Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Enedis a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 9 novembre 2018 par laquelle la maire de la commune de Cachan a rejeté sa demande d'abrogation de la délibération du 28 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de cette commune a réglementé le déploiement des compteurs communicants sur son territoire, en tant qu'elle concerne les compteurs " Linky ", et d'enjoindre à la commune de Cachan d'abroger cette délibération.
Par un jugement n° 1900215 du 20 décembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision de la maire de Cachan du 9 novembre 2018 et a enjoint à la commune de Cachan d'abroger la délibération du 28 juin 2018, en tant qu'elle concerne les compteurs communicants " Linky ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juin 2020 et le 2 mars 2021, la commune de Cachan, représentée par la SELARL JL Avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Enedis devant le Tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'ultra petita en tant qu'il énonce que la demande doit être regardée comme contenant des conclusions à fin d'injonction à la commune de Cachan d'abroger la délibération du 28 juin 2018 alors que la société Enedis n'avait formulé aucune demande d'injonction ;
- la demande de la société Enedis devant le tribunal administratif est irrecevable dès lors que la délibération du 28 juin 2018 constitue un voeu au sens de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales qui n'a pas de caractère décisoire et ne pouvait dès lors faire l'objet d'un recours tendant à l'annulation du refus de l'abroger ;
- le caractère de voeu de la délibération du 28 juin 2018 est avéré d'un point de vue formel, dès lors que la délibération a été adoptée en fin de séance du conseil municipal selon l'usage, que son objet indique clairement qu'il s'agit d'un voeu et que son dispositif est dépourvu de toute portée décisoire ;
- ce caractère de voeu résulte également du fond de la délibération, dès lors qu'elle se borne à émettre des souhaits et formuler des demandes à l'attention du concessionnaire dans un domaine qui ne relève pas de sa compétence, afin que les appréhensions de la population soient prises en considération ; ainsi, et contrairement aux cas d'espèce correspondant aux décisions citées par la société Enedis, la délibération du 28 juin 2018 n'instaure ni réglementation ni refus du déploiement des compteurs " Linky " ;
- c'est précisément parce qu'elle n'a pas compétence pour réglementer l'installation des compteurs qu'elle n'a adopté aucune réglementation mais simplement un voeu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, la société Enedis, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- les observations de Me D... pour la société Enedis.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération n° 21 du 28 juin 2018 intitulée " Voeu relatif au déploiement des compteurs dits "communicants" (Linky, Gazpard...) ", le conseil municipal de la commune de Cachan a adopté la motion suivante : " Le conseil municipal... demande qu'il y ait une réelle prise en compte des demandes de l'usager concerné sur les besoins d'information relatifs aux risques sanitaires et à la protection des données. Demande que l'installation des compteurs permette de manière généralisée et sans surcoûts un affichage déporté pour accéder en temps réel à la consommation (en kWh et en euros) et que les données soit rendues aisément accessibles sans passer par l'Intermédiaire d'un fournisseur. La ville de Cachan demande à ce que ses concitoyens aient le droit de refuser l'installation des compteurs communicants liés à leur habitation, que ce soit dans leur propriété ou à l'extérieur ainsi que dans les parties communes d'immeubles. Elle demande que le gestionnaire de réseau de distribution ne mène aucune action coercitive à l'égard d'usagers qui refuseraient l'installation des compteurs communicants liés à leur habitation. La ville s'assurera que toutes les dispositions pour faire connaître leurs droits aux usagers soient prises par le délégataire ". Par une lettre du 18 octobre 2018, la société Enedis a demandé à la maire de la commune de Cachan de procéder à l'abrogation de cette délibération n° 21 en tant qu'elle concerne les compteurs " Linky ". Par décision du 9 novembre 2018, la maire de Cachan a rejeté cette demande. La commune de Cachan relève appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé cette décision de la maire de Cachan refusant d'abroger la délibération du 28 juin 2018 en tant qu'elle concerne les compteurs " Linky " et, d'autre part, enjoint à la commune de Cachan d'abroger cette délibération.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article. L. 911-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
3. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique.
4. Contrairement à ce que soutient la commune de Cachan, les premiers juges, après avoir procédé à l'annulation de la décision du 9 novembre 2018 par laquelle la maire de cette commune a refusé d'abroger la délibération n° 21 du 28 juin 2018 du conseil municipal en tant qu'elle concerne les compteurs " Linky ", ont à bon droit estimé que la société Enedis, qui avait demandé au tribunal d'abroger la délibération par voie de conséquence de cette annulation, devait être regardée comme lui ayant demandé en réalité d'enjoindre à la commune de Cachan de procéder à cette abrogation. Par suite, la commune de Cachan n'est pas fondée à soutenir qu'en procédant à une telle interprétation de la demande de la société Enedis, les premiers juges auraient statué ultra petita. En tout état de cause, il résulte des dispositions susvisées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, et notamment de son dernier alinéa, que les premiers juges pouvaient prescrire d'office une telle mesure dès lors que l'annulation du refus d'abroger la délibération du 28 juin 2018 impliquait nécessairement que la commune de Cachan abroge cette délibération.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En premier lieu, si la délibération n° 21 du 28 juin 2018 précitée ne fait état que d'une série de demandes adressées, selon la commune de Cachan, au gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité, elle se termine par l'affirmation du conseil municipal, qui a par ailleurs revendiqué, à tort, la propriété de la commune sur les compteurs d'électricité, selon laquelle " la ville s'assurera que toutes les dispositions pour faire connaître leurs droits aux usagers soient prises par le délégataire ". Par suite, cette délibération, au regard de la portée des demandes qu'elle contient, qui laisse subsister une ambiguïté sur la nature précise des droits des usagers, notamment la possibilité pour eux de refuser l'installation des compteurs " Linky ", ne constitue pas un simple voeu mais traduit la volonté du conseil municipal de s'opposer au déploiement de ces compteurs sur son territoire. Il en est de même de la décision de la maire de Cachan du 9 novembre 2018 portant refus de la demande d'abrogation de cette délibération en tant qu'elle concerne les compteurs " Linky ". Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la commune, la délibération du 28 juin 2018 ainsi que la décision du 9 novembre 2018 sont des actes faisant grief, susceptibles de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir. Dès lors, la demande de la société Enedis devant le Tribunal administratif de Melun était recevable.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cachan, qui ne conteste pas les motifs pour lesquels le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision de la maire de Cachan du 9 novembre 2018, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ce tribunal a annulé cette décision et a enjoint à la commune de Cachan d'abroger la délibération n° 21 du 28 juin 2018, en tant qu'elle concerne les compteurs communicants " Linky ".
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Enedis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Cachan demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Cachan est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cachan , à la société Enedis.
Copie en sera adressée au SIPPEREC.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme B..., présidente,
- M. C..., premier conseiller,
- Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.
Le rapporteur,
P. C...
La présidente,
M. B... La greffière,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 20PA01495