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23/06/2021 | FRANCE | N°20PA03520

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre, 23 juin 2021, 20PA03520


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, 2011 et 2012 et des pénalités dont elles ont été assorties.

Par un jugement n° 1821560/2-3 du 22 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2020, M. D..., rep

résenté par Me C... E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1821560/2-3 du 22 octo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, 2011 et 2012 et des pénalités dont elles ont été assorties.

Par un jugement n° 1821560/2-3 du 22 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2020, M. D..., représenté par Me C... E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1821560/2-3 du 22 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration fiscale, sur laquelle repose la charge de la preuve de la validité de l'engagement de la procédure d'évaluation d'office, n'a apporté aucun document de nature à établir la régularité de la mise en oeuvre de cette procédure à défaut d'avoir justifié qu'il a exercé une activité occulte génératrice de revenus imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et qu'il a méconnu ses obligations déclaratives ;

- la proposition de rectification n'est pas motivée ;

- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;

- il n'exerce pas l'activité de loueur en meublé dont les revenus devraient être imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; les biens dont il est propriétaire rue Budé, dans le IVème, rue de Belfort, dans le XIème et rue Jacques Coeur, dans le XIVème, et qu'il a loués sans l'intention de les louer meublés étaient vides de meubles et dépourvus de tout équipement essentiel ; l'examen de sa situation fiscale personnelle n'a pas permis d'établir qu'il avait engagé des dépenses pour l'achat de mobilier ;

- l'application de la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts n'est pas justifiée dès lors qu'il n'avait aucun bénéfice industriel et commercial à déclarer ; en application des dispositions du II de l'article 1758 A, l'administration ne peut cumuler cette majoration de 10 % avec celles de 40 % et 80 % prévues par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ;

- l'application de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts aux rappels de revenus fonciers n'est pas justifiée dès lors que l'administration n'établit pas qu'il aurait omis de déclarer des revenus dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et qu'il aurait eu l'intention d'éluder l'impôt ;

- l'application de la majoration de 80 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts aux rappels de bénéfices industriels et commerciaux n'est pas justifiée dès lors qu'il n'a exercé aucune activité de loueur en meublé, qu'il a déclaré ses revenus dans la catégorie des revenus fonciers et qu'il n'a eu aucune intention d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable à défaut de comporter une critique du jugement attaqué ;

- les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève appel du jugement n° 1821560/2-3 du 22 octobre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux restant à sa charge au titre des années 2008, 2009, 2011 et 2012 et des pénalités dont elles ont été assorties.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics :

2. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de la relance, la requête présentée par M. D... ne se borne pas à reprendre ses écritures de première instance mais développe également une critique du jugement attaqué. La fin de non-recevoir qu'il soulève ne peut, dès lors qu'être écartée.

Sur les bénéfices industriels et commerciaux :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : / 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / (...) ". Il appartient à l'administration qui entend procéder à la taxation d'office d'un revenu professionnel pour défaut de déclaration d'établir que le contribuable exerce une activité professionnelle génératrice de revenus.

4. D'autre part, aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que la location, à titre habituel, d'un logement meublé constitue une activité commerciale imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et non dans celle des revenus fonciers.

5. L'administration fiscale a estimé, au vu des renseignements obtenus dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de plusieurs établissements bancaires, de l'agence de location immobilière (Tripinkit Yellowstay), d'un locataire (M. A... / F...) et de la plateforme Internet Airbnb, que M. D... avait retiré d'une activité commerciale de loueur en meublé, pour laquelle il ne s'était pas fait connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises ni n'avait déposé de déclaration, des revenus qu'elle a taxés d'office dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

6. Toutefois, l'administration fiscale, si elle invoque le fait que M. D... avait, postérieurement à la radiation de son activité de marchand de biens en tant qu'exploitant individuel du 23 avril 2001 au 23 décembre 2003, acquis plusieurs logements dont ceux sis rue Budé et rue Jacques Coeur dans le IVème arrondissement et rue de Belfort dans le XIème arrondissement de Paris, qu'il avait donnés en location, ne produit aucun document de nature à établir que la location de ces logements était consentie meublée. S'agissant de l'appartement sis rue Budé, elle se prévaut d'une attestation établie le 21 mars 2014 par le gérant de l'agence Tripinkit Yellowstay, qu'elle ne produit pas, alors qu'il ressort d'une attestation dudit gérant, produite au dossier par M. D..., d'une part que l'agence Tripinkit Yellowstay n'a été chargée de la location de cet appartement que de janvier 2008 à septembre 2009, ce que confirme l'administration qui indique elle-même que, depuis le mois d'octobre 2009, ce bien est loué à un cabinet d'avocats qui s'est chargé de son aménagement, d'autre part que l'installation de mobilier a été prise en charge par l'agence elle-même, le loyer versé au requérant étant réduit en conséquence, ce qui laisse supposer qu'il s'agissait, pour l'intéressé, d'une location nue. S'agissant de l'appartement sis rue Jacques Coeur, l'administration se prévaut de réponses apportées par la société Delcasin, locataire, à ses demandes de communication, mais qu'elle ne produit pas. S'agissant, enfin, de l'appartement sis rue de Belfort, elle se prévaut de ce que la location était effectuée par l'intermédiaire de la plateforme Airbnb ainsi que d'un courriel de la société gérant cette plateforme, dans lequel il est pourtant indiqué que cette société " n'est pas en mesure de donner des informations sur le statut meublé ou non meublé " de l'appartement loué par son intermédiaire, l'administration ne produisant, par ailleurs, aucun document de nature à démontrer que les locations proposées via cette plateforme seraient toujours consenties meublées par le propriétaire. Dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'exercice par M. D... d'une activité non déclarée de loueur en meublé.

7. Il suit de là que M. D... est fondé à soutenir que la procédure de taxation d'office appliquée au titre rappels de bénéfices industriels et commerciaux est entachée d'irrégularité et à obtenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, notamment ceux afférents à la régularité de la procédure qui ne concernent que lesdits rappels, la décharge des impositions qui lui ont été assignées à ce titre, ensemble les pénalités y afférentes.

Sur les revenus fonciers :

8. M. D..., qui ne conteste pas le bien-fondé des rectifications opérées dans la catégorie des revenus fonciers, soutient seulement que la majoration de 10 % prévue au I de l'article 1758 A du code général des impôts n'est pas applicable et que celle de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du même code n'est pas justifiée.

9. D'une part, aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. / II. - Cette majoration n'est pas applicable : / a) En cas de régularisation spontanée ou lorsque le contribuable a corrigé sa déclaration dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration ; / b) Ou lorsqu'il est fait application des majorations prévues par les b et c du 1 de l'article 1728, par l'article 1729 ou par le a de l'article 1732 ".

10. Il résulte de l'instruction et, notamment de la proposition de rectifications 3924-E-SD du 15 juillet 2014, que l'administration fiscale a non seulement appliqué la majoration de 10 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1758 A du code général des impôts aux rappels en matière de revenus fonciers au titre de l'année 2011 mais également la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du même code. Il suit de là que M. D... est fondé à soutenir qu'en application des dispositions du II de l'article 1758 A, l'administration fiscale ne pouvait lui appliquer cumulativement ces deux majorations. Il y a lieu, en conséquence, de prononcer la décharge de la majoration de 10 % appliquée, pour un montant de 1 622 euros.

11. D'autre part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...). / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis ".

12. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectifications afférente aux revenus fonciers que l'administration fiscale a appliqué la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts aux rectifications opérées au titre des années 2011 et 2012 en raison de la réintégration dans les revenus fonciers de charges correspondant à des dépenses de réparation et à des intérêts que M. D... n'a pu justifier. Eu égard à l'importance de ces déductions et à l'absence de toute justification, l'administration doit être regardée comme démontrant l'existence de manquements délibérés justifiant l'application de la majoration de 40 %.

Sur l'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales :

13. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. / (...) ".

14. En l'absence de litige né et actuel avec le comptable public responsable du remboursement des sommes dont la décharge est prononcée par le présent arrêt, les conclusions de M. D... tendant au paiement des intérêts moratoires sont prématurées et ne peuvent donc qu'être rejetées.

15. Il résulte de ce qui précède que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui lui ont été assignés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2008, 2009, 2011 et 2012 et des pénalités y afférentes, ainsi qu'à la décharge de la majoration de 10 % prévue par les dispositions de l'article 1758 A du code général des impôts appliquée aux impositions supplémentaires mises à sa charge dans la catégorie des revenus fonciers au titre de l'année 2011. Il y a lieu, de prononcer la décharge de ces impositions et majoration et de réformer, dans cette mesure, le jugement attaqué. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : M. D... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux qui lui ont été assignés au titre des années 2008, 2009, 2011 et 2012 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ainsi que des pénalités y afférentes.

Article 2 : M. D... est déchargé de la majoration de 10 % appliquée aux impositions des revenus fonciers de l'année 2011.

Article 4 : Le jugement n° 1821560/2-3 du 22 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme G..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2021.

Le rapporteur,

S. G...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03520


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03520
Date de la décision : 23/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET LAGHOUTARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-23;20pa03520 ?
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