Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2000661 du 2 février 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de Mme E... dans un délai de deux mois.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21PA01147 le 5 mars 2021, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 19 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 2 février 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit au moyen tiré d'un vice de procédure ;
- les autres moyens soulevés par Mme E... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2021, Mme E..., représentée par Me Roques, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle demande en outre à la Cour, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire, mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois sous astreinte de 10 euros par jour de retard.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 21PA01449 le 19 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 2 février 2021.
Il soutient qu'il fait valoir des moyens sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de ce jugement, le rejet de la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif, et que l'exécution du jugement risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2021, Mme E..., représentée par Me Roques, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'exécuter le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du
2 février 2021.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 10 mai 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante marocaine née le 1er juillet 1944 à Meknes (Maroc), est entrée en France le 25 avril 2017. Elle a obtenu un premier titre de séjour temporaire, mention " vie privée et familiale ", dont elle a, le 13 décembre 2018, demandé le renouvellement. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, par un arrêté du 13 décembre 2019, a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, par une requête n° 21PA01147, fait appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et, par une requête n° 21PA01449, demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur la requête n° 21PA01449 :
2. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur la requête n° 21PA01147 :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".
4. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis, le Tribunal administratif de Montreuil a relevé que le préfet n'établissait pas que le médecin rapporteur n'avait pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Il ressort toutefois de l'avis émis le 24 juin 2019 par le collège de médecins concernant
Mme E..., et du bordereau établi le même jour par l'OFII pour la transmission de cet avis au préfet, produits pour la première fois en appel, que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein de ce collège. Le préfet de la Seine-Saint-Denis est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a, pour ce motif, annulé l'arrêté en litige comme intervenu au terme d'une procédure irrégulière.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... devant le Tribunal administratif de Montreuil, et en appel.
Sur les autres moyens soulevés par Mme E... :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-1062 du 29 avril 2019, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis le
29 avril 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. D... B...,
sous-préfet du Raincy, en matière de droit au séjour des étrangers. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit donc être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'arrêté en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les articles L. 313-11, 11°) et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée, en se référant notamment à l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII. Ainsi, il est suffisamment motivé.
8. En troisième lieu, si Mme E... laisse entendre que la procédure suivie pour l'adoption de l'arrêté en litige aurait pu être irrégulière en l'absence d'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, et en raison du non-respect de la collégialité au sein de cette instance, elle n'assortit sa contestation sur ce point d'aucune précision, alors que l'avis a été produit par le préfet de la Seine-Saint-Denis devant la Cour, et qu'il a été adopté à la suite d'une délibération collégiale le 24 juin 2019.
9. En quatrième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté en litige que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait cru en situation de compétence liée compte tenu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, ou qu'il ne se serait pas livré à un examen sérieux de la situation de Mme E....
10. En cinquième lieu, si les certificats médicaux produits par Mme E... confirment que son état de santé, caractérisé par une tachycardie supraventriculaire, un diabète non insulino dépendant et un syndrome d'apnée du sommeil, nécessite un suivi médical dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ils ne permettent pas de retenir qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays, et que l'arrêté en litige aurait été pris en méconnaissance des dispositions, citées au point 3, de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Si Mme E... fait valoir qu'elle vit en France depuis le mois d'avril 2017 aux cotés de sa fille qui la prend en charge, de son gendre et de leurs quatre enfants, elle ne conteste pas que ses trois autres enfants résident au Maroc, et n'établit pas par la seule production d'attestations signées de leur main, qu'ils ne pourraient la prendre en charge. Elle ne conteste pas davantage la présence de ses huit frères et sœurs au Maroc. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus, ou qu'il reposerait sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.
13. En septième lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, l'exception tirée de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et les moyens tirés de violations du 10°) de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation, invoqués à l'encontre de la mesure d'obligation de quitter le territoire français, doivent, de même que l'exception tirée de l'illégalité de cette mesure à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 13 décembre 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction de Mme E... :
15. Le présent arrêt n'appelle, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, aucune mesure d'exécution.
16. Il n'appartient en tout état de cause pas à la Cour, dans le cadre du présent litige, de connaître des conclusions de Mme E... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'exécuter le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du
2 février 2021.
Sur les conclusions de Mme E... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à qu'il soit fait droit à ces conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 21PA01449.
Article 2 : Le jugement n° 2000661 du Tribunal administratif de Montreuil du 2 février 2021 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... E....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2021.
Le rapporteur,
J-C. C...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°S 21PA01147 - 21PA01449 2