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09/06/2021 | FRANCE | N°21PA01224

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 juin 2021, 21PA01224


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français et a refusé de lui accorder un délai de départ de volontaire ainsi que l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de 24 mois.

Par un jugement n° 2012058/4 du 9 février 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ces arrêtés, enjoint au préfet de polic

e de réexaminer la demande de M. D... dans un délai de trois mois à compter de la noti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français et a refusé de lui accorder un délai de départ de volontaire ainsi que l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de 24 mois.

Par un jugement n° 2012058/4 du 9 février 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ces arrêtés, enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de M. D... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatifs enregistrés les 9 mars et 1er avril 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement n° 2012058/4 du 9 février 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les arrêtés contestés méconnaissaient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés par M. D... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2021, M. D..., représenté par

Me B... A..., demande à la Cour de rejeter la requête du préfet de police, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer son dossier dans un délai de deux mois, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police sont infondés, le tribunal ayant correctement tenu compte de sa situation familiale et professionnelle en France et de ce qu'il subvient aux besoins de sa famille.

Par une ordonnance du 28 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 12 mai 2021 à

12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les observations de Me A... représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant sri lankais, né le 3 août 1988, entré en France en 2009, a fait l'objet de mesures d'éloignement les 13 mai 2011 et 10 avril 2014 auxquelles il n'a pas déféré. A la suite de son interpellation le 19 octobre 2020 pour des faits de dégradations volontaires de biens privés en état d'ivresse, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire et a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, par un arrêté du 20 octobre 2020 et, par un arrêté du même jour, lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée de vingt-quatre mois. Le préfet de police relève appel du jugement du 9 février 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ces deux arrêtés.

Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Montreuil :

2. Pour annuler les arrêtés contestés devant lui, le tribunal a estimé que, dès lors que

M. D... était entré en France en 2009 et s'y était maintenu, qu'il s'était marié le 2 juin 2018 avec une compatriote qui s'était vu reconnaître la qualité de réfugiée et était titulaire d'une carte de résident, que le couple avait un enfant né le 25 février 2018, était locataire d'un logement à La Courneuve et que le requérant travaillait comme plongeur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis janvier 2018 et subvenait aux besoins de la famille, les arrêtés contestés portaient, au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ils avaient été pris, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Toutefois, il est constant que M. D... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après le rejet de plusieurs demandes d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, ses demandes de réexamen, présentées après l'édiction de mesures d'éloignement, ayant été considérées comme dilatoires, et qu'il n'a déféré à aucune des précédentes mesures d'éloignement édictées à son encontre. S'il exerce une activité, ne nécessitant au demeurant aucune qualification, il ressort du dossier qu'il est non imposable et que la famille vit essentiellement d'allocations versées par la caisse d'allocations familiales. Dans ces conditions, eu égard, d'une part, aux conditions de son séjour sur le territoire français, d'autre part, au caractère récent de son mariage et à la circonstance qu'il peut faire l'objet d'une demande de regroupement familial, les arrêtés contestés ne peuvent être regardés comme portant, à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'autorité préfectorale, chargée de la police des étrangers et donc du respect des règles régissant l'entrée et le séjour de ceux-ci en France.

4. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur le motif susrappelé pour annuler ses arrêtés du 20 octobre 2020.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal.

Sur les autres moyens soulevés par M. D... en première instance :

6. En premier lieu, les décisions contestées visent notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du d'asile, notamment le 1° du I de son article

L. 511-1, et exposent des éléments suffisants sur la situation personnelle et familiale de

M. D..., en relevant que l'intéressé, ressortissant sri lankais né le 3 août 1988, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et est dépourvu de titre de séjour en cours de validité, qu'il a commis des dégradations volontaires et que son comportement constitue une menace pour l'ordre public, qu'enfin il existe un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet dès lors qu'il n'a pas déféré à des précédentes mesures d'éloignement et qu'il ne ressort pas de l'examen de sa situation qu'il serait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, les décisions contestées comportent l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des arrêtés contestés doit être écarté.

7. En deuxième lieu, pour les motifs indiqués au point 3. ci-dessus, M. D... ne soutient pas à bon droit que ces arrêtés portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De même, et pour les mêmes motifs, il n'est pas fondé à soutenir que ces arrêtés méconnaissent l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, l'intéressé ne justifiant d'ailleurs par aucune pièce subvenir à l'entretien et à l'éduction de son enfant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ses arrêtés du 20 octobre 2020, lui a enjoint de réexaminer la demande de M. D... dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des frais d'instance, et à obtenir, en conséquence, l'annulation des articles 1, 2 et 3 de ce jugement et le rejet des demandes présentées par M. D... devant le tribunal. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter les conclusions présentées devant la Cour par M. D... au titre des frais d'instance, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 à 3 du jugement n° 2012058/4 du 9 février 2021 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... D....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme C..., président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2021.

Le président-rapporteur,

I. C...L'assesseur le plus ancien,

F. MAGNARD

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

No 21PA01224


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01224
Date de la décision : 09/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : AMIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-09;21pa01224 ?
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