Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, d'annuler la décision du 30 juillet 2018 par laquelle le directeur des ressources humaines de la Polynésie française a refusé de lui verser la seconde fraction de l'indemnité d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre à la Polynésie française de lui verser la somme totale de 19 006,03 euros, soit 2 260 180 francs CFP, correspondant au montant de l'indemnité forfaitaire qui lui est due, ainsi que les intérêts au taux légal et leur capitalisation.
Par un jugement no 1800355 du 21 mai 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement no 1800355 du 21 mai 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler la décision du 30 juillet 2018 du directeur des ressources humaines de la Polynésie française ;
3°) d'enjoindre à la Polynésie française de lui verser la somme totale de 19 006,03 euros, soit 2 260 180 francs CFP, dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt, avec intérêts calculés à la date de la demande du 16 mars 2018, et capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge du gouvernement de la Polynésie française la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le Tribunal a reconnu à l'administration le bénéfice de la possibilité d'abrogation prévue au 1° de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration, sans le viser, et sans rechercher si une condition de versement de l'indemnité n'était plus remplie ;
- l'auteur de la décision était incompétent pour la prendre ;
- la décision du 30 juillet 2018 a retiré les arrêtés du 13 octobre 2014 et du 4 août 2016 après l'expiration du délai de 4 mois prévu par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2020, la Polynésie française, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions du code des relations entre le public et l'administration ne sont pas applicables aux relations entre l'administration de la Polynésie française et les fonctionnaires de l'Etat détachés auprès d'elle ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juillet 2020 à 12h.
Un mémoire, présenté pour M. B..., a été enregistré le 21 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la délibération n° 98-145 APF du 10 septembre 1998 ;
- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., directeur d'hôpital hors classe, placé par arrêté du 10 juin 2014 en position de détachement auprès du ministère de la santé de la Polynésie française, a été affecté en qualité de directeur de l'hôpital d'Utuora le 13 octobre 2014. Par arrêté du 1er juillet 2016, la directrice générale du centre national de gestion a prononcé son admission à la retraite à compter du 15 septembre 2016. Le ministre chargé de la fonction publique de la Polynésie française, par arrêté du 4 août 2016, a notamment constaté que M. B... avait cessé de séjourner en Polynésie française le 14 septembre 2016 et déclaré qu'il avait droit au bénéfice de la seconde fraction d'indemnité d'éloignement due au titre du premier séjour, en application de l'article 14 de la délibération n° 98-145 APF du 10 septembre 1998 relative au régime applicable aux fonctionnaires civils et militaires en position de détachement auprès du territoire de la Polynésie française et de ses établissements publics et de l'article 3 du décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. M. B... a demandé, le 16 mars 2018, le versement de cette seconde fraction d'indemnité d'éloignement, qui lui a été refusé par une décision du 30 juillet 2018 du directeur des ressources humaines de la Polynésie française. Il fait appel du jugement du 21 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 juillet 2018.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer ou abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. Le caractère créateur de droits de l'octroi de cet avantage ne fait toutefois pas obstacle, soit à ce que la décision d'attribution soit abrogée si les conditions auxquelles est subordonnée cette attribution ne sont plus remplies, soit à ce que l'autorité chargée de son exécution, constatant que ces conditions ne sont plus remplies, mette fin à cette exécution, en ne versant pas cet avantage financier, sans qu'il soit nécessaire, dans ce dernier cas, d'abroger expressément la décision d'attribution de cet avantage.
3. Par la décision du 30 juillet 2018, la Polynésie française a abrogé la décision créatrice de droits par laquelle, à l'article 9 de l'arrêté du 4 août 2016, elle s'était reconnue débitrice envers M. B... de la deuxième fraction de l'indemnité de résidence prévue par les dispositions combinées de l'article 14 de la délibération n° 98-145 APF et du décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996. Il n'est néanmoins pas contesté que l'intéressé ne pouvait légalement bénéficier de cette indemnité, dès lors que celle-ci lui avait déjà été versée lors de son affectation à Mayotte entre 2011 et 2014 ainsi qu'il en avait informé la Polynésie française dans un courriel du 16 septembre 2016, et qu'il n'avait pas réalisé avant son affectation en Polynésie française une période de services de deux ans au moins accomplie en dehors de toute collectivité ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité, en méconnaissance de l'article 4 du décret du 27 novembre 1996. Dès lors que la satisfaction de cette condition devait seulement être vérifiée avant que soit accordé à M. B... le droit au versement de cette deuxième fraction de l'indemnité de résidence, sans que son respect soit appelé ensuite à être de nouveau examiné, celle-ci ne pouvait être regardée comme un avantage dont la condition d'attribution n'était plus remplie. Par suite, la Polynésie française ne pouvait légalement abroger la décision créatrice de droits après le délai de quatre mois courant à compter de l'arrêté du 4 août 2016.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 juillet 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la Polynésie française verse à M. B... la deuxième fraction de l'indemnité de résidence à laquelle l'arrêté du 4 août 2016 lui donnait droit. Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la Polynésie française d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
6. D'une part, M B... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à la deuxième fraction de l'indemnité de résidence litigieuse à compter du 28 mars 2018, date de réception de sa demande de versement par la Polynésie française.
7. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 11 octobre 2018 dans la requête de première instance. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 28 mars 2019, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, la somme que demande la Polynésie française à ce titre. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées par M. B... sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement no 1800355 du 21 mai 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.
Article 2 : La décision du 30 juillet 2018 du directeur des ressources humaines de la Polynésie française est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la Polynésie française de verser à M. B... la deuxième fraction de l'indemnité de résidence à laquelle l'arrêté du 4 août 2016 lui donnait droit, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2018. Les intérêts échus le 28 mars 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : La Polynésie française versera à M. B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2021.
Le rapporteur,
A. D...Le président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02268 2