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24/06/2021 | FRANCE | N°20PA01998

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 juin 2021, 20PA01998


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1819796 du 23 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés le 31 juillet 2020 et le 9 décembre 2020, le mi

nistre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour :

1°) d'annuler les art...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1819796 du 23 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés le 31 juillet 2020 et le 9 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 23 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de remettre à la charge de M. B... la cotisation primitive d'impôt sur le revenu de 364 001 euros, les cotisations supplémentaires des prélèvements sociaux de 278 123 euros et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 71 712 euros.

Le ministre de l'économie, des finances et de la relance soutient que :

- M. B... supporte la charge de la preuve en raison de la procédure poursuivie ;

- la définition des gains nets retenue par les premiers juges est contraire aux dispositions légales établies à l'article 11 de l'article 150-0 D du code général des impôts ;

- M. B... ne peut bénéficier de l'interprétation administrative de la loi fiscale, annulée par la décision du Conseil d'Etat, n° 390265, du 12 novembre 2015, dans la mesure où il ne l'a pas appliquée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2020, et un mémoire enregistré le 7 janvier 2021, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet du recours.

M. B... soutient que :

- les montants des plus ou moins-values de cession doivent être réduits de l'abattement pour durée de détention applicable, avant leur compensation au titre de l'impôt sur le revenu 2015, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif de Paris ;

- la doctrine administrative BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-10-20150320 au paragraphe 10, en vigueur au moment du fait générateur des impositions, prévoyait que " le montant de la plus-value de cession, ainsi que celui de la moins-value de cession, sont [...] réduits de l'abattement pour durée de détention " et ce, avant leur compensation. Le mode de calcul retenu par l'administration est contraire à sa propre doctrine qui n'avait pas été rapportée à la date des cessions. Cette doctrine publiée par le service le 20 mars 2015 a été rapportée que le 4 mars 2016 soit postérieurement au fait générateur de l'impôt à savoir la cession des actions des sociétés Javanech et Caref. Il doit ainsi bénéficier de la garantie prévue à l'alinéa 2 de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a cédé les 12 février, 16 novembre et 3 décembre 2015 des actions qu'il détenait dans les sociétés Caref et Janavech. Il a déclaré pour l'année 2015 une plus-value imposable de 966 186 euros correspondant à une plus-value de cession d'un montant de 2 760 531 euros et porté une mention expresse de sept pages intitulée " note annexe aux déclarations n° 2074 au titre de l'année 2015 " commentant le détail des plus-values déterminées par ses soins dans la déclaration. Par réclamation contentieuse du 18 mars 2018, M. B... a entendu corriger sa réclamation en déclarant qu'il n'avait pas réalisé une

plus-value de 966 186 euros, mais, au contraire, une moins-value de 410 791,45 euros, et a demandé le dégrèvement total des impositions qui ont résulté de sa déclaration initiale. Par un jugement n° 1819796 du 23 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande sur le terrain de l'application de la loi fiscale. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale au gain de cession :

2. Aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts dans sa version applicable : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci diminué, le cas échéant, des réductions d'impôt effectivement obtenues dans les conditions prévues à l'article 199 terdecies-0 A, ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. / Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux ou retirés du rachat d'actions, de parts de sociétés, de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés à l'article 150-0 A, ainsi que les distributions mentionnées aux 7,7 bis et aux deux derniers alinéas du 8 du II du même article, à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. (...) 1 ter. L'abattement mentionné au 1 est égal à : / a) 50 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans à la date de la cession ou de la distribution ; / b) 65 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession ou de la distribution ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 150-0 A, 150-0 D, 200 A et 158 du code général des impôts (CGI) que les gains nets imposables sont calculés après imputation par le contribuable sur les différentes plus-values qu'il a réalisées, avant tout abattement, des moins-values de même nature qu'il a subies au cours de la même année ou reportées, pour le montant et sur les plus-values de son choix, et que l'abattement pour une durée de détention s'applique au solde ainsi obtenu, en fonction de la durée de détention des titres dont la cession a fait apparaître les plus-values subsistant après imputation des

moins-values. Dès lors, l'abattement ne pouvait, sur le terrain de l'application de la loi fiscale, être appliqué avant la prise en compte des moins-values de même nature subies au cours de la même année.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale publiée par l'administration pour le calcul d'un gain ou d'une perte de cession :

S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux correspondants :

4. M. B... entend, sur le fondement du 2ème alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, opposer à l'administration sa doctrine publiée le 20 mars 2015 sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-10- 20150320, et rapportée postérieurement aux dates de cessions à l'origine des plus-values litigieuses, le 4 mars 2016, qui précise que " le montant de la plus-value de cession, ainsi que celui de la moins-value de cession, sont [...] réduits de l'abattement pour durée de détention ", c'est-à-dire avant toute compensation.

5. Il résulte de l'instruction que M. B..., dans sa déclaration initiale, ainsi que dans la mention expresse jointe à celle-ci du 17 mai 2016, n'a pas appliqué cette interprétation, comme il lui aurait été pourtant loisible de le faire au moins pour les plus-values réalisées à l'occasion des cessions ayant eu lieu avant la décision du Conseil d'État, n° 390265, du 12 novembre 2015 annulant pour excès de pouvoir notamment ce paragraphe. Il n'a entendu réclamer le bénéfice de ce mode de calcul de la plus-value, qui aurait conduit selon cette réclamation à une moins-value de 410 791,45 et non à la plus-value de 966 186 euros qu'il avait lui-même déclarée, qu'à l'occasion de sa réclamation du 8 mars 2018, alors que cette doctrine avait été rapportée, et n'était plus opposable à l'administration. Il n'est donc pas fondé à solliciter rétroactivement le bénéfice d'une doctrine qu'il n'a pas lui-même appliquée pour calculer le gain litigieux.

S'agissant de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus :

6. Aux termes du I de l'article 223 sexies du code général des impôts : " 1. Il est institué à la charge des contribuables passibles de l'impôt sur le revenu une contribution sur le revenu fiscal de référence du foyer fiscal, tel que défini au 1° du IV de l'article 1417 sans qu'il soit tenu compte des plus-values mentionnées au I de l'article 150-0 B ter, retenues pour leur montant avant application de l'abattement mentionné au 1 de l'article 150-0 D, pour lesquelles le report d'imposition expire et sans qu'il soit fait application des règles de quotient définies à l'article 163-0 A (...). 2. La contribution est déclarée, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu. II.-1. Toutefois si, au titre de l'année d'imposition à la contribution mentionnée au 1 du I, le revenu fiscal de référence du contribuable est supérieur ou égal à une fois et demie la moyenne des revenus fiscaux de référence des deux années précédentes, la fraction du revenu fiscal de l'année d'imposition supérieure à cette moyenne est divisée par deux, puis le montant ainsi obtenu est ajouté à cette même moyenne. La cotisation supplémentaire ainsi obtenue est alors multipliée par deux ". Il résulte de ces dispositions que l'assiette de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus est constituée du revenu fiscal de référence de l'année au cours de laquelle l'imposition est établie.

7. En l'absence de modification du revenu fiscal de référence du contribuable comme il a été dit aux points 2 à 5, l'administration est également fondée à demander le rétablissement de la cotisation initiale et supplémentaire de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qu'elle avait mis en recouvrement conformément aux dispositions précitées de l'article 223-1 sexies du code général des impôts.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B.... Les articles 1er et 2 de ce jugement doivent ainsi être annulés et les impositions et prélèvements sociaux en cause remis à la charge de M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1819796 du 23 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. B... a été assujetti en raison de la cession de ses parts et actions au cours de l'année 2015, des prélèvements sociaux correspondants et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus pour l'année 2015 sont remis à sa charge.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. D... B....

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (Service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 24 juin 2021.

Le rapporteur,

B. C...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01998

6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01998
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Bruno SIBILLI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : HOCHE SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-24;20pa01998 ?
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