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10/06/2021 | FRANCE | N°20PA02919

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre, 10 juin 2021, 20PA02919


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 2001950 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête

et un mémoire complémentaire enregistrés le 12 octobre 2020 et le 19 novembre 2020, M. E..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 2001950 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 12 octobre 2020 et le 19 novembre 2020, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001950 du 18 septembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché de vice de procédure, dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'indique pas la durée prévisible du traitement nécessité par son état de santé et qu'il n'est pas démontré que cet avis a été rendu objectivement sur la base d'outils et de références documentaires ;

- son traitement n'est pas disponible au Cameroun ;

- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur de fait, dès lors qu'il établit être entré régulièrement en France ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence, dès lors que la décision portant refus de titre de séjour est elle-même illégale.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'impliquer le prononcé d'office d'une injonction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant camerounais né en janvier 1956, a bénéficié d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 16 mars 2017 au 15 mars 2019, puis a été mis en possession d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour. Par un arrêté du 28 janvier 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. E... fait appel du jugement du 18 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. E..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par le préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a produit ni en première instance ni en appel, que M. E... souffre d'une apnée obstructive du sommeil très sévère, d'une cardiopathie ischémique sévère et d'une hypertension artérielle instable, pour laquelle il prend un traitement médicamenteux. Le certificat médical produit en appel, daté du 30 septembre 2020, précise que le requérant est suivi dans le service de pneumologie de l'hôpital Cochin et au centre cardiologique du nord, à Saint-Denis. Il indique également que l'évolution incertaine des pathologies dont souffre le requérant rend nécessaire la poursuite en France d'une surveillance médicale continue et régulière. De plus, il ressort des pièces du dossier, en particulier des conclusions du rapport de polygraphie ventilatoire établi le 21 mars 2019 par un pneumologue de l'hôpital Cochin que M. E... a besoin d'un appareil respiratoire à pression positive continue en nocturne permettant un monitoring à distance. Il ressort également des termes du certificat médical établi par un praticien du centre des pathologies du sommeil de Douala, au Cameroun, que la fourniture de ce type d'appareil n'est pas disponible dans ce pays. Dans ces conditions, M. E... est fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant de renouveler son titre de séjour et, par voie de conséquence de ce refus, en l'obligeant à quitter le territoire français.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ce jugement et l'arrêté du 28 janvier 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis doivent ainsi être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu, et sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à M. E... de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001950 du 18 septembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ainsi que l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 28 janvier 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. E... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juin 2021.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

J. D...

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA02919 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02919
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Francois DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : PERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-10;20pa02919 ?
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