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17/06/2021 | FRANCE | N°20PA03218

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7eme chambre, 17 juin 2021, 20PA03218


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse D... a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000789/2-3 du 24 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une r

equête et un mémoire, enregistrés le 3 novembre 2020 et le 4 mars 2021, Mme D..., représentée par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse D... a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000789/2-3 du 24 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 novembre 2020 et le 4 mars 2021, Mme D..., représentée par Me Christophel, demande à la Cour :

1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2000789/2-3 du 24 septembre 2010 du Tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 décembre 2019 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délais et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui renvoie au 11° de l'article L. 313-11 du même code ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur l'offre de soins, l'état de santé et le traitement effectif de sa fille en Géorgie.

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2021, le préfet de police, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 8 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante géorgienne née le 3 décembre 1988, est entrée en France le 25 avril 2018 avec sa fille F... née le 11 mars 2016. Elle a sollicité, le 7 février 2019, sur le fondement de l'article L. 311-12 et le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son admission au séjour en tant qu'accompagnant d'enfant malade. Par arrêté du 10 décembre 2019, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... interjette appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ". Mme D... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 8 janvier 2021, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire, qui ont perdu leur objet.

Sur la décision de refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, (...), sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

4. Il est constant que la fille A... la requérante, F..., née le 11 mars 2016, souffre du syndrome d'Angelman, maladie génétique responsable, depuis son plus jeune âge, d'un lourd retard psychomoteur, de troubles du comportement et de crises d'épilepsie. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si son état de santé nécessite un traitement régulier par antiépileptiques et mélatonine, par les certificats médicaux qu'elle produit, qui mentionnent uniquement la nécessité de ce traitement, Mme D... n'établit pas plus en appel qu'en première instance que ces traitements ne seraient pas disponibles en Géorgie. Le courrier émanant du ministère géorgien de la santé, qui mentionne que l'une des marques d'antiépileptiques prescrits à l'enfant et la mélatonine sont disponibles en Géorgie, et que les deux autres marques de médicaments qui lui ont été prescrites ponctuellement ne le sont pas, ne suffit pas à établir que d'autres médicaments équivalents ne seraient pas disponibles. Dans ces conditions, Mme D..., qui n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs elle n'est pas plus fondée à soutenir que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de ses conséquences sur l'état de santé de son enfant.

5. Enfin Mme D... ne peut utilement soutenir que la décision de refus de titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale compte tenu du séjour régulier en France de son époux, dès lors que par elle-même la décision de refus de titre de séjour n'a pas pour effet de la séparer de celui-ci, ni de son enfant.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la réponse du préfet de police à la mesure d'instruction diligentée par la Cour, qu'à la date de la décision attaquée l'époux de Mme D..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA le 10 septembre 2018 puis par la CNDA le 13 mai 2019, se trouvait en situation régulière en France, à la suite de l'annulation par le Tribunal administratif de Paris de la décision d'éloignement le concernant, et de l'injonction faite au préfet de police de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans l'intervalle, lequel réexamen était en cours le 10 décembre 2019. Dans ces circonstances particulières, Mme D... est fondée à soutenir que la décision d'obligation à quitter le territoire français qui lui a été opposée porte une atteinte disproportionnée à sa vie familiale et méconnaît, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est dès lors fondée à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles de la décision fixant le pays de renvoi.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 10 décembre 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire français, dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi pour son éloignement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressée, que le préfet de police réexamine la situation de Mme D... dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au conseil de Mme D..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme E... tendant à l'attribution de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le jugement n° 2000789/2-3 du 24 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation des décisions du 10 décembre 2019 par lesquelles le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Article 3 : Les décisions du 10 décembre 2019 du préfet de police mentionnées à l'article 2 sont annulées.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt

Article 5 : l'Etat versera au conseil de Mme D... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... épouse D..., à Me Christophel, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2021.

Le rapporteur,

P. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA03218 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7eme chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03218
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité externe. - Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CHRISTOPHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-17;20pa03218 ?
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