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03/06/2021 | FRANCE | N°20PA04032

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 03 juin 2021, 20PA04032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2011389 du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémo

ire, enregistrés le 17 décembre 2020 et le 22 avril 2021, M. B..., représenté par Me A..., demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2011389 du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2020 et le 22 avril 2021, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2011389 du 18 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous le même délai et la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le tribunal n'a pas examiné les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet de police n'a pas examiné s'il remplissait les conditions de délivrance du titre de séjour, dès lors que, lors de son accueil en préfecture, il lui a été indiqué qu'il serait convoqué pour produire les pièces prévues à l'article R. 5221-20 du code du travail ;

- il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

- le préfet de police a commis une erreur de droit en fondant le refus de séjour sur l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception et entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 mai 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par un courrier du 20 avril 2021, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la Cour est susceptible de substituer à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987, s'agissant de la base légale de la décision refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " salarié ".

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, a sollicité le renouvellement de son droit au séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 15 juillet 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... fait appel du jugement du 18 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 3 de l'accord entre la République française et le Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police, alors même que la situation des ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France est régie par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, a fondé sa décision sur les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ainsi méconnu le champ d'application de la loi. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Le refus de titre de séjour opposé à M. B... trouve son fondement dans les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, qui peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que cette substitution de base légale, sur laquelle l'intéressé a pu présenter des observations, ne prive celui-ci d'aucune garantie.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui était titulaire d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, valable du 12 janvier 2018 au 11 janvier 2020, en qualité de conjoint d'une ressortissante française, a sollicité le renouvellement de son droit au séjour en qualité de salarié, à la suite de la séparation avec son épouse, et a été reçu à cette fin le 3 janvier 2020 dans les services de la préfecture de police. M. B... fait valoir, en produisant en outre une attestation de son accompagnant au rendez-vous précité, qu'à cette occasion, il a remis son contrat de travail et les bulletins de paie justifiant de son activité professionnelle en qualité de plombier, ainsi qu'une promesse d'embauche en cas de renouvellement de son droit au séjour, et qu'il lui a été délivré un récépissé valable jusqu'au 2 avril 2020 dans l'attente de la production du formulaire Cerfa et des pièces justificatives nécessaires pour que sa situation puisse être appréciée par le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris au regard des conditions mentionnées notamment à l'article R. 5221-20 du code du travail, les services de la préfecture de police lui ayant précisé qu'il serait ultérieurement convoqué, initiative qui n'est pas contestée par le préfet de police, l'agent qui a procédé à l'enregistrement de la demande ayant d'ailleurs indiqué que l'intéressé pouvait revenir avec les documents demandés. M. B..., qui produit au dossier les pièces précitées, soutient également sans être plus contredit, qu'il n'a plus été convoqué en dépit de l'engagement pris et n'a pas été mis en mesure de produire ces pièces. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que le préfet de police n'a pas correctement examiné sa situation personnelle, en vue d'apprécier s'il remplissait les conditions de délivrance du titre de séjour sollicité avant d'édicter l'arrêté attaqué.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens invoqués, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. Le présent arrêt, eu égard à son motif d'annulation, n'implique pas nécessairement que le préfet de police délivre un titre de séjour à M. B... mais seulement qu'il procède à un réexamen de sa situation administrative. Il y a ainsi lieu, en vertu de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police de procéder à un tel réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu, en l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 000 euros au titre des frais que M. B... a exposés, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2011389 du 18 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 15 juillet 2020 du préfet de police est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à M. B... la somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Marion, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

Le rapporteur,

F. D...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA04032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04032
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : LOGHLAM

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-03;20pa04032 ?
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