Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Air Algérie a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision R/18-0424 du 26 septembre 2018, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros sur le fondement des articles L. 625-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de la décharger de l'obligation de payer cette somme et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1821663 du 3 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du ministre de l'intérieur du 26 septembre 2018 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la société Air Algérie en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 23 novembre 2020, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 novembre 2020 ;
2°) de rejeter la demande de la société Air Algérie présentée devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation dès lors que les cachets, parfaitement lisibles, figurant sur le passeport de la passagère en cause faisaient apparaitre qu'elle avait déjà séjourné 89 jours dans l'espace Schengen au cours des 180 jours précédents et ne pouvait donc être à nouveau admise dans cet espace, et ainsi le caractère évident de la péremption du visa aurait dû être décelé par un contrôle normalement attentif des agents de la compagnie aérienne.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2021, la société Air Algérie, représentée par Me Pradon, demande à la Cour :
1°) de rejeter le recours ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des transports ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-le règlement (UE) 2016/399 du 9 mars 2016 ;
- le règlement (CE) 539/2001 du 15 mars 2001 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Mme A... pour le ministre de l'intérieur.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision R/18-0424 du 26 septembre 2018, le ministre de l'intérieur a infligé à la société Air Algérie, sur le fondement des articles L. 625-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une amende de 5 000 euros pour avoir, le
14 avril 2018, débarqué sur le territoire français une passagère de nationalité algérienne en provenance d'Oran, munie d'un visa Schengen manifestement périmé. La société Air Algérie ayant saisi le tribunal administratif, celui-ci a annulé cette décision par un jugement du
3 novembre 2020 dont le ministre relève appel.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 € l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un État avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un État de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 625-5 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 et L. 625-4 ne sont pas infligées : (...) 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste ".
3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.
4. D'autre part, aux termes du 1 de l'article 6 du règlement (UE) 2016/399 du 9 mars 2016 : " Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : (...) b) être en possession d'un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) no 539/2001 du Conseil, sauf s'ils sont titulaires d'un titre de séjour ou d'un visa de long séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article 1er du règlement (CE) 539/2001 du 15 mars 2001 : " 1. Les ressortissants des pays tiers figurant sur la liste de l'annexe I doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des États membres (...) ". L'Algérie est au nombre des pays tiers énumérés dans cette liste. Or, il ressort de la photocopie du passeport de la passagère en cause, produite par le ministre devant la Cour, que ce document comportait des tampons faisant apparaitre une entrée dans l'espace Schengen le 20 décembre 2017 et une sortie de cet espace le 19 mars 2018. Dès lors si la compagnie Air Algérie fait valoir que les stipulations citées ci-dessus autorisent des séjours d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, et que la passagère en cause n'aurait ainsi séjourné que 89 jours dans cet espace au cours des 180 jours précédant le
14 avril 2018, date de l'infraction, son entrée sur le territoire français à cette date aurait nécessairement conduit à la transgression de cette règle dès le lendemain à 0 heure, ce qui aurait dû conduire cette compagnie à refuser de l'acheminer. De plus, si le passeport de l'intéressée comportait de nombreux tampons, ceux qui étaient relatifs à son entrée dans l'espace Schengen le 20 décembre 2017, et à sa sortie de cet espace le 19 mars suivant, étaient parfaitement lisibles et auraient dû attirer l'attention, dans le cadre d'un examen normalement attentif, des agents de l'entreprise de transport, sans que la compagnie aérienne soit fondée à soutenir qu'un tel examen excédait les attributions et obligations de ses agents. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision R/18-0424 du 26 septembre 2018 et, par suite, à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de première instance de la compagnie Air Algérie.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la Compagnie Air Algérie au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1821663 du tribunal administratif de Paris du 3 novembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de la société Air Algérie présentée devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à la société Air Algérie.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme B... premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2021.
Le rapporteur,
M-I. B...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03521