la visait. A la suite d'un entretien avec Mme F... qui s'est tenu le 8 juillet 2015 à l'initiative de cette dernière, en présence de représentants syndicaux, ayant notamment pour objet ses conditions de travail, Mme B. a rédigé un rapport, daté du même jour, énonçant une série de griefs à l'encontre de Mme F... et faisant état de nombreuses insuffisances et carences dans sa manière de servir. Par décision du 6 septembre 2016, le recteur de l'académie de Paris a rejeté la demande de Mme F... tendant au retrait de ce rapport, dont cette dernière estime qu'il contient des appréciations dévalorisantes et mensongères à son égard. En outre, par décision du 9 février 2017, le recteur de l'académie de Paris a rejeté la demande de protection fonctionnelle formée par Mme F... en considération de l'agression dont elle estime avoir été victime le 18 juin 2015. Enfin, par décision du 1er mars 2017, l'autorité précitée a rejeté la demande de Mme F... d'imputabilité au service de l'accident relatif aux faits survenus le 18 juin 2015. Mme F... a formé un recours hiérarchique, par lettre du 8 avril 2017, à l'encontre des trois décisions ci-dessus mentionnées, qui a été implicitement rejeté par le ministre chargé de l'éducation nationale. Mme F... relève appel du jugement du 6 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des trois décisions précitées ainsi qu'à celle de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, l'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision rendue par une juridiction administrative " contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Le jugement attaqué du 6 mars 2019 comporte dans ses visas, la mention des textes dont il a fait application, notamment la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. En outre, en énonçant au considérant 14 du jugement qu'" il appartient à l'agent sollicitant la reconnaissance de l'imputabilité au service de démontrer l'existence du lien direct entre l'accident et l'affection, aucune présomption d'imputabilité au service n'existant du seul fait que l'accident soit survenu sur le lieu et durant les heures de travail ", les premiers juges ont suffisamment énoncé les éléments de droit sur lesquels ils se sont fondés pour rejeter la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident du 18 juin 2015 de Mme F.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit être écarté.

4. En second lieu, si Mme F... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

Sur la légalité de la décision de refus de protection fonctionnelle :

5. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations du fonctionnaire date de la décision : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". L'article 6 quinquiès de la même loi dispose que : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) ".

6. D'une part, les dispositions susvisées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Si la protection résultant de ces dispositions n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

7. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

En ce qui concerne les injures :

8. Il ressort des pièces du dossier que le courriel du 18 juin 2015 de la proviseure du lycée mentionné au point 1, adressé par le biais de sa messagerie professionnelle à 15 heures à deux personnes avec qui elle entretenait un lien de proximité manifeste, et transmis fortuitement également à Mme F..., contenait le terme de " salope " dont le ministre chargé de l'éducation nationale ne conteste pas qu'il visait la requérante, alors notamment que si cette dernière n'était pas explicitement désignée dans ce courriel, elle l'était à titre principal dans la pièce jointe qui l'accompagnait. Si un tel propos, contenu dans un courriel dont il n'est ni soutenu ni même allégué qu'il aurait revêtu un caractère purement privé, n'a pas été intentionnellement adressé à Mme F... qui n'en a eu connaissance qu'à la suite d'une erreur de transmission électronique, il n'en constitue pas moins une injure qui, si elle a été proférée, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs, est toutefois insusceptible de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par suite, Mme F..., à qui aucune faute personnelle ne peut en outre être imputée, est fondée à soutenir que la décision par laquelle le recteur de l'académie de Paris lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle est entachée d'illégalité. Par voie de conséquence, la décision implicite de rejet du ministre chargé de l'éducation nationale du recours hiérarchique de Mme F... en tant qu'il était dirigé contre cette décision de refus de protection fonctionnelle est également entachée d'illégalité.

En ce qui concerne les agissements constitutifs de harcèlement :

9. Mme F... soutient qu'elle aurait fait l'objet d'agissements de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. En premier lieu, elle invoque le fait que la direction du lycée lui aurait demandé d'assurer, en sus de ses fonctions, les missions de sa collègue en poste sur le site de Corvisart pour la période de congé de maternité de cette dernière. Toutefois, en l'absence de toute précision utile, un tel fait, qui ne saurait au demeurant être établi par le seul courriel du syndicat SPASEEN-FO Paris du 18 juin 2015 demandant à la proviseure du lycée un entretien concernant Mme F..., n'est pas susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

10. En second lieu, Mme F... invoque le rapport de la proviseure du 8 juillet 2015, mentionné au point 1, dont elle estime qu'il constitue une sanction disciplinaire déguisée et injustifiée. Toutefois, d'une part et contrairement à ce que soutient la requérante, notamment dans son recours hiérarchique, ce rapport ne contient ni propos à caractère insultant ou infamant ni injure à son égard et, d'autre part, si elle fait valoir que le rapport contient des accusations diffamatoires, cette allégation n'est accompagnée d'aucun commencement de preuve. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ce rapport aurait procédé, de la part de la proviseure, d'une volonté de sanctionner Mme F... et qu'il aurait été en tout état de cause accompagné d'une réduction des avantages de carrière de l'intéressée ou aurait eu incidence quelconque sur sa rémunération ou le déroulement de sa carrière. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que ce rapport s'apparenterait à une sanction déguisée et constituerait, en conséquence, un agissement de nature à faire naître une présomption de harcèlement moral exercé à son encontre.

11. Enfin, si le propos contenu dans le courriel de la proviseure du 18 juin 2015 justifiait, ainsi qu'il a été dit au point 8, l'octroi de la protection fonctionnelle à Mme F... au regard de son caractère d'injure, il n'a pas été porté à sa connaissance intentionnellement par son auteur et est demeuré isolé. Dès lors, ce propos ne saurait être regardé comme étant de nature à faire naître une présomption de harcèlement moral exercé à l'encontre de la requérante.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 11 qu'aucun des faits invoqués par Mme F... ne constitue un agissement de nature à faire naître une présomption de harcèlement moral exercé à son encontre. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le recteur de l'académie de Paris aurait dû lui accorder la protection fonctionnelle en considération de ces faits.

Sur la légalité de la décision de refus de retrait du rapport du 8 juillet 2015 :

13. Aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. / Il ne peut être fait état dans le dossier d'un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé. / Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi ".

14. En premier lieu et ainsi qu'il a été dit au point 10, le rapport du 8 juillet 2015 ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée infligée à Mme F.... En second lieu, il ne ressort pas de l'examen de ce rapport, qui intéresse la situation administrative de Mme F... et ne contient, contrairement à ce qu'elle soutient dans son recours hiérarchique, ni propos à caractère insultant ou infamant ni injure, qu'il contiendrait en outre des mentions prohibées par les dispositions susvisées de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983. En troisième lieu et ainsi qu'il a été également dit au point 10, si Mme F... soutient que ce rapport contient des accusations diffamatoires, elle ne l'établit pas. Enfin, il est constant que Mme F... a été invitée, par la lettre du recteur de l'académie de Paris du 6 septembre 2016 ayant pour objet sa demande de retrait de ce rapport de son dossier administratif, à faire parvenir au service gestionnaire des observations écrites sur ce rapport, dont il lui a été indiqué qu'elles seraient jointes à ce dossier. Par suite, le recteur de l'académie de Paris a pu légalement refuser de procéder au retrait du rapport précité du dossier administratif de la requérante.

Sur la légalité de la décision de refus d'imputabilité au service de l'accident du

18 juin 2015 :

15. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".

16. D'autre part, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. Doit être regardé comme un accident un événement précisément déterminé et daté, caractérisé par sa violence et sa soudaineté, à l'origine de lésions ou d'affections physiques ou psychologiques qui ne trouvent pas leur origine dans des phénomènes à action lente ou répétée auxquels on ne saurait assigner une origine et une date certaines.

17. Mme F... soutient que le courriel injurieux du 18 juin 2015, dont elle a eu connaissance sur le lieu et pendant les heures de travail, a été inattendu et brutal et lui a causé un choc émotionnel. L'existence de ce dernier n'est pas sérieusement contestée par le ministre chargé de l'éducation nationale et se trouve au demeurant confirmée par le rapport de l'expert, en date du 10 janvier 2017, qui mentionne l'existence d'une affection psychologique, apparue à compter du 21 septembre 2015, résultant de la réception de ce courriel. Par suite, compte tenu, d'une part, de la violence et de la soudaineté de cet événement et, d'autre part, de l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant celui-ci du service, le choc émotionnel subi par Mme F... doit être regardé comme présentant le caractère d'un accident de service. Par suite, Mme F... est fondée à soutenir que la décision par laquelle le recteur de l'académie de Paris a refusé l'imputabilité au service de l'accident du 18 juin 2015 est entachée d'illégalité. Par voie de conséquence, la décision implicite de rejet du ministre chargé de l'éducation nationale du recours hiérarchique de Mme F... en tant qu'il était dirigé contre cette décision de refus d'imputabilité est également entachée d'illégalité.

18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme F... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'elle est dirigée, d'une part, contre la décision du 9 février 2017 du recteur de l'académie de Paris refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'autre part, contre la décision du 1er mars 2017 du recteur de l'académie de Paris refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 18 juillet 2015 et enfin, contre la décision implicite de rejet du ministre chargé de l'éducation nationale de son recours hiérarchique en tant qu'il était dirigé contre les deux décisions précitées des 9 février 2017 et 1er mars 2017.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

19. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

20. Le présent arrêt, eu égard au motif de légalité interne qui fonde l'annulation de la décision de refus d'imputabilité au service de l'accident survenu le 18 juillet 2015, implique nécessairement que le ministre chargé de l'éducation nationale prenne une décision reconnaissant l'imputabilité au service de cet accident et en tire ensuite les conséquences qui s'y attachent, notamment concernant la prise en charge des arrêts de maladie, des honoraires médicaux et des frais de Mme F... directement entraînés par lui. Cette mesure devra intervenir dans le délai de deux mois à compter de la notification au ministre chargé de l'éducation nationale du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme F... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1712730/5-3 du Tribunal administratif de Paris du 6 mars 2019, en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de Mme F... dirigées contre les décisions du 9 février 2017 et du 1er mars 2017 du recteur de l'académie de Paris refusant respectivement de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 18 juillet 2015 et contre la décision implicite du ministre chargé de l'éducation nationale de rejet de son recours hiérarchique en tant qu'il était dirigé contre les deux décisions précitées, ainsi que l'ensemble de ces décisions, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre chargé de l'éducation nationale de prendre une décision de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident survenu le 18 juillet 2015 à Mme F... et d'en tirer ensuite les conséquences qui s'y attachent, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F... et au ministre chargé de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2021.

Le rapporteur,

P. A...

La présidente,

M. D... La greffière,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

No 19PA01455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01455
Date de la décision : 25/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SERRANO-BENTCHICH

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-25;19pa01455 ?
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