La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2021 | FRANCE | N°20PA00290

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre, 10 juin 2021, 20PA00290


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Le Double Fond a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 décembre 2016 par laquelle la maire de Paris a refusé d'autoriser l'extension de sa terrasse ouverte avec installation d'écrans parallèles et perpendiculaires, ensemble la décision du 18 avril 2017 rejetant son recours gracieux contre cette décision.

Par un jugement n° 1709910/4-1 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

P

rocédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Le Double Fond a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 décembre 2016 par laquelle la maire de Paris a refusé d'autoriser l'extension de sa terrasse ouverte avec installation d'écrans parallèles et perpendiculaires, ensemble la décision du 18 avril 2017 rejetant son recours gracieux contre cette décision.

Par un jugement n° 1709910/4-1 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 janvier et 22 octobre 2020, la SARL Le Double Fond représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1709910/4-1 du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 12 décembre 2016 en ce qu'elle porte refus d'extension de la terrasse couverte ;

3°) d'enjoindre à la Ville de Paris de réexaminer sa demande sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est contradictoire avec la décision du 18 avril 2017 rejetant son recours gracieux ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en ce que ni le maire d'arrondissement ni le préfet de police n'ont été consultés ;

- la demande respecte les conditions posées par l'article DG.11 du règlement municipal des terrasses et étalages parisiens, applicable du fait qu'il s'agit d'un espace piétonnier, ainsi qu'en tout état de cause celles prévues par les articles DG.4 et DG.5.

Par des mémoires en défense enregistré les 5 octobre et 3 novembre 2020, la Ville de Paris, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Le Double Fond la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

- que l'appel est tardif ;

- que le requête de première instance, présentée contre une décision confirmative, était irrecevable ;

- que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'arrêté municipal du 6 mai 2011 portant nouveau règlement des étalages et des terrasses, applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l'ensemble du territoire de la Ville de Paris ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- les observations de Me Dubois, avocat, pour la société Le Double Fond ;

- et les observations de Me A..., avocat, pour la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Le Double Fond, qui exploite un fonds de commerce de " salle de spectacle, bar, dispense de formation " au 1, place du marché Sainte Catherine, dans le 4ème arrondissement à Paris, a obtenu l'autorisation d'installer une terrasse ouverte d'une longueur de 9,50 mètres et d'une largeur de 2,50 mètres par arrêté du maire de Paris du 2 août 1988. Une première extension de la largeur de cette terrasse a été refusée par arrêté du maire de Paris du 9 octobre 1998. Elle a de nouveau sollicité, le 25 juillet 2012, l'autorisation d'installer une terrasse ouverte d'une longueur de 8,50 mètres et d'une largeur de 4 mètres, protégée par des écrans parallèles et perpendiculaires à la façade. Par un arrêté du 31 octobre 2012, le maire de Paris a refusé d'autoriser l'extension de la terrasse mais l'a, par le même arrêté, autorisée à protéger la terrasse par des écrans rigides. Le 27 octobre 2016, elle a de nouveau sollicité l'autorisation d'étendre sa terrasse ouverte sur une largeur totale de 4 mètres ainsi que celle d'installer des écrans de protection fixes pour la clore. Le maire de Paris a rejeté sa demande par une décision du 12 décembre 2016 et a rejeté le 18 avril 2017 le recours gracieux contre cette décision. La société requérante a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de ces deux dernières décisions. Par un jugement du 21 novembre 2019, le tribunal a rejeté sa requête. La société fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande s'agissant de la seule extension de la terrasse.

Sur les conclusions à fin d'annulation, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir :

2. La décision du 12 décembre 2016, prise au visa de l'arrêté du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et des terrasses installées sur la voie publique, relève que la largeur des installations sur la Place du Marché Sainte-Catherine est limitée à 2,50 mètres afin de maintenir un espace de circulation lisible et visuellement dégagé et la décision du 18 avril 2017 mentionne que les services municipaux privilégient les conditions de circulation des piétons, a fortiori dans ce secteur touristique, que le refus d'extension de la terrasse résulte donc d'un traitement égal pour l'ensemble des commerçants situés sur la place et que l'extension de l'emprise privative du domaine public réduirait de facto l'espace réservé aux piétons ainsi que l'accès aux véhicules de secours. Ces décisions, qui n'avaient pas à reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation de la société requérante, sont ainsi suffisamment motivées.

3. Les deux décisions du 12 décembre 2016 et du 18 avril 2017, fondées sur la nécessité de faciliter les conditions de circulation des piétons, ne sont entachées d'aucune contradiction.

4. Aux termes de l'article DG.1 du règlement du 6 mai 2011 des étalages et terrasses de Paris : " Toute occupation du domaine public viaire par une installation - étalages et contre-étalages, terrasses fermées, terrasses ouvertes, contre-terrasses et autres occupations du domaine public de voirie (commerces accessoires, tambours d'entrée, écrans, jardinières, planchers mobiles) au droit des établissements à caractère commercial ou artisanal - est soumise à autorisation préalable délivrée par le maire de Paris, après dépôt d'une demande auprès de ses services et après consultation pour avis du préfet de Police et du maire d'arrondissement. / (...) ".

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. Si le maire du 4ème arrondissement et le préfet de police ont bien été consultés suite à la demande du 25 juillet 2012, le premier ayant donné un avis défavorable le 9 septembre 2012 en mentionnant " pas d'extension pour le moment " et le second n'ayant pas répondu, il est constant qu'à l'occasion de la demande du 27 octobre 2016, de telles consultations n'ont pas été effectuées, en méconnaissance des dispositions de l'article DG.1 précité. Toutefois, et en l'absence d'un changement de circonstances en droit et en fait entre les deux demandes qui étaient similaires, ni le seul écoulement du temps entre elles ni la formulation employée dans l'avis du maire d'arrondissement du 9 septembre 2012, le précédent avis du 10 septembre 1998 étant déjà fondé sur la priorité donnée aux piétons, ne sont de nature à inférer que l'irrégularité de procédure aurait été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'elle aurait, en tout état de cause, privé la société requérante d'une garantie.

7. Aux termes de l'article DG.4 du même règlement : " DG.4 - Aspect des dispositifs. / Les installations doivent comporter des mobiliers et accessoires s'intégrant de façon harmonieuse et satisfaisante dans le site et l'environnement. A cet égard, un cahier de recommandations est joint au présent règlement. Des dispositions particulières complémentaires peuvent en outre être précisées dans des chartes locales. L'installation doit à la fois : / - ménager des espaces de circulation lisibles et visuellement dégagés pour les piétons, en particulier pour les personnes à mobilité réduite, / - s'intégrer à l'architecture du bâtiment devant lequel elle est projetée, / - comporter des éléments de bonne qualité esthétique et de durabilité, / - être régulièrement entretenue et maintenue en état permanent de propreté. L'autorisation d'occupation du domaine public pourra être refusée ou retirée, pour des motifs liés à un aspect esthétique non satisfaisant des installations, ou à une mauvaise insertion dans le paysage urbain. ". Aux termes de l'article DG.5 du même règlement : " DG.5 - Conditions d'octroi de l'autorisation. / La demande d'autorisation doit respecter les dispositions du présent règlement. Elle ne peut être délivrée qu'à une personne physique ou morale, propriétaire d'un fonds de commerce situé à rez-de-chaussée ouvert au public, dont une façade ou une partie de la façade donne sur la voie publique, et pour l'exercice de son activité. Le commerce doit posséder une autonomie de fonctionnement, permettant d'exercer son activité principale à l'intérieur de l'immeuble, de s'y tenir, d'y recevoir sa clientèle, d'y exposer sa marchandise, en l'absence d'autorisation (refus, ou non renouvellement, ou suppression de l'autorisation) d'occupation du domaine public. Les occupations et installations du domaine public viaire sur chaussée sont, sauf dispositions particulières pour les contre-terrasses, interdites dans les voies ouvertes en tout temps à la circulation. L'autorisation peut être refusée notamment pour des motifs liés : / - aux conditions locales de circulation (piétons, livraisons, accès aux bâtiments, ...), / - à la configuration des lieux (plantations, mobilier urbain, signalisations, émergences, réseaux et concessionnaires, installations voisines, ...), / -aux conditions de sécurité (accès aux engins de secours, bouches d'incendie, robinets de barrages de gaz, ...). ". Aux termes de l'article DG.11 du même règlement : " DG.11 - Voies et secteurs soumis à régime particulier. Nonobstant les dispositions générales et particulières, les voies, portions de voies, et secteurs ci-après sont soumis à des régimes particuliers : / DG.11.1 - Voies piétonnes, voies marché, zones de rencontre. / Les voies piétonnes, aires piétonnes (fermées à la circulation générale motorisée en permanence, mais ouvertes sous certaines conditions aux véhicules d'ayants droit), les voies marché (aux heures et jours de fermeture de la voie à la circulation automobile), les zones de rencontres (où la vitesse maximale autorisée est limitée) peuvent comporter des installations sur trottoir ou sur chaussée, sous les conditions suivantes : / - Ménager en permanence une zone de circulation des piétons, pouvant servir de zone d'intervention pour les véhicules des ayants droits ou d'intervention pour les services d'entretien et de sécurité, d'une largeur minimale de 4mètres, située dans l'axe de la chaussée, / - Maintenir une zone de circulation d'une largeur minimale de 1,80 mètre libre de tout obstacle, réservée à la circulation des piétons, et en particulier des personnes à mobilité réduite, entre étalage et contre-étalage, ou terrasse et contre-terrasse, / - Ces installations peuvent être refusées, ou n'être autorisées qu'à titre exceptionnel et pour des durées limitées si la configuration des lieux, la sécurité, la bonne circulation des piétons ou l'aspect, ne sont pas assurés dans des conditions satisfaisantes. ".

8. Il appartient à l'autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l'intérêt du domaine et de son affectation que dans l'intérêt général. L'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l'affectation et la conservation du domaine. Les autorisations privatives d'occupation de ce domaine, telles que les autorisations d'implantation de terrasses ou leur renouvellement, ne constituent pas un droit pour les demandeurs ou leur titulaire.

9. La société requérante fait valoir que l'installation de la terrasse ne remettra pas en cause l'homogénéité de la Place Sainte-Catherine, qu'elle ne sera pas une gêne pour les piétons et que les conditions prévues respectent les critères prévus par les articles DG.4, DG.5 et DG.11 précitées.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision du 12 décembre 2016 a été prise dans le but de maintenir un espace de circulation lisible et visuellement dégagé et la décision du 18 avril 2017 relève que l'extension demandée réduirait l'espace réservé aux piétons ainsi que l'accès aux véhicules de secours. Il ressort des pièces du dossier que la place du Marché Sainte-Catherine est une place piétonne, symétrique, bordée d'établissements dont la largeur des devantures est limitée à 2,5 mètres, que son terre-plein central est surélevé et que l'espace situé entre ce dernier et la terrasse actuelle de la société requérante est déjà occupé par un banc et deux arbres. Dans ces conditions, et à supposer même que les distances prévues à l'article DG.11 précité seraient respectées, le maire de Paris, qui a pu légalement examiner la demande présentée au regard des articles DG.4 et DG.5 qui sont également applicables nonobstant la circonstance que l'article DG.11 s'applique aux aires piétonnes, pouvait, sans commettre d'erreur de droit ni méconnaitre les dispositions des articles précités ni entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, refuser l'extension demandée afin de maintenir un espace de circulation lisible et visuellement dégagé et de laisser un passage suffisant pour les piétons.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Le Double Fond n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SARL Le Double Fond au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SARL Le Double Fond une somme de 1 500 euros à verser à la Ville de Paris sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Le Double Fond est rejetée.

Article 2 : La SARL Le Double Fond versera à la Ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à SARL Le Double Fond et à la Ville de Paris.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

Le rapporteur,

J.-F. B...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00290


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00290
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-Francois GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : MEILHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-10;20pa00290 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award