Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 24 juin 2020 par lesquelles le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement, d'enjoindre sous astreinte au préfet de police de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2009601/1-1 du 14 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 novembre 2020 et un mémoire enregistré le 22 février 2021, Mme B... C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2009601/1-1 du tribunal administratif de Paris du
14 octobre 2020 ;
2°) d'annuler les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 24 juin 2020 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente un récépissé de demande de titre de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnait les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnait le principe général du droit selon lequel " nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude " ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre et portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2021 et un mémoire enregistré le 14 mai 2021, non communiqué, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Le mémoire présenté par Mme C..., enregistré le 16 mai 2021 postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.
Par une décision du 8 janvier 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., se disant ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 19 janvier 1995, qui serait entrée en France le 4 avril 2015, a sollicité en juillet 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 juin 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du
14 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des décisions contenues dans l'arrêté du préfet de police du 24 juin 2020.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : " (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ;/Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".
3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. A l'appui de ses soupçons de fraude, le préfet de police fait valoir sans être utilement contredit sur ce point qu'il ressort, notamment d'une comparaison des empreintes digitales avec le fichier Visabio, que Mme C..., avant qu'elle ne se prétende ressortissante de la République démocratique du Congo, a été titulaire d'un passeport émis par les autorités angolaises au nom de " Camizele Joanna Mamengui " née le 19 janvier 1993 en Angola, mariée à un ressortissant angolais et qu'un visa Schengen de court séjour lui a été délivré au vu de ce titre de voyage par les autorités consulaires françaises en Angola. Entrée en France selon ses dires le 4 avril 2015 dans des conditions au demeurant mal déterminées, elle a donné naissance le 31 mai 2015 à un enfant dont M. E..., ressortissant français, avait reconnu la paternité le 30 mai 2015. Le 12 novembre 2019, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de mère d'un enfant français, en se prévalant cette fois pour établir son identité d'un passeport délivré par les autorités congolaises (RDC). Cependant, Mme C..., qui ne justifie d'aucune vie commune à un quelconque moment avec M. E..., ne fournit aucun élément susceptible d'expliquer comment ce dernier pourrait être le père d'un enfant apparemment conçu en septembre 2014 en Angola, pays avec lequel il n'a, pour autant qu'on puisse savoir, aucun lien. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. E... est marié et père de six enfants en France et le préfet de police soutient sans être contesté que ce dernier est également à l'origine de la reconnaissance de la paternité d'un autre enfant dont la mère était une ressortissante étrangère en situation irrégulière. Cet élément a justifié un signalement accompagné d'un dépôt de plainte effectué le 24 juin 2020 auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale. Enfin, hormis trois mandats en date des 5 juin 2018, 5 février et 11 novembre 2019 d'un montant total de 218, 69 euros qui, eu égard à la date à laquelle ils ont été émis, semblent l'avoir été pour les besoins de la cause, le père putatif ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation de l'enfant de Mme C..., hébergée dans un logement d'urgence avec son fils. Si Mme C... soutient que des démarches étaient en cours auprès du juge des affaires familiales à la date de la décision critiquée et que, postérieurement à l'arrêté attaqué, par un jugement du 17 novembre 2020, au demeurant rendu en l'absence du père putatif, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris a autorisé M. E... à exercer l'autorité parentale sur l'enfant, lui a accordé un droit de visite et mis à sa charge une pension alimentaire d'un montant mensuel de 150 euros, un tel jugement, qui a pour objet de contraindre celui qui a reconnu un enfant à assumer l'obligation alimentaire qui en découle, ne préjuge pas de la réalité de cette paternité, et ne suffit pas à infirmer les éléments concordants et sérieux qui ont conduit le préfet à estimer que cette reconnaissance de paternité présentait un caractère frauduleux. C'est donc à bon droit que le préfet de police a refusé de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par Mme C..., sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'enfant, considéré comme étant de nationalité française, était titulaire d'une carte nationale d'identité. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la requérante, hébergée par le SAMU social, est entrée récemment sur le territoire métropolitain où elle vit avec son fils, qu'elle a un autre enfant mineur qui réside dans son pays d'origine. Par suite, et eu égard au motif qui la fonde, la décision contestée n'a pas porté au respect de la vie privée et familiale de Mme C... une atteinte excessive au regard des buts poursuivis par le préfet de police et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.
7. Pour les mêmes motifs la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, la décision de refus de séjour n'étant pas illégale, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la requérante n'est pas fondée à exciper de son illégalité pour contester la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
9. En second lieu, si Mme C... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte, toutefois, de ce qui a été dit aux points 5 et 6 du présent arrêt que ces moyens doivent être écartés.
10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
11. En quatrième lieu, aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
12. Dans la mesure où il n'est pas établi que M. E... pourvoirait à l'entretien et l'éducation de son fils et où il ressort des pièces du dossier que celui-ci se rend lui-même régulièrement en République démocratique du Congo, le moyen selon lequel la décision par laquelle le préfet de police a obligé la requérante à quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.
13. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 9 de cette même convention : " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré ". Mme C... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui créent des obligations entre Etats membres sans ouvrir de droits à leurs ressortissants.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
14. Les décisions de refus de séjour et d'éloignement n'étant pas illégales, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la requérante n'est pas fondée à exciper de leur illégalité pour contester la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'elle présente au titre de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'intérieur et à Me D....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.
Le rapporteur,
M-D. A...Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 20PA03606