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24/06/2021 | FRANCE | N°20PA03598

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 juin 2021, 20PA03598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2009168 du 26 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal

administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2009168 du 26 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2009168 du 26 octobre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle en ce qu'elle vise le 1er du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il est entré régulièrement sur le territoire français ;

- elle méconnaît les articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation professionnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un courrier du 27 avril 2021, la Cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet de police a obligé M. C... à quitter le territoire dans le délai de trente jours pouvait être légalement fondé, par substitution de base légale avec le même pouvoir d'appréciation et sans priver l'intéressé d'aucune garantie, sur les dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au lieu du 1° du I du même article s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français (Conseil d'État, 3 décembre 2003, Préfet de la Seine-Maritime c. M. A... B..., n° 240267).

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2021, le préfet de police a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien, né le 1er mai 1988, entré régulièrement en France le 19 mars 2014 sous couvert d'un visa Schengen valable trois mois du 5 mars 2014 au 4 juin 2014, déclare s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration du délai de validité de son visa. Il a été interpelé dans le cadre d'un contrôle d'identité sans passeport ni document l'autorisant à séjourner sur le territoire français. Par un arrêté du 17 août 2020, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... fait appel du jugement du 26 octobre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

2. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". De même, aux termes de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. ".

3. Les décisions contestées visent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les articles L. 511-1 et suivants de ce code. Elles indiquent également en particulier que M. C... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et que l'intéressé est dépourvu de titre de séjour en cours de validité. De même, elles mentionnent que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont suffisamment motivées.

En ce qui concerne les moyens propres à l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, s'il n'est pas contesté que M. C... justifiait d'une entrée régulière sur le territoire français, sous couvert d'un visa Schengen, il est constant que le requérant s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il s'ensuit que si la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette mesure d'éloignement, motivée par l'irrégularité du séjour de M. C..., trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du I du même article qui peuvent être substituées à celles du 1° du I dès lors que cette substitution de base légale, dont les parties ont été informées de ce que la Cour entendait y procéder, n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. C... doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, si M. C... soutient que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant que ce dernier n'a pas déposé de demande de titre de séjour. En tout état de cause, les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il entend se prévaloir ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France, notamment pour y exercer une activité professionnelle. Enfin, le requérant ne peut pas utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 qui ne contient pas de lignes directrices mais de simples orientations générales et est dépourvue de tout caractère règlementaire.

6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

7. M. C... soutient que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où réside depuis le mois de mars 2014 en France et où il a fixé en France sa vie professionnelle. Toutefois, s'il justifie avoir exercé les fonctions d'agent de nettoyage et de laveur de voitures du mois de novembre 2016 au mois de juillet 2017 puis du mois d'août 2019 au mois de juillet 2020, il est constant que ces activités salariées à temps partiel ont été exercées sans autorisation de travail et n'attestent pas d'une insertion sociale et professionnelle d'une particulière intensité. Ainsi, au regard des conditions et de la durée du séjour de M. C... en France, la décision d'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. En l'absence d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par le requérant n'implique par lui-même aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. C..., partie perdante, doivent dès lors être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme E..., premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2021.

Le rapporteur,

I. E...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA03598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03598
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SELARLU HAGEGE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-24;20pa03598 ?
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