Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme J... E... et M. I... A... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler la décision du ministre en charge du logement et de l'aménagement du territoire portant rejet implicite de leur recours administratif reçu le
23 décembre 2019 par l'administration, d'annuler la décision expresse de refus de permis de construire du 12 novembre 2019 contre laquelle était dirigé le recours administratif du
20 décembre 2019 et d'ordonner à l'autorité administrative compétente de délivrer l'autorisation d'occupation du sol sollicitée.
Par un jugement n° 2000079 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2020, et un mémoire enregistré le 8 avril 2021, Mme J... E... et M. I... A..., représentés par Me H..., demandent à la Cour :
1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du
15 décembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du ministre en charge du logement et de l'aménagement du territoire portant rejet implicite de leur recours administratif reçu le 23 décembre 2019 par l'administration ;
3°) d'annuler la décision expresse de refus de permis de construire du 12 novembre 2019 contre laquelle était dirigé le recours administratif du 20 décembre 2019 ;
4°) d'ordonner à l'autorité administrative compétente de délivrer l'autorisation d'occupation du sol sollicitée ;
5°) de mettre à la charge de la Polynésie Française la somme de 226 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le signataire de la lettre du 7 mars 2019 qui leur réclamait la production de pièces complémentaires n'avait pas compétence pour ce faire ;
- le service de l'urbanisme n'a pas notifié sa décision dans un délai de cinq jours en méconnaissance de l'article A.114-17 du code de l'aménagement et il a illégalement prolongé le délai d'instruction ;
- la cellule " Plan de prévention des risques " n'avait pas à être consultée, le plan de prévention des risques naturels de la commune de Mooréa étant en cours d'élaboration et seul le plan général d'aménagement leur était opposable ;
- le bureau d'études Begetech n'était pas en mesure de produire l'évaluation sollicitée ;
- la décision du 7 mars 2019, qui retire un permis de construire tacitement accordé le
22 janvier 2019, n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le rapport de Begetech comportait l'ensemble des prescriptions à respecter pour assurer la sécurité de la construction ; l'étude demandée, qui portait sur l'ensemble de la zone, excédait ce qui pouvait être exigé d'un pétitionnaire.
Par un mémoire enregistré le 25 mars 2021, la Polynésie Française, représentée par
Me F... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme E... et de M. A... la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Polynésie Française soutient que :
- l'avis du 7 mars 2019 du bureau en charge des plans de prévention des risques au sein du service de l'urbanisme qui constitue un acte préparatoire à la décision de refus de permis de construire n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
- le signataire du refus de permis de construire était dûment habilité ;
- le service de l'urbanisme n'était pas tenu d'informer les demandeurs qu'il sollicitait l'avis du service compétent en matière de prévention des risques ;
- les délais d'instruction recommençaient à courir à compter de la réception de l'intégralité des pièces sollicitées ;
- c'est à bon droit, compte tenu de l'instabilité du terrain, que le service instructeur a réclamé une étude complémentaire, le rapport Begetech étant insuffisant et incomplet ;
- le code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable en Polynésie.
La clôture de l'instruction est intervenue le 20 avril 2021.
Vu les décisions attaquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de l'aménagement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 12 novembre 2019, implicitement confirmée sur recours gracieux, le chef du service de l'urbanisme du ministère du logement et de l'aménagement du territoire a refusé de délivrer à Mme E... et M. A... le permis de construire un faré sur une parcelle dont ils sont propriétaires sur le territoire de la commune de Haapiti qu'ils avaient sollicité le 26 septembre 2018. Mme E... et M. A... relèvent appel du jugement du
15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. L'article A. 114-15 du code de l'aménagement de la Polynésie française, relatif à la procédure d'instruction du permis de construire dispose notamment que : " §.1.- Les demandes de permis de construire sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées contre un récépissé de dépôt au service de l'urbanisme qui est le service instructeur. / (...) / §.2.- A compter de la réception de la demande, le service instructeur affecte un numéro d'enregistrement à la demande et en accuse réception (...) / §4- Si le dossier est recevable, l'autorité compétente le notifie au pétitionnaire (...) Cette notification constatant le caractère recevable de la demande inaugure la phase d'instruction. / Elle doit alors préciser :
a) La date à laquelle un permis, exprès ou tacite, doit intervenir ;/ b) Les raisons qui peuvent interrompre l'instruction, notamment la réclamation de pièces techniques complémentaires nécessaires à l'instruction de la demande, conformément à l'article A.114-16... ". L'article
A. 114-16 prévoit que : " §.1.- A compter de la notification constatant que le dossier est complet, l'autorité compétente en matière d'autorisation de construire dispose d'un délai de deux (2) mois pour procéder à l'instruction de la demande. Le délai d'instruction susmentionné est
d'un (1) mois pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle au sens de l'article A.114-33 ainsi que ses annexes et/ou extensions. / L'autorité compétente en matière d'autorisation de construire recueille les accords, avis ou décisions prévus par les règlements en vigueur ". Enfin aux termes de l'article A.114-18 : " A défaut de notification d'une décision expresse dans les délais prévus à l'article A.114-16, le silence gardé par l'autorité compétente vaut permis de construire tacite dont le numéro sera celui de l'accusé- réception mentionné à l'alinéa 1 du paragraphe 2 de l'article A.114-15 ".
3. Cependant, l'article A. 114-22 du code de l'aménagement dispose également que : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions, leurs caractéristiques, ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier : / - sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ". L'article A.114-20 du même code prévoit que : " La construction sur des terrains exposés à un risque naturel (inondation, érosion, affaissement, éboulement, ...) peut n'être autorisée que sous réserve de la fourniture de documents justificatifs des dispositions envisagées tels que : étude géologique de sol, étude de structures particulières, etc., l'autorisation étant elle-même subordonnée à des conditions spéciales ". S'agissant des documents justificatifs mentionnés à l'article précédent, l'article A.114-16 précise que : " ...§.2.- Lorsque l'examen du dossier fait apparaître la nécessité de justifications, explications ou documents complémentaires, l'autorité compétente les demande au pétitionnaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal ou par transmission électronique si le demandeur a accepté de recevoir ses notifications par voie électronique. / §.3.- La demande de pièces complémentaires précise :/ a) Que les pièces manquantes au titre des pièces techniques complémentaires doivent être adressées au service instructeur dans le délai de 3 mois à compter de la réception de la présente lettre ;/ b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision de rejet ;/ c) Que le délai d'instruction est suspendu et qu'il recommencera à courir à compter de la réception de l'intégralité des pièces techniques complémentaires sollicitées... ".
4. Mme E... et M. A... font valoir que le 26 septembre 2018, le service de l'urbanisme a accusé réception de leur demande de permis de construire, que le 29 octobre 2018, ce service a déclaré leur demande recevable à compter du 11 octobre 2018 et réclamé des pièces complémentaires à fournir dans un délai de trois mois, dont une étude technique destinée à lui permettre d'apprécier le constructibilité de la parcelle au regard des risques naturels, que l'ensemble des pièces sollicitées a été fourni au plus tard le 10 janvier 2019, que le délai d'instruction a repris à cette date et qu'ils étaient dès lors bénéficiaires d'un permis de construire tacite à la date du 22 janvier 2019. Ils en déduisent que la demande du service de l'urbanisme du 7 mars 2019 tendant à ce que l'étude technique soit complétée est intervenue alors que l'instruction de leur demande avait pris fin et qu'elle doit s'interpréter comme un retrait implicite du permis de construire tacite né le 22 janvier 2019. Ils soutiennent que ce retrait implicite étant entaché d'illégalité, le rejet de leur demande de permis de construire par décision du
12 novembre 2019, implicitement confirmé sur recours hiérarchique, fondé sur le défaut de production des documents dans le délai imparti, est de ce fait illégal.
5. Dans sa lettre du 29 octobre 2018, le service de l'urbanisme, après avoir rappelé que la parcelle se trouvait dans une zone d'aléa fort de mouvement de terrain, invitait les pétitionnaires à fournir une étude technique réalisée par un bureau d'études spécialisé, qui démontrerait la sécurité du projet et qui traiterait de la nature géologique et des caractéristiques géotechniques du terrain, de la stabilité des terrains d'assises et des pentes en amont et en aval avant et après la réalisation des travaux, du drainage périphérique aux constructions, et des mesures de protection permettant la stabilité des terrassements à réaliser. Cette demande précisait que l'étude devait être réalisée à l'échelle du bassin de risque, qu'elle devait définir l'aléa en aval et en amont de la zone du projet et évaluer l'impact des aménagements sur ces secteurs. L'étude réalisée par le bureau Begetech le 10 janvier 2019 qui se borne à donner un aperçu géologique sommaire de l'ile de Mooréa, à se livrer une description visuelle du terrain et de sa végétation, à faire état de deux essais ponctuels sur la parcelle dont il était précisé qu'ils ne permettaient pas de caractériser la nature des terrains et qu'ils n'étaient pas extrapolables à l'ensemble du site et de ses alentours immédiats, à préconiser que les travaux soient réalisés dans les règles de l'art tout en préservant la végétation de la parcelle et à mettre en place un filet susceptible d'arrêter les chutes de pierres ne répond pas à ces exigences. Ainsi que l'ont relevé les agents du bureau de prévention des risques qui se sont par ailleurs rendus sur place, l'étude de Begetech ne comporte aucun élément d'observation ou d'analyse du bassin de risque, du versant et des formations sous-jacentes, elle n'analyse pas la taille des blocs, leur propension à se décrocher et leur limite de propagation en aval, et en l'absence de qualification du niveau d'aléa, les recommandations qu'elle comporte sont sans utilité. Mme E... et M. A... ne peuvent utilement faire valoir, pour s'exonérer des limites de l'étude qu'ils ont fournie, que les techniciens de Begetech ne pouvaient pas pénétrer dans les propriétés voisines. Il en résulte que cette étude, qui ne répondait manifestement pas à la demande formulée le 29 octobre 2018 et dont les omissions ou insuffisances étaient de nature à fausser l'appréciation que l'autorité administrative devait porter sur la conformité du projet à la réglementation applicable, n'était pas, en raison de ses carences, de nature à faire courir à nouveau l'instruction de la demande de permis de construire. A la date à laquelle le service de l'urbanisme a demandé aux requérants une nouvelle étude correspondant à celle qui lui avait été demandée et remédiant aux insuffisances de celle qu'ils avaient transmise le 10 janvier 2019, le dossier de demande de permis de construire n'était pas complet. Dès lors Mme E... et M. A... n'étaient pas bénéficiaires d'un permis de construire tacite et la demande du 7 mars 2019 ne saurait être regardée comme un retrait implicite d'une telle décision.
6. Mme B... G... tenait de l'arrêté 5307/ MLA du 31 mai 2018, publié au Journal Officiel de la Polynésie Française du 8 juin 2018, mis en ligne sur le site Lexpol, sa compétence pour signer les transmissions aux pétitionnaires des demandes des compléments des services consultés dans le cadre des dossiers dont l'instruction lui était confiée.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, la demande d'étude complémentaire ne saurait s'analyser en l'espèce comme le retrait d'un permis de construire tacite dont les requérants auraient été bénéficiaires depuis le 22 janvier 2019. La demande n'était pas dès lors subordonnée à la mise en œuvre d'une procédure contradictoire.
8. Il ressort des pièces du dossier que, le 29 octobre 2018, le service de l'urbanisme a indiqué à M. C..., mandataire de Mme E... et de M. A..., que la demande de permis de construire nécessitait d'examiner le projet au titre des mesures de prévention vis-à-vis des risques naturels. Les pétitionnaires ne peuvent donc sérieusement soutenir qu'à aucun moment ils n'ont été informés que leur demande de permis de construire serait soumise à une instruction poussée de la section Etudes et Plans du service de l'urbanisme au regard des risques naturels afférents au projet de construction. En tout état de cause, la réglementation précitée n'impose pas au service de l'urbanisme d'informer les pétitionnaires qu'il a sollicité l'avis du service en charge de l'élaboration du projet de plan de prévention des risques concernant l'exposition aux risques naturels pour les projets de construction soumis à autorisation. Dès lors que la construction projetée portait sur des terrains exposés à un risque naturel, l'administration était en droit de solliciter l'avis de la section Etudes et Plans relatif aux risques naturels, alors même que le projet de plan de prévention des risques n'était pas opposable aux requérants. L'avis de cette section pouvait être demandé plus de quatre mois après la demande d'une étude géologique dès lors que l'étude fournie, lacunaire, ne correspondait pas à ce qui avait été demandé à Mme E... et M. A... et que, ainsi qu'il a été dit, l'instruction se poursuivait, aucun permis tacite n'étant acquis par les requérants.
9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, le rapport de la section Etudes et Plan relève que l'étude Begetech ne comporte aucun élément d'observation ou d'analyse du bassin de risque, du versant, et des formations sous-jacentes, qu'elle n'analyse pas la taille des blocs, leur propension à se décrocher et leur limite de propagation en aval, et qu'elle ne qualifie pas le niveau d'aléa. Il s'en déduisait nécessairement que la demande du 7 mars 2019 tendait à ce que l'étude soit complétée sur ces points. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'objet de cette investigation complémentaire ne tendait pas à faire réaliser aux frais des pétitionnaires une étude générale sur les risques d'éboulement dans la zone alors que cette mission a été confiée au BRGM dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques de la commune, mais seulement à évaluer de manière sérieuse et précise les risques de chute de blocs sur la construction que Mme E... et de M. A... se proposaient d'édifier sur leur parcelle, et les risques que présenteraient les terrassements envisagés dans leur propriété sur les parcelles situées en contrebas. Il n'est pas établi qu'un bureau d'études, qui ne se serait pas limité à des observations sommaires limitées à la parcelle des requérants, n'aurait pas été en mesure de répondre aux questions ainsi posées, les terrains environnants en friche n'étant pas clôturés et les agents de l'administration n'ayant pas rencontré de difficultés particulières pour procéder à leurs propres observations.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté leur demande. Leurs conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
11. La Polynésie Française n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions des requérants tendant à ce que soit mise à sa charge les frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que présente la Polynésie Française sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... et de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie Française sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... et à M. A..., et à la Polynésie Française
Délibéré après l'audience publique du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. D..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021.
L'assesseur le plus ancien,
M-D. JAYER Le président de la formation de jugement,
président-rapporteur,
Ch. D... Le rapporteur,
Ch. D...Le président,
M. D...
Le greffier,
E. MOULIN
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer et au Haut-Commissaire en Polynésie Française en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 20PA04257